Alexandre Saada est un pianiste de Jazz formé au classique par Alicia Roqué-Alsina, a travaillé pour le cinéma (« Tous les enfants s'appellent Dominique »), mais joue aussi du Jazz Pop au fender rhodes, scie musicale, glockenspiel, vocoder et percussions et sortira ce 26 mars l'album « Panic Circus », avec la saxophoniste Sophie Alour qu'on n'a pas entendue depuis son très Jazz-Rock « Uncaged », Jean?Daniel Botta (basse, voix et ch?ur), et Laurent Robin à la batterie.
Dans le premier titre « Like Trees And Stars », la voix se perd dans le vocoder en chute libre mais le saxophone de Sophie Alour surfe bien à la Julien Lourau sur le groove, puis le clavier et la voix profèrent plus clairement, avant un second solo de saxophone qui se termine dans les harmonies de la basse/claviers. « Waited ?Till The Summertime » est plus dans le genre « Sergeant Pepper » des Beatles, fausse valse au glockenspiel, et belle voix fragile sur l'orgue rappelant Robert Wyatt dans « Moon In June » avec « Soft Machine », hanté par la clarinette basse de Sophie Alour, puis le tremblement fantomatique de la scie musicale.
« Child Of The Universe » est plus groove/Rock avec un son saturé du fender-rhodes à la manière du Xénophone de Bojan Z sur une batterie forte et une basse slappée avec force. Le genre de section rythmique de feu que Sophie Alour a choisi pour son album « Uncaged ». D'ailleurs elle se détache de cette puissance déchaînée avec l'énergie poussée jusqu'au cri qu'on lui avait vue à cette occasion sur les chutes du clavier. On se croirait chez Jim Black et son « Alasnoaxis », plus Rock que Jazz, ou un Jazz chauffé à l'intensité du Rock, un Rock qui saurait improviser et soutenir le Jazz, et même un final de batterie de Laurent Robin presque drum'n'bass accompagnant la chute finale et fracassante. On est emporté, soufflé, étourdi.
« La Ballade de Tom » nous calme avec un fender rhodes plus sage, presque liquide, cotonneux, entourant de ses échos l'envolée de la mélodie sublime d'une Sophie Alour souffleuse timide sur les éclats de batterie libre entre cymbales et toms. On pense à la beauté de « Lisa & Flavio » illuminant la fin de « Fire & Forget » de Julien Lourau, à l'orchestration équivalente mais à mon sens moins réussi quant aux compositions, celle-ci exceptée.
« Drift » évoque en anglais un mouvement planétaire, et libère en effet les énergies improvisatrices de chacun, le rhodes et ses échos à la Herbie Hancock chez Miles Davis période électrique dans « Bitches Brew », Sophie Alour au saxophone très « Troisième Mouvement », trouvant une liberté dans l'envol à la manière d'un Lee Konitz dans « Tautology » avec Lennie Tristano au piano et Warne Marsh au second saxophone puis érigeant une magnifique mélodie sur une basse obsédante en fugue, et une batterie attentive et roborative, quoique discrète, bruissant des cymbales puis des toms comme à contretemps. La preuve qu'improvisation libre tellurique et beauté mélodique ne son pas incompatibles.
« When I'm Gone », retrouve les belles harmonies vocales naïves de la pop anglaise d'Alexandre Saaada et Jean Daniel Botta à la Beatles, Simon & Garfunkel, sur un tempo reggae avec une flûte sixties de Sophie Alour. On pense au « XXIth Century Schizoïd Man ». « Panic Circus », le titre éponyme commence sur les échos de claviers et la batterie fébrile, mélodie bientôt magnifiée par le saxophone mélancolique, puis le fender rhodes reprend sur la batterie et la basse obsédante ses accords étranges avant un second chorus de saxophone. Composition à la fois portée par une rythmique forte et nous emportant dans une mélancolie rêveuse dont nous éveillent les dernières notes de basse et le coup de batterie ultime. Pour le dernier titre « Through The Sea To Th Sky », Alexandre Saada retrouve son piano et Sophie Alour son saxophone de ballade à la Wayne Shorter ou Lee Konitz dans l'innocence harmonique des basses.