J'ai finalement été assez déçu par l'exposition Gakona au Palais de Tokyo.
Ne croyez pas que je sois hostile à l'art contemporain. Au contraire, je suis plutôt du style à préférer contempler une photo d'Erwin Wurm à une peinture de Rubens.
J'avais beaucoup d'attente vis à vis de cette exposition, dont j'avais lu le descriptif avec un grand intérêt: Quelques maisons, une station service, un bureau de poste, deux diners… Et une base scientifique énigmatique. Gakona, petit village au centre de l’Alaska, abrite le programme de recherche américain Haarp (High-frequency Active Auroral Research Program). Inspirés par les travaux de l’inventeur Nikola Tesla, des chercheurs y étudieraient la transmission de l’électricité dans les hautes couches de l’atmosphère.
Mais, en raison de son financement militaire et des peurs liées à l’électromagnétisme, Haarp est aussi devenu une source intarissable de rumeurs. Dérèglement climatique, influence sur les comportements humains… On prête à cette forêt d’antennes des pouvoirs dignes de la science-fiction. Autour de ce thème, 4 artistes Micol Assaël, Laurent Grasso, Ceal Floyer et Roman Signer ont développé une installation artistique personnelle.
Une machination gouvernementale, des forces extraordinaires que nous ne maitrisons pas, et 4 artistes visionnaires: un programme digne d'Hollywood ! J'étais donc très curieux de voir à quoi ressemblerait cette exposition.
Première installation de l'exposition, l'oeuvre de Roman Signer est constituée d'une drôle de machine à laquelle sont reliés deux parapluies. Dans un fracas effroyable, un éclair est généré entre leurs extrémités. Cela rappelle curieusement les cours de physique du lycée... mais la dimension artistique est finalement limitée, surtout si on compare aux travaux hallucinants de Peter Terren en Australie. On regarde puis on passe à l'installation suivante.
Oh, un petit robot par terre, il ressemble aux nouveaux robots aspirateurs, ah il déplace des chaises. Cool... On regarde puis on passe à l'installation suivante...
Une pièce vide où on entend aléatoirement quelqu'un prononcer un Me and you. Dans un coin, un interrupteur est projeté sur un mur. Le magazine du Palais de Tokyo nous avait pourtant prévenu: En visitant une exposition de Ceal Floyer, le visiteur peut être frappé par le minimalisme des oeuvres. Ah oui, en effet, c'est sympa de prévenir... J'essaye d'appuyer sur le faux interrupteur juste pour voir. Il ne se passe rien. Bon, on regarde puis on passe à l'installation suivante...
Laurent Grasso a reconstitué une forêt d'antenne comme à Gakona. C'est juste visuel, elles ne marchent pas... On aimerait sentir la peur monter en nous mais non, cela ne prend pas. Il y a un problème de taille et de perspective: l'installation parait trop engoncée dans ce petit espace. Elle parait trop inerte. On regarde puis on passe à l'installation finale...
Tout est fait pour faire monter la tension autour de la dernière installation réalisée par Micol Assaël: un panneau indique qu'il est interdit d'y aller si on a un pacemaker, qu'il ne faut pas se toucher les yeux, porter un appareil électrique et on signe une décharge pour entrer. Dans une ambiance sombre, Micol Assaël a disposé une vingtaine de panneaux en cuivre qu'il a relié à un générateur. Ces panneaux permettent ainsi d'ioniser l'air, créant une charge électrostatique dans l'espace. On se sent mal à l'aise face à cette force invisible: un léger bourdonnement se fait entendre pendant que des petits crépitements semblent surgir du bout de chaque cheveu. On se sent presque en transe tellement la sensation est étrange.
Et puis on ressort de l'installation et on entend un Me and You. Le charme disparait instantanément et on se dit que c'est quand même un peu léger tout ça...
A noter que le programme Haarp existe bien dans la réalité. Bien que les militaires américains s'en soient défendus, le docteur Nick Begich et la journaliste Jeane Manning ont émis l'hypothèse que le programme pourrait servir à modifier le climat, interrompre toute forme de communication hertzienne, détruire ou détourner avions et missiles transcontinentaux et finalement, influencer les comportements humains, tout cela via des actions sur l'ionosphère. Ils ont publié leur recherche dans le livre Les anges ne jouent pas de cette HAARP.
Le chercheur Luc Mampaey du GRIP conclut également dans le rapport Le Programme Haarp, Science ou Désastre ?: HAARP est un programme scientifique. Aux mains des puissants, il peut cependant conduire au
progrès comme à l'oppression et au désastre. Sans préjuger des intentions finales des Etats-Unis, et
reconnaissant que ce travail émet plusieurs hypothèses, et relaye certaines spéculations, il s'avère fonder
d'affirmer que le programme HAARP, en synergie avec d'autres programmes militaires, peut
conduire à des déséquilibres dangereux pour l'environnement et les populations.