Octave Mirbeau lu par Gaëlle Mairet, Grinalbert
Oui, je sais, honte à moi ... d'Octave Mirbeau, je n'ai lu qu'un seul livre, sans doute le plus connu : Le journal d'une femme de chambre ... j'ai, dans ma bibliothèque, un recueil de textes écrits par ce confrère Combats littéraires – et oui, Octave Mirbeau était journaliste – publié aux éditions « L'âge d'homme », mais je ne l'ai toujours pas ouvert ... son contenu me semble pourtant fort intéressant : il s'agit en effet de papiers – articles, préfaces, interviews – relatifs aux autres écrivains et à la vie littéraire de son temps ...
Ne vous privez pas, si vous cherchez à mieux connaître le célèbre Normand, d'écouter ce CD audio édité chez Grinalbert ... les quelques courtes histoires permettent de mieux appréhender l'esprit caustique du personnage ... Mirbeau se moque, met ses contemporains en boîte ... il raille la bourgeoisie qui prétend distiller ses bons sentiments alors qu'en fait elle ne cherche qu'à asseoir son pouvoir ... il critique l'esprit de clocher et fait montre ici d'un goût pour les situations absurdes qui révèlent toute la petitesse d'une partie du genre humain ... il y a chez lui un vrai esprit gaulois ... un esprit qui manque par les temps qui courent ...
Dans « La bague », un baron en fin de vie veut à tout prix faire plaisir à sa chère et tendre, une dénommée Boule de Neige ... le vieil homme n'a rien trouvé de mieux que de se faire fouiller une partie de son sang afin qu'on en prélève du fer ... fer qui servirait ensuite à fabriquer un bijou pour sa belle ... le lecteur comprend vite que le noble se complique bien la vie pour rien puisque de toute façon la dame n'a que faire de ses efforts ... et qu'elle aurait préféré un autre cadeau ...
« Mon jardinier » met en scène un certain Quesnay qui s'interroge sur la mort de ses glaïeuls ... n'en comprenant pas la cause, il se tourne alors vers son jardinier avec qui il passera le plus clair de son temps à vider des verres tout en veillant à ce que sa propre fille ne soit pas mise au parfum ... on apprendra très vite que ladite progéniture se livre au même vice ... chez Mirbeau, les avocats de la bonne conscience morale sont souvent ceux qui la bafouent sans vergogne ... rassurez-vous, vous ne tarderez pas à savoir quel mal frappe les fameux glaïeuls de Monsieur Quesnay ...
Parmi les cibles du journaliste-écrivain, il y a aussi la justice ... enfin, une certaine justice ... dans « La vache tachetée » il est question d'un prisonnier, Jacques Errant – on appréciera le paradoxe patronymique - ... il ne comprend pas les raisons de son enfermement ... alors il s'interroge ... il se demande s'il n'a pas eu le tort de proclamer une vérité ... s'ensuit alors un dialogue avec son geôlier qui évoque la possibilité que Jacques Errant ait été embastillé pour avoir possédé une vache tachetée ... supposition confirmée par le verdict ... motif absurde qui permet à Mirbeau de dénoncer les mauvaises raisons de mettre les individus à l'ombre ...
Et la galerie de personnages ne s'arrête pas là ... dans « Un administrateur », il est question d'un maire de village censé, selon l'auteur, se dévouer corps et âmes pour ses administrés ... mais l'écrivain sait parfaitement induire en erreur son lecteur qui comprendra vite de quoi est capable le notable pour maintenir son pouvoir ... Mirbeau aime débusquer les salauds et grossir leurs traits afin que chacun d'entre nous puisse ne pas se laisser abuser ... malheureusement, certains tombent dans le panneau, comme ce monsieur Latête, dans « En viager » : un pharmacien décrit comme un citoyen-modèle ... le triste sire se fera pourtant berner par un obscur conseiller qui lui suggère de mettre son terrain en viager ... et comme l'homme tarde à passer l'arme à gauche, le manipulateur va lui administrer un traitement pour réduire son temps d'attente ...
On pourra enfin se délecter à l'écoute de « En traitement » qui met en scène la famille Tarabustin – les noms sont décidément des poèmes - ... un clan dont chacun des membres constitutif souffre d'un mal ayant pour nom « catarrhe de la trompe d'Eustache », « hydrathrose au genou » ou encore « déviation du rachis » ... mais ces maladies ne sont riens comparées à l'aveuglement dont est frappé
le chef de famille, Isidore-Joseph, professeur au lycée de Montauban ...
En quelques mots, Mirbeau campe le décor et signifie à son lecteur à qui il a affaire ... exemple :
« Quelquefois, lorsque leur fils dort, ils s'acharnent à de hideuses amours, et désolent, de leurs baisers malthusiens, le silence de la nuit. »
Isidore-Joseph est un imbécile qui prend des airs de grand homme ... ainsi est-il persuadé de n'être pas un vulgaire qui, dans sa conception, ne perçoit que les apparences ...
Mais faut-il vraiment faire confiance à quelqu'un qui voit quelque chose de religieux, de patriotique dans un réverbère ?
Et tout est à l'avenant ici ...
Alors, si vous voulez faire honneur à Mirbeau procurez-vous ce CD ...
Allez, je vous laisse ... je vais lire les « Combats littéraires » dont je vous parlais en début de chronique ...