“Houte Si Plou” les bains de pieds !

Publié le 18 mars 2009 par Scampion

L’expression « Houte Si Plou » est bien connue des Liégeois et même à Bruxelles et en Wallonie.

Elle sert de réponse évasive et moqueuse aux questions indiscrètes.

“Wice alez-ve?- a Hout’si ploû”……”

Moi même, petit, en demandant à mon père où il allait, il répondait : A “Houte Si Plou, les bains de pieds”

Pour beaucoup de personnes, il s’agit d’un endroit « reculé », au sens propre et au sens figuré, peuplé d’habitants incultes et illettrés.

 Le hameau de “Hout-s’i-ploût” était autrefois appelé “pîrâpré”.

Il a changé de nom avec le moulin qui y était situé. Notons les variantes du terme qui ont traversé les âges: “Choutsiplou” (1600), “a xhoutte si ploux” (1618), “Choutsiploux” (1706), “a houtsiploux” (1778).

Le moulin fut construit en 1559 au lieu-dit “pîrâpré”, sur le “ri d’pîrâpré”. “Le nom actuel apparaît pour la première fois en 1600, concurrence l’ancienne dénomination pendant un demi-siècle et finit par l’évincer; nous ne le relevons pas après 1655″(…).

Ces lieux-dits ont en commun d’avoir eu jadis un moulin. Ce moulin était alimenté par un ruisseau si petit qu’il n’était efficace qu’en temps de pluie. Il fallait donc écouter si la pluie arrivait pour pouvoir moudre son grain.

Une tradition locale explique comme suit l’appellation “houtsiploû”. Comme le ri du moulin n’avait qu’un débit intermittent et qu’en été il était souvent à sec, le meunier inquiet éveillait parfois son fils au milieu de la nuit: “Hoûte s’i ploût”! lui disait-il. C’est la traduction de “Ecoute s’il pleut”…

La fantaisie populaire y a substitué plaisamment “houte s’i ploût”, c’est-à-dire “à l’abri quand il pleut”, avec brièveté de la première syllabe.

“Houte Si Plout” est situé à la limite de Neupré et d’Esneux (en Province de Liège).

Il y a plusieurs autres Houte-si-Plout en Wallonie, orthographiés Houte-si-Plout, Hout-si-Plout, Xhoute-si-Plout ou encore Xhoute-si-Plou.

En Belgique francophone, le nom de Houte-si-Plout, parfois épelé Houte-si-Ploute (ce qui pour ce dernier est une prononciation différente du vrai toponyme, probablement par effet de ryme), tout comme Gingelom, renvoie à un lieu inconnu, voire imaginaire, même si plusieurs lieux portent effectivement ce nom. Gingelom existe également.

Le lieu a donné prétexte à la création en 1965 de l’Université de Houte-Si-Plou. L’Université de Houte-Si-Plou a servi par dérision de précurseur à l’Université catholique de Louvain

L’équivalent en Belgique néerlandophone est Bachten de Kupe. Ce nom fait référence à une région situé en Flandre occidentale, entre La Panne, Nieuwport et Dixmude, Furnes et Alveringem. Bachten de Kupe est utilisé en néerlandais comme synonyme de “la fin du monde” ou “je ne sais où” ou encore pour indiquer un lieu non affecté par la modernité.

La popularité de ce lieu-dit est très ancienne. Il fut notamment créé un opéra dénommé Li fièsse di Hoût si Ploût, écrit en 1757 par Jean-Noël Hamal et Pierre-Grégoire de Vivario, joué le 8 décembre 1757 pour la première fois dans les salons de l’Hôtel de Ville de Liège.

En Wallon standardisé, le hameau s’orthographie Xhoutsiplou et Hoûte-s’i-ploût en bon wallon liégeois.

En France :
« Escota si plau » (écoute s’il pleut) est une vieille expression béarnaise ironique qui vient du temps où les moulins à eau jouaient un rôle important dans nos villages. On l’utilisait pour se moquer des meuniers qui, souvent, attendaient désespérément la pluie pour pouvoir se mettre au travail.

L’expression se retrouve également en Ardèche sous l’appelation Escoute s’il plot  ; il y a même un ru de l’ Écoute s’il pleut tout près de Paris

Les équivalents sont :Trifouillis-les-Oies et Pétaouchnok.

« Dans mon pays, les moulins à eau s’appellent des écoute-s’il-pleut », dit un Chouan dans « Le Chevalier Destouches », de Jules Barbey d’Aurevilly (1864).