Traversée en apnée d’une heure d’un des plus beaux textes sur la violence de la guerre et de ce qu’elle fait aux hommes, ce qu’elle fait d’eux. On ressort de là KO debout, sonnés par le texte et par la performance d’Anne Alvaro qui tient tout ça d’une main de fer, fragile silhouette rouge traçant à grands pas la géométrie d’un plateau retourné comme une peau, ouvert à tous les vents. Prémonitoire ?
L’époque cherche son souffle. Entre le film de Philippe Grandrieux et la pièce d’Anne Dimitriadis (qui ne se connaissent absolument pas à ce qu’il me semble) le lien m’a frappé : les personnages du film, la femme de “Je meurs…” courent après un air qui parait se raréfier, et nous, spectateurs, les suivons, respiration presque bloquée. J’ai aimé cette manière commune qu’ils ont de nous plonger qui dans un texte, qui dans une nature au-delà de l’humanité.
Ces artistes sont d’autant plus précieux en ce moment où le rejet viscéral (incarné par notre président) de tout ce qui pourrait paraître “intellectuel” (infamie suprême) nous condamne à courir après les rares espaces d’expression où le premier degré n’est pas forcément la règle de base. Ce qui n’en fait pas pour autant des créations incompréhensibles pour un public populaire. Il suffit de savoir poser au vestiaire quelques a priori et de se laisser entraîner. Est-ce devenu si difficile ? On voudrait bien en faire un conflit de “classes” mais par expérience c’est loin d’être le cas. Je connais dans nos campagnes, nos banlieues ou en province, des spectateurs bien plus curieux que certains habitués des dorures parisiennes. La création a encore sa place, mais la lui laisse-t-on ?
Donc, après être allé voir “Un lac” au cinéma, vous courez voir “Je meurs comme un pays”. Obligé ! et après vous me racontez…
Adeline W
A lire dans la presse, sur les blogs
Je meurs comme un pays (critique), MC 93 à Bobigny - Les Trois Coups
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Je meurs comme un pays
texte Dimitris Dimitriadis, traduction Michel Volkovitch, mise en scène Anne Dimitriadis, lumières Pierre Setbon, son Etienne Dusard, scénographie et costumes Noëlle Ginefri, collaboration artistique Daniel Migairou, répétitrice Sarajeanne Drillaud
avec Anne Alvaro, Kimon Dimitriadis, Guy Faucher, Guy Folcarelli, Jacques Lewitz et la voix de Dimitris Dimitriadis
du 16 mars au 7 avril 2009, durée du spectacle 1 h
Du lundi au samedi à 20 h 30 – Dimanche à 15 h 30, relâche les mercredis et jeudis
Je meurs comme un pays est la traduction d’une œuvre singulière - en fait, un long paragraphe entrecoupé de points de suspension - d’un poète et dramaturge grec né en 1944. Dans ce cri de haine contre un pays pourri par la dictature, on peut voir le reflet de toutes les perversions et subversions, une synthèse des maux de toutes les époques passées, présentes et à venir.
Editeur : Les solitaires intempestifs. Traduit du grec par Michel Volkovitch