La RSE, facteur de changement, de discrimination ou de compétitivité ?

Publié le 17 mars 2009 par Infoguerre

Le contexte actuel- où le capitalisme et ses débordements sauvages sont mis en accusation- sert le développement des critères moraux véhiculés par les notions d’investissement socialement responsable (ISR) et de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces termes, mal traduit de l’anglais, désignent une certaine responsabilisation de l’entreprise vis-à-vis de la société en général, non pas dans le sens restrictif que lui accorde le français. De plus en plus de fonds d’investissement teintent leurs placements de responsabilité sociale, quand ne se créent pas des fonds qui leurs soient spécialement consacrés. L’évaluation de critères extra-financiers, de critères qualitatifs, dans l’examen d’une entreprise permet une meilleure visibilité des dangers encourus par un placement. De même, la prise en compte de critères éthiques et moraux garantit une meilleure réputation de l’investisseur et plus de sécurité sur les plans judicaire et social. Enfin, sous l’angle pécuniaire, une entreprise qui respecte les critères ESG (environnement, social, gouvernance) est réputée offrir une meilleure rentabilité.

La responsabilité sociale des entreprises  n’est plus une mode passagère suivie par une minorité mais un mouvement structurel visant à refondre le capitalisme pour lui offrir de nouvelles bases. Elaborée pour être un vrai facteur de changement, le marché s’en sert maintenant comme d’une sanction. Par exemple, de nombreux fonds d’investissement ont dressé une liste noire des entreprises ayant un lien avec l’industrie des bombes à sous munitions ou des mines anti-personnelles. Dans cet esprit, le fonds d’investissement danois Pensionskassernes Administration a désinvesti 8,4 millions d’euros du groupe Total pour ses liens avec le régime birman.

Le doute persiste tout de même sur l’efficience de la RSE. Peut-on être réellement compétitif et rentable en appliquant de tels critères de gestion et de placement ? Il semble qu’une réponse très « stratégique » soit apportée à cette question et que certains aient trouvé l’occasion de muer un handicap, les exigences morales, en un avantage compétitif.

Un outil de discrimination ?

Nés de l’idée d’un assainissement du capitalisme, les critères de l’ISR portent d’imposantes exigences éthiques. Ils peuvent servir de standards minimums exigés par l’investisseur et ainsi discriminer des entreprises ne les respectant pas. Dans un contexte de compétition économique exacerbée, ils pourraient servir la conquête ou la reconquête de marchés sensibles.

C’est un outil du « soft power » très bien utilisé par les Anglo-saxons. La RSE se présente comme un outil novateur pour imposer ses normes et valeurs dans le domaine de la finance où l’Occident défend sa place dominante. Les plus gros fonds d’investissement étant anglo-saxons, en particulier les fonds de pension, leur positionnement a un impact considérable sur leur milieu. Les critères qu’ils déterminent pour leurs engagements peuvent conduire à la discrimination pure et simple et se muer ainsi en outil de compétitivité.

Un outil de compétitivité ?

La Chine fait les frais de cette surenchère morale. Elle s’impose avec facilité sur les marchés africains face à des Européens souvent jugés trop exigeants éthiquement. Avec l’ISR, ces derniers retournent un point négatif à leur avantage, comme l’illustre l’exemple de PetroChina. La Sudan Divestment Task Force (SDTF), une ONG américaine, a conduit une campagne offensive contre les entreprises soutenant le régime soudanais, parmi lesquelles le gros groupe pétrolier chinois : en 2008, PGGM, un fonds de pension néerlandais, a vendu pour 37 millions de ses parts dans PetroChina après avoir demandé à l’entreprise de moraliser ses relations avec le gouvernement soudanais. C’était la première fois que ce fond désinvestissait sous ce motif.

Les fonds d’investissement qui retirent leurs soutiens sont occidentaux, tout comme les critères évoqués… et au contraire des entreprises incriminées. Ainsi les 40 sociétés visées en premier lieu par la SDTF sont chinoises, malaysiennes, indiennes, koweitiennes et libyennes.

En poursuivant dans l’idée d’un avantage compétitif procuré par la RSE, le scandale de la société Satyam illustre parfaitement l’opportunité que les sociétés européennes peuvent saisir à l’occasion de telles faillites morales. Cette affaire devrait ricocher sur les SSII (sociétés de service en ingénierie informatique) indiennes et favoriser leurs concurrents occidentaux tout en freinant leur installation en Occident.

Sur des marchés périlleux, les investisseurs aspirent à des garanties supérieures et morales pour contrebalancer les risques pris en s’y engageant. Au-delà d’un effet de mode bien compris, c’est un vrai créneau qui se développe pour l’Occident face à de jeunes entreprises moins scrupuleuses.

JB

Pour aller plus loin :

Le blog réflexion durable : Comment détourner la RSE en arme de guerre économique ?