D'ici fin 2010, la plupart des 150.000 contractants privés qui secondent les militaires américains devront avoir quitté le pays. Une partie d'entre eux devrait être remplacée par des Irakiens.
Les troupes américaines disposent de discrets partenaires en Irak. Il s'agit des dizaines de milliers de sous-traitants qui appuient leur mission, sans tapage mais de manière indispensable. Ils servent les repas, assurent la sécurité, nettoient les sanitaires. Mais alors que le président Obama veut réduire la présence militaire américaine en Irak dans les dix-huit mois à venir, les commandants américains doivent apprendre à se passer des services de ces sous-traitants et à les renvoyer chez eux.
Le général Raymond Odierno, commandant en chef des forces de la coalition en Irak, a, dans une directive datée du 31 janvier, demandé à ses commandants de faire moins appel aux entreprises privées dans au moins 50 bases et petites installations militaires disséminées sur le territoire irakien et, quand c'est possible, de donner plutôt du travail aux Irakiens. Barack Obama a annoncé, fin février, le retrait complet des unités de combat américaines d'Irak d'ici au 31 août 2010 au plus tard.
Dans l'année à venir, la plupart des 150.000 sous-traitants civils travaillant en Irak - un chiffre supérieur au nombre de soldats américains qui s'y trouvent actuellement - devront avoir quitté ce pays pour rentrer au Pérou, au Bangladesh, au Sri Lanka, aux Philippines ainsi qu'aux Etats-Unis. "Cette initiative s'inscrit dans le cadre de notre objectif final d'établir un Irak stable, souverain et prospère", explique le général Odierno dans sa directive.
Peu après l'invasion de l'Irak en 2003, les forces américaines s'étaient rendu compte qu'elles avaient besoin d'un corps de sous-traitants pour assurer de nombreux services, de la sécurité au transport en passant par la construction et la traduction. Au fil des ans, leur nombre a enflé pour atteindre jusqu'à 200.000 personnes. Des polémiques ont éclaté sur le rôle qu'ils jouent dans le pays, notamment en ce qui concerne la société de sécurité Blackwater USA. Mais la plupart de ces sous-traitants civils assurent le travail que les militaires ne peuvent pas prendre en charge, faute de ressources. Ils sont actuellement quelque 150.000, dont environ 39.000 Américains, 70.000 "ressortissants de pays tiers" et 37.000 Irakiens. Un peu plus de la moitié d'entre eux assurent la logistique pour le compte de plus de 50 bases et installations américaines en Irak, et ils sont les premiers visés par le général Odierno.
Là où c'est possible, les emplois externalisés devraient revenir à des Irakiens, ordonne la directive. "Le recours aux Irakiens permet non seulement de réduire les coûts, mais également de renforcer l'économie irakienne et d'éliminer les causes profondes de l'insurrection, à savoir la pauvreté et l'absence de perspectives économiques." Le taux de chômage s'élève actuellement à environ 18%, tandis que 28% des hommes âgés de 15 à 29 ans sont sous-employés. Mais il ne sera pas facile de réduire le nombre des sous-traitants. Ils représentent parfois un renfort vital, dont il sera difficile de se priver. Quant à l'embauche des Irakiens, outre qu'il est délicat de leur confier certaines fonctions pour des raisons de sécurité, nombre d'entre eux ont besoin d'une formation avant de pouvoir occuper certains postes, comme ceux proposés dans le cadre de l'entretien des bases. Un programme de formation est envisagé afin que les Irakiens acquièrent les compétences nécessaires pour reprendre ces tâches, indique un haut responsable à Bagdad.
Dans l'intervalle, les militaires américains seront sans doute obligés de combler le vide laissé par le départ des sous-traitants dans de nombreux domaines, de l'entraînement des forces de sécurité irakiennes à la conduite de camions, ce qui risque de les détourner de leurs missions militaires, prévient un ancien officier de haut rang. "Au moment même où l'on demande des réductions de troupes, cela exacerbe et complique les problèmes auxquels sont confrontés les responsables des bases." Néanmoins, tôt ou tard il faudra moins faire appel aux sous-traitants, reconnaît-il. "C'est une bonne chose et c'est inévitable. Nous sommes devenus trop tributaires des civils. Ce sera sans doute difficile pour les soldats." Si la transition est essentielle pour l'indépendance irakienne, le départ des entreprises privées n'aura sans doute que peu d'effets sur les forces armées américaines, estime Charles Ries, un ambassadeur américain à la retraite qui a supervisé l'équipe de transition économique en Irak pour le Département d'Etat jusqu'en août 2008. Mais cela pourrait avoir des retombées immédiates sur l'économie locale. Même si l'essentiel des retombées économiques de ces contrats de sous-traitance va à l'étranger, ils représentent une source de revenus pour les travailleurs qui, à leur tour, réinjectent cet argent dans l'économie locale, souligne Charles Ries. "Les Sri Lankaisgagnent beaucoup d'argent, et ils en dépensent une partie sur place." [en Irak]
Source du texte : COURRIER INTERNATIONAL