One Kind Favor
par B.B. King
Année : 2008
Label : Geffen
Stéréotypes : Blues
Liens : Site - MySpace - Spotify
Comment commencer cette chronique sans sonner comme une ancoenne combattante ? Le blues est entré dans ma vie - et voilà, c’est foutu - un jour où je me suis dit qu’il fallait que j’arrête d’écouter tout ce qui me tomber sous la main dans n’importe quel ordre, et qu’il fallait que j’essaye de comprendre un peu comment est né les formes de musique que j’écoutais alors, et toujours aujourd’hui, comme une morte de faim. J’ai donc posé à mes parents la question qui leur faisait le plus peur, je ne veux pas parler de “Comment on fait les bébés ?”, mais “Papa, comment il est né le roquène raulle ?”. Le blues ma fille, va écouter le blues… Bon, ça s’est pas vraiment passé comme ça, en fait j’ai demandé à Google.
Bref, j’ai donc commencé à écouter du blues, en lisant quelques pages d’histoire pour comprendre un peu. C’est là que je suis tombé sur l’histoire de Robert Johnson, que je vous avais narré très tôt après avoir créé ce blog. Le blues est donc né, un peu schématiquement, dans les champs de coton des États esclavagistes des États-Unis (plus précisément du delta du Mississippi), dérivé du gospel et des “chants de travail”, où il s’agit à l’époque pour les travailleurs noirs de chanter leur tristesse, leurs coups durs, leurs histoires de cul, en s’accompagnant d’une guitare acoustique, d’un harmonica, d’un piano…
Au début j’ai trouvé ça super-chiant, répétitif… Des vieux mecs qui jouaient avec d’autres vieux mecs… Ça me semblait aussi obscur et emmerdant que le jazz (que je connaissais pas non plus à l’époque), et si vous n’avez jamais écouté de blues, ça risque de vous donner la même impression (même si grâce au net, et peut-être grâce - hu hu - à moi, vous avez peut-être l’”"”"expérience musicale”"”" suffisante pour l’apprécier).
Et puis comme assez souvent, c’est par les images que j’ai réussi à l’apprécier. Vous vous en doutez, c’était un documentaire sur monsieur B.B. King, La Route de Memphis (2003) de Richard Pearce, produit par Martin Scorsese. Alors je pourrais vous parler du ‘pouvoir de l’image’, mais je dirais simplement que pouvoir mettre un visage, des couleurs, des mimiques sur cette musique, pouvoir recréer dans sa tête l’ambiance d’un concert de blues à Memphis, c’est primordial. C’est comme le gospel, on ne peut pas complètement l’apprécier sur disque sans être entré dans une église où il est chanté, il faut ressentir le truc. En l’occurrence, ce DVD m’a ouvert les chakras blues, et ils ne se sont pas refermés depuis.
B.B. King est un des génies du genre, grâce notamment à son jeu de guitare particulier, reconnaissable entre tous sans qu’on sache trop pourquoi, il caresse ses cordes avec un toucher qui lui appartient, avec une fluidité dingue dans ses gestes, ce truc en plus qui fait qu’il est devenu très vite une référence. Il enchaîne les tubes dans les années 1950, cimente sa réputation live dans les années 1960, fait la première partie des Rolling Stones en 1969… Il a enregistré de la musique sans discontinuer depuis 1947, avec au moins 200 singles, des dizaines d’albums, ce qui nous amène à One Kind Favor, son 24ème album studio.
Ce disque est différent de la majorité des albums studio de B.B. (prononcez : bibi, les initiales de Blues Boy) en ce qu’il contient un concept : c’est un album neo-roots pour dire ça pompeusement, un album qui revient à un blues “pur” (j’ai toujours peur d’utiliser ce terme, pour n’importe quoi d’ailleurs), sans expérimentations, sans une ribambelle de guest-stars… Ce sont des chansons qui n’ont jamais été enregistrés, bref, c’est du neuf. B.B. ne tombe pas non plus dans les travers du type de 82 balais qui sentirait qu’il n’en a plus pour très longtemps et voudrait faire un album de rédemption, d’hommages ou de jenesaisquoi. Non, B.B. est d’une autre trempe et il continue de façonner un blues de la plus haute qualité qui soit. Dans ma chronique précédente, j’émettais l’hypothèse d’un conflit de générations pour expliquer mon aversion pour certains textes. Ce conflit devrait être bien plus flagrant pour un disque qui commence par une chanson intitulé “See That My Grave Is Kept Clean”. Et pourtant.
Franchement, même moi ça m’étonne. Il y a une espèce d’empathie naturelle pour les chanteurs de blues qui s’installent dès que la musique retentit. Sans doute est-ce le fait de m’être intéressée à l’histoire des bluesmen, peut-être que j’ai déjà toutes les caractéristiques de la grand-mère, j’en sais rien… Toujours est-il que je pourrais écouter du blues pendant des mois sans jamais avoir l’impression de répétition que j’avais au tout départ. Et ce One Kind Favor ne déroge en rien à la règle.
C’est un disque absolument classe, parfait de bout en bout, sans surprises si ce n’est le niveau de qualité que B.B. et ses musiciens atteignent avec une facilité déconcertante. À peu près à chaque piste je soupire en souriant et pensant “mais qu’est-ce que c’est bon”. C’est B.B. King… que voulez-vous que je vous dise.
Si vous ne connaissez pas bien le blues, je ne peux que vous conseiller la série de DVD produite par Martin Scorsese qui est génialissime. Commencez par exemple par Feel Like Going Home où vous découvrirez Son House, Muddy Waters et John Lee Hooker. Après ça, ma foi.. vous devriez avoir toutes les clés pour devenir addict au blues.
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