Un amour contrefait

Publié le 18 mars 2009 par Tazounette

J’ai découvert le blog « Ma nouvelle vie », il y a seulement quelques jours... Son projet de partir pour Djibouti m’a interpellée, son goût pour ce pays fait écho en moi…

J’y ai lu cet article. Hier soir...
Il m’a beaucoup remuée parce qu’il décrit à merveille ce que fut ma relation avec le papa des filles… Je n’ai jamais vraiment parlé de ce que j’avais vécu, dans ces pages… Je n’osais pas. Comme si mettre des mots sur ce que je vivais et le dire ouvertement allait amener sur moi bien plus d’ennuis que de tout passer sous silence. Une crainte, tenace, comme celle sous-jacente que j'ai toujours eu de lui...
 

Cet article m’a donné envie de dire ces déguisements que peut prendre l'amour... Et cette auto-persuasion immédiate qu'il s'agit bien d'"amour"... Auto-persuasion dans laquelle on reste et qu'on entretient ensuite, pour "durer"...
Mais à quel prix ?
 

Cette histoire est allée beaucoup trop loin, un enfer quelque part… Quand la domination se continue par une humiliation constante et l’anéantissement à petit feu de l’autre jusque dans ses propres valeurs, ses propres convictions. Quand tout est balayé par une malfaisance noyée dans des mots d'amour qui perdent tout leur sens et ne veulent plus rien dire, auxquels pourtant on s'accroche vaille que vaille à cause d'une peur bien plus grande : le vide. La manipulation psychologique verbale  est telle qu'elle institue un vrai raz-de-marée.  Des raisonnements alambiqués mais si affirmatifs et si impossible à contrer qu’ils en deviennent de toute façon convaincants au point que tout vocabulaire et toute notion (amour, couple, fidélité, famille) se trouve dénaturée à tel point qu’on ne sait même plus ce que les simples mots veulent dire, toute connotation devenant forcément négative, enchaînante et de toute façon incontournable… On sait intimement ce que les mots veulent dire, ou simplement le sens qu'on leur donne, au fond de soi, mais c'est complètement et constamment remis en question par des formules si bien tournées qu'on ne peut rien opposer... Ce qu'on oppose ne fait jamais le poids, même si on a raison... Alors on se persuade qu'on a tort. Tout le temps. Et on se tait. Et on acquiesce. A tout.

J’étais malheureuse. Oscillant entre dégoût de moi, dégoût de lui, dégoût de la vie et ne respirant qu’à travers mon rôle de mère… J’étais incapable de partir, de réagir… Paralysée. Effrayée, apeurée… Sans énergie. Eteinte en tout point. Ne résistant et ne tenant debout que parce que je m'étais interdit de renoncer, de craquer et de laisser mes filles en plan, avec lui… C'était cela qui me maintenait debout, qui me permettait de supporter les coups bas (sens figuré) et de rester droite malgré la bérézina intérieure et l'incompréhension de tout ce qui m'arrivait. 

Et il y a une sorte de dépendance créée par ce genre de relation néfaste, une fascination que l’autre exerce sur soi dès le départ. Où l’on est tellement rabaissée que de toute façon on a l’impression qu’on serait « encore moins que rien » si on était toute seule. Tout cela évidemment savamment mis en place par une pure manipulation verbale pendant des années… Le mécanisme se fait petit à petit, subreptiscement, par petites touches, qui ensuite, se creusent et s'enfoncent dans la chair, la tête, le coeur et l'âme, la plus dure à atteindre chez moi... La plus longue à faillir. Il a bien tenté de la mettre à mal, il n'y est jamais parvenu... 

Je dois dire que je comprends celles ou ceux (il y a des hommes qui vivent ça, papacélibatquisebat en était un exemple) qui ne voient d'autre issue que le renoncement pure et simple à la vie pour échapper à cet étouffement, cet enchaînement, cette mise à mal de soi-même par la personne qu'on aime le plus, pour échapper à cette autodestruction conduite par l’autre et que l’on continue soi-même, sans même s’en apercevoir, en se taisant, en ravalant constamment toute cette révolte qui vit à l’intérieur et ne s’extériorise jamais. Parce qu’on ne l’a jamais laissé sortir, ni à la maison, petite, ni adolescente, ni jamais… On a toujours vécu en se croyant pas grand chose... Et on continue  malgré soi… Même dans les pires moments des derniers mois avec lui, j’avais toujours une voix intérieure qui me disait que ce n’était pas normal, que l’amour ce n’était « pas ça », que « tout irait mieux, seule avec les filles ».
Le sursaut est un mystère...
 

 
Cette force de partir, ce sont mes filles qui me l’ont donnée. Pourtant, sûrement que ça ne suffit pas à expliquer. Pourquoi ? Pourquoi à un moment donné alors qu'on a enduré tant d'épreuves toutes plus malsaines les unes que les autres, pourquoi d'un seul coup, c'en est trop ? Pendant si longtemps je regardai mes filles en me disant que « non, décidément, je n’avais pas le droit de les faire grandir dans cet exemple, en leur montrant que c’est « ça » l’amour »…

Je suis partie. Au moment où j'étais le plus faible physiquement, c'est celui où ma tête a trouvé toute la force qui lui manquait pour franchir ce pas salvateur. Sortir de l'influence. Et respirer, et penser, toute seule... 

Pourtant, à ce moment-là, je n’avais pas encore totalement ouvert les yeux. Je ne parvenais plus à savoir ce que je devais faire : partir ou rester. Je naviguais entre les deux avis, la culpabilité d’avoir séparé le papa de ses filles m’a rongé et il savait jouer largement sur cette corde sensible… Puis viennent en bataille, toutes les obligations que l’on s'impose, que la société crée, ou la famille, toutes ces obligations qui font que l’on ne sait pas si c’est à un moment donné simplement « légitime » de renoncer à son mariage, à sa famille et de tout arrêter…

C’est tellement compliqué l'abdication. Ca remue tellement ses propres idéaux, ses propres convictions, ses propres valeurs, qu'oser dire simplement "là, c'en est trop" ne se fait qu'au prix de batailles cérébrales bien difficiles à mener... Je n'y serai pas parvenue toute seule, à ce moment-là, j'étais incapable d'avoir les idées claires.

On ne tombe pas dans ce genre d'histoire d'amour lorsque la confiance en soi existe, lorsque l'estime est suffisamment grande qu'elle est un socle sur lequel le reste de soi-même se bâtit. On y tombe lorsque la confiance en soi est une faille, une idée inexistante ou chancelante, lorsque le socle est un sable mouvant, instable... Cela vient de l’éducation reçue, pas tant des actes parentaux que l'interprétation faite par soi-même de ce qu'on a reçu, la façon dont on l’a vécue, digérée et la façon dont on s’est construit par rapport à elle. C’est même, je crois l’essentiel qui fait que l’on tombe ou non dans ce genre d’histoire.
Néfaste, certes, mais qui fait que pourtant on en redemande, qu’on est capable constamment de tendre l’autre joue en espérant récolter le maximum et qu’on parvient à se contenter toujours d’un minimum en croyant dur comme fer que « c’est ça » l’amour. On doit mériter constamment l'"amour" de l'autre. Il n'existe pas vraiment en soi. Il est PARCE QUE je fais ceci ou cela. Si je fais bien, je suis "aimée", si je fais moins bien, je suis rabrouée, enfoncée, rabaissée...
Pourtant on parvient à taire les manques flagrants, toutes les choses si fondamentales que cette histoire n’apporte pas ou trop peu. Idéalisant le bon récolté, étouffant le reste sous l’amplification du bon… Ne regardant qu’à travers une vitre tronquée, occultant volontairement la réalité vraie de peur d’assumer ce que l’on a au fond de sa conscience par manque de confiance en soi, par manque d’estime de soi, toutes ces choses qui font qu’on se persuade que la vérité ne peut pas venir de soi, c’est « toujours les autres qui ont raison », ou l’autre, surtout s’il est sûr de lui, ou écrasant d’égo surdimensionné…

Il n’y a qu’une fois sortie de l’influence, que sa « petite voix » intérieure peut reprendre le fil et qu’on pourra enfin l’écouter, se défaire de la dépendance, dire haut et fort que "NON, j'arrête, c'en est trop" et renaître à soi-même, enfin.

Je comprends, pour l’avoir vécu, que certaines femmes ne sortent jamais de ce genre d’histoire, jamais ou que bien plus tard ou de façon plus que tragique. On ne peut pas décrire ce que l'on a à l'intérieur au moment où la destruction de soi se fait par l'autre... Il y a tant d'espoir d'un retour à l'"avant", cette force d'autopersuasion qui fait tout encaisser, que ça efface et occulte toutes les ignominies dites, faites, trouvées parce qu'on fouille, toutes les humiliations infligées par l'autre, puis par soi-même pour continuer à se prouver que l'on ne vaut pas grand chose ou rien. C'est un cercle infernal. L'unique moyen d'en sortir : sortir de l'influence. Si on reste, on continue de mourir à petit feu, on continue de s'éteindre... Irrémédiablement.
C’est parce que je suis allée au bout de l’enfer que j’ai décidé ensuite d’en guérir. Je voulais absolument comprendre pourquoi. Pourquoi moi ? Pourquoi cette histoire-là ? Je suis persuadée que je serai partie plus tôt, je n’aurais jamais entamé de travail sur moi et sûrement qu’ensuite, je me serai laissée embarquer dans le même genre d’histoires destructrices. Parce que je m’étais, en quelque sorte, programmée pour ça…


Il y a des erreurs indispensables que l’on doit commettre et suivre jusqu’au bout pour se trouver ensuite. Et je sais aujourd’hui que je devais en passer par là, c’était incontournable.

C’est donc "grâce à" tout ça et surtout, surtout grâce à mes filles que j’ai pu naître à moi-même. Je fais donc connaissance et je me découvre pour la première fois à 33 ans tassés...
Et c'est bon de respirer enfin, de redevenir gourmande de la vie et de tout goûter avec un appétit féroce...
 
Merci à mes chéries, merci à mon amoureux qui m'a tant aidé à ME comprendre et à M'écouter et merci à moi (pour le gros du boulot) !
;o)


Dernière petite chose d’importance : soyez toujours à l’écoute de votre petite voix… C’est elle qui a raison, aussi énormes que soient les doutes sur vous-mêmes ! Cette petite voix n’a pas de prix… C’est la raison pure, qui vous parle, défaite de toute émotion. La pure vérité émanant du plus profond de vous-mêmes. Ecoutez-là, laissez-lui la place de s’exprimer… Elle, c’est vous, c’est SOI dans sa plus pure et sa plus réelle existence… Laissez-là être… Et devenez, ensuite…
Si vous êtes spectateur(trice) de ce genre d'histoire. Ne dites pas "Mais va-t'en, il suffit de partir"... Tant que la personne 'victime' n'a pas ouvert les yeux, l'idéalisation continue, elle ne voit pas les actes de façon réelle, ils sont détournés et interprétés autrement, pour l'excuser, tout le temps. Il n'y a donc que sa petite voix et tant qu'elle (il) ne l'écoutera pas, elle (il) n'en sortira pas...