Les statistiques 2008 ne révčlent pas encore l’impact de la récession.
Ils font partie du décor. Aussi finit-on par oublier que les aéroports constituent un rouage totalement indispensable ŕ la bonne marche des transports aériens. Mais leurs gestionnaires, eux, ne l’oublient jamais, jaloux de leurs prérogatives et du bon fonctionnement de leur tiroir caisse. C’est de bonne guerre.
Le volume d’activité est impressionnant. L’année derničre, les aéroports français ont enregistré 145,6 millions de passagers, 2,48 millions de tonnes de fret, 314.357 tonnes de courrier, trafic qui s’est traduit par 1,77 million de mouvements d’avions. S’y sont ajoutés 3 millions de mouvements non commerciaux.
L’Union des aéroports français (UAF) établit des statistiques détaillées qui permettent de prendre le pouls de l’aviation commerciale en męme temps que celui des régions. A ce titre, elles méritent qu’on s’y attarde, non sans avoir formulé deux remarques préliminaires.
La France bénéficie d’un réseau aéroportuaire d’une densité exceptionnelle. Il y a toujours des pistes ŕ proximité, oů qu’on soit, parfois dormantes, certes, mais qui n’en constituent pas moins un potentiel précieux pour le développement du trafic. Un potentiel mis ŕ disposition des compagnies qui en veulent bien, low-cost en tęte.
Jean-Louis Borloo peut dormir sur ses deux oreilles, aucun aéroport français ne frise la saturation. Les capacités disponibles, en termes de pistes et de créneaux de décollages et d’atterrissages permettent de voir venir, ce qui est loin d’ętre le cas dans d’autres pays européens. Dans ces conditions, les infrastructures existantes permettent de voir loin.
Bien sűr, toute rčgle souffre des exceptions et on est en droit de s’interroger sur la maničre dont certaines plates-formes feront face ŕ la demande, dans 20 ou 30 ans, par exemple Nice Côte d’Azur, enserré entre centre ville et mer méditerranée. Sans doute la solution viendra-t-elle de la SNCF, tout développement nouveau du réseau TGV enlevant des centaines de milliers de voyageurs ŕ l’avion.
Il est maintenant confirmé que les compagnies low-cost étrangčres (un pléonasme) sont en train de donner une nouvelle vie aux grandes plates-formes régionales. La domination absolue de Paris (87 millions de passagers pour Roissy et Orly l’année derničre), ŕ l’image d’une France centralisée ŕ outrance, tend ŕ s’atténuer grâce ŕ Ryanair, EasyJet et quelques autres, de plus en plus présentes loin de la capitale.
Cette poussée des low-cost est une solide réalité avec 25,9 millions de passagers, soit 14,6% du trafic total des aéroports français et, surtout, prčs de 26% en régions. Leurs lignes, leurs bases opérationnelles locales se multiplient, elles exploitent aussi des lignes intérieures et, collégialement, elles finiront, sans le savoir, par constituer une curieuse Air Inter transnationale du XXIe sičcle, prospérant ŕ côté du réseau Air France mis ŕ mal tout ŕ la fois par le rail et ces enfants anglophones de la déréglementation des transports aériens européens.
Cette évolution n’est plus nouvelle mais se renforce d’année en année, donnant corps ŕ une situation curieuse qui se traduit, dans les longues colonnes de chiffres de l’UAF, par un bouleversement des parts de marché. Sachant qu’une proportion importante (mais non encore calculée) des voyageurs utilisant les compagnies low-cost ne prenaient pas l’avion précédemment, ou rarement, il faudra que des économistes compétents se décident enfin ŕ analyser de prčs cette transformation du paysage aérien français.
Pour recevoir les low-cost comme elles le demandent, c’est-ŕ-dire aux moindres frais, de grands aéroports comme Lyon Saint-Exupéry, Marseille-Provence et Nice ont installé des aérogares spécialisées, spartiates ŕ souhait, bon marché, qui agacent sérieusement Air France mais n’en correspondent pas moins ŕ une réalité tangible. D’autres pistes sont sorties d’un profond endormissement grâce ŕ ces męmes low-cost, Beauvais, Carcassonne et beaucoup d’autres.
En 2008, l’UAF avait tout au plus décelé en 2008 Ťles éléments annonciateurs d’une crise latenteť. Le premier semestre s’était déroulé sans autre incident visible que l’envolée brusque et spectaculaire du prix du carburant. La dégradation est venue au fil du second semestre, aggravée par de bien inutiles mouvements sociaux. Finalement, le nombre de passagers a augmenté de 1,3% et le tonnage de fret de 3,7%, des résultats honnętes dont on sait qu’ils ne seront évidemment pas renouvelés en 2009.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo Aéroport Marseille-Provence/Michel Martini)