Après moult revirements de situations, la cour administrative d’appel de Bordeaux a finalement confirmé l’annulation du prestigieux classement 2006 des grands crus de Saint-Emilion.
Ce classement a été créé en 1954 et est officiellement révisé tous les 10 ans. En réalité, il fut révisé en 1969, 1985, 1996 et 2006. Le nom de l’appellation “saint-émilion grand cru” a toujours créé une certaine confusion puisqu’un vin qui porte la mention “saint-émilion grand cru” n’est pas obligatoirement un cru classé… Il ne s’agit que du nom de l’appellation qui est une appellation distincte de l’appellation saint émilion. Un cru classé doit avoir sur l’étiquette de la bouteille la mention “saint-émilion grand cru classé” ou encore “saint-émilion premier grand cru classé”. Que ceux qui s’y trompaient souvent se réjouissent, avec la toute récente décision de justice (lundi 16 mars) les “grands crus classés” redeviennent des “grands crus”.
Le feuilleton judiciaire du palmarès de Saint-Emilion
Le 18 avril 2007 le tribunal administratif de Bordeaux suspend provisoirement le nouveau classement 2006 à la suite d’une plainte déposée par les domaines déclassés. Ceci a lieu peu après l’annulation du nouveau classement des crus bourgeois du Médoc. Toutes ces querelles font naitre un vif débat puisque le classement révisable de Saint-Emilion était souvent présenté comme un modèle face à l’inamovible Classement de 1855.
Le 12 novembre 2007 le Conseil d’Etat rétablit le classement 2006 de Saint-Emilion en annulant l’ordonnance du juge des référés mentionnée ci-dessus. Le Conseil d’Etat a estimé que la remise en cause de la légalité de l’arrêté homologuant le nouveau classement n’était pas suffisamment fondée pour justifier la suspension.
Le 1er juillet 2008 le Tribunal Administratif de Bordeaux se prononce sur le fond et déclare la révision 2006 du classement non valide puisque les méthodes de travail du jury ont été jugées incompatibles avec “l’égalité de traitement entre les candidats“. Cette décision crée un vide puisque le classement de 1996 est caduc. Il n’y a donc plus de classement!
Le 10 juillet 2008 le Sénat rétablit le classement 1996 des grands crus de Saint-Emilion : l’amendement adopté “autorise les exploitations ayant bénéficié du classement en vigueur de 1996 à 2006 à continuer à s’en prévaloir jusqu’à l’intervention d’un nouveau classement“, et ce jusqu’à la récolte 2010. Ce qui signifie que sur les étiquettes rien ne changera d’ici à 2010.
Les promus 2006 fortement pénalisés
Cette situation pénalise donc tout particulièrement les promus du classement 2006 qui ne peuvent bénéficier de la prestigieuse distinction qui, selon le Conseil des vins de Saint-Emilion et pour un “grand cru classé”, représente un bonus de 30% sur les prix à la vente et un doublement du prix à l’hectare de vignes. Rien n’est prévu pour la récolte 2010, une situation qui inquiète tous les vignerons de la région. S’il peut être jugé comme discriminant, il n’en permet pas moins à 61 producteurs de bénéficier d’un avantage concurrentiel significatif. Le palmarès 2006 devait comporter 15 premiers grands crus classés et 46 grands crus classés.
La méthode des classements est toujours discriminatoire et discutable, qu’il s’agisse du vin ou d’autres choses. Dans le domaine du vin les médias leur donnent une importance et une crédibilité qu’ils ne méritent pas toujours. C’est surement que les classements font figure de bouée à laquelle se raccrocher pour les acheteurs de vins qui n’ont pas la connaissance et l’information suffisante pour s’y retrouver. Avec le risque que les consommateurs finissent par acheter des étiquettes et plus des vins…