Et là, en dix secondes, elle a brisé mes rêves de vacances paisibles, insouciantes, loin de l'Education Nationale et de ses péripéties... Le collège en question se trouve encore plus loin que celui où je suis actuellement; de 120 kilomètres par jour, je devrai en faire 150 l'année prochaine... C'est une blague, c'est ça ? Dans deux secondes et demi, Marcel Béliveau va surgir avec Xavier Darcos pour me dire "C'est surprise surprise !"
"Ah mais... non... Ca ne va pas être possible, là... Vous vous rendez compte que ça me fait 150 kilomètres par jour, au bas mot ?
- Je sais bien, madame MC, mais la personne que j'ai eue au téléphone m'a dit que les établissements qui se situent près de chez vous ne dépendent de ses attributions et qu'elle ne peut rien faire.
Quoi ?... Ca dérange la responsable des affectations de faire trois mètres pour aller dans le bureau d'à côté, mais ça ne l'embête pas que je fasse 150 kilomètres par jour l'année prochaine ? Si Béliveau et Darcos surgissent, je leur fais avaler leur caméra.... et pas par le nez !
Voilà comment j'ai passé mes vacances à téléphoner partout, sans réponse. Et oui, c'est les vacances pour tout le monde, dans l'Education Nationale. La seule personne que j'ai eue m'a simplement dit : "Faites un courrier que vous faites remonter par la voie administrative"... "Mais, je vous ai au téléphone"... "Faites un courrier".... Amis psychorigides, bonjour et bienvenue dans l'Education Nationale !
J'ai donc rédigé ma lettre. Je me suis inspirée de Zola et Balzac. A côté de moi, Cosette est la Paris Hilton du XIXème siècle. Enfin, il m'a juste suffi de parler de mes futurs 150 kilomètres quotidiens, de la fatigue, de mon statut de famille mono parentale et de mon ras le bol... J'ai hésité à mettre des larmes sur mon courrier ou à signer de mon sang, mais, j'ai renoncé... A la rentrée, ma chef l'a signée et l'a faite remonter par la voie administrative aux 163 personnes concernées. J'ai contacté les syndicats... Bref, dans l'Académie, tout le monde sait qui je suis et quel est mon problème.
Toujours est-il que j'ai dû être convaincante. Une semaine après que mon courrier soit parti, pendant que mes élèves sortent de classe, je vois que le collège a essayé de m'appeler. C'est la deuxième fois qu'ils me téléphonent alors que je suis dans l'établissement. C'est une habitude, dans l'Education Nationale, de ne pas prendre ses pieds pour aller parler directement aux gens ? Pas le temps d'écouter le message, ma chef est dans le couloir : "J'ai une bonne nouvelle pour vous : finalement, vous allez compléter votre service dans le collège de la ville où vous habitez !"
Youhouuuuuuuuuuuuuu ! Je referais presque un pas de bourrée auvergnate. Voire deux. Finis les 120 kilomètres par jour. (Bon, j'en ferai facilement 80 voire 90, mais c'est déjà mieux !). Je ne vais plus avoir les yeux rivés, continuellement, sur l'horloge pour arriver à l'heure à l'école de MiniBri. Les soirs de réunion, je serai chez moi 10 minutes après être partie du collège. Ca va être le paradis sur Terre ! Je suis aux anges.... Plus que trois mois et demi à tenir à cette cadence infernale....
Enfin, on a évité le drame : je ne vais pas avoir à les menacer de chanter du Christophe Maé à mes élèves si ils n'écoutaient pas mes requêtes. Je ne vais pas avoir à faire la grève de la faim devant un de mes établissements (quoique, avec l'été qui arrive, ça aurait été une bonne chose). Je vais pouvoir me passer de faire une manif' toute seule, devant le Ministère pour être entendue...
Il n'empêche que ces éternels combats me fatiguent et me font dépenser une énergie que je consacrerais volontiers à autre chose...