Depuis cinq siècles on assiste à une expansion extraordinaire des ethnies européennes qui avaleront par différents moyens (génocides , colonisation...)
des continents entiers : Amérique. Australie, Asie, Afrique...
Ce qui se passe depuis quelques centaines d'années nous rappelle ces temps immémoriaux où l'homo sapiens a progressivement envahi le moyen orient et l'europe d'est en ouest faisant
disparaître de la surface de la Terre l'homme du Néandertal. En 10 000 ans les néandertaliens vont progressivement « lâcher du terrain » pour finalement disparaître et laisser sapiens
maître des lieux. Depuis sa découverte au 19ème siècle, Néandertal a été affublé d'une infériorité intellectuelle, adaptative et culturelle, mais les nombreuses investigations
archéologiques démontrent le contraire.. tout comme l'Homo sapiens, Néandertal fabrique des outils ou inhume ses morts: . Son inadaptation est un mythe: il a vécu sous des climats
très froids, dépensant jusqu'à 5 000 calories par jour.
Parmi les théories qui expliquent la disparition du Néandertal , il y a celle de l'affrontement mais il y a aussi l'hypothèse d'un Néandertal refusant le contact avec Cro-magnon, un
Néandertal non-violent, peu agressif, en osmose avec la nature, qui répugne à tuer ou à combattre. Dans tous les cas de figure, c'est bien l'homo sapiens qui a fini par avoir raison
de l' espèce rivale
L'histoire serait-elle un perpétuel recommencement?
Bien entendu, établir une analogie entre deux phénomènes de nature différentes tels que "l'espèce" et " l'ethnie" peut sembler manquer de rigueur mais les points de rencontre sont si
nombreux que je me laisse tenter par ce parallélisme.
Les Grecs désignaient par ethnos un peuple qui n'était pas organisé en cité, qui n'avait pas de système politique semblable au leur. Un ethnicus en latin était pour les Romains un
païen, une terminologie reprise ensuite par l'Église catholique. Actuellement, malgré une tentative de clarification, le mot ethnie est encore d'un usage peu aisé; il est appliqué à
des réalités aussi dissemblables qu'une tribu en Afrique, ou une minorité nationale aux États-Unis. .
Les européens ne se perçoivent pas comme "ethnies", considérant leurs particularités comme valeurs universelles; ils se croient la règle que toutes les autres exceptions confirment
dans sa transcendance. Dans le discours philosophique et scientifique occidental, le sujet qui parle reste toujours caché, recouvert, effacé de l'analyse. La localisation ethnique,
sexuelle, raciale ou de classe du sujet qui énonce est toujours déconnectée de son discours, ce qui produit un mythe universaliste qui cache l'identité et la position du sujet .Cette
pensée eurocentrique présente le point de vue particulier de l'énonciateur comme n'ayant aucun point de vue. Une telle position transcendantale a permis historiquement à l'homme blanc
et occidental de se représenter son savoir et ses croyances comme les seuls à même d'atteindre l'universalité et ainsi d'écarter les connaissances non-occidentales comme
particularistes et, donc, incapables d'accéder à l'universel.
Cette illusion de l'universalité a pris naissance à partir du 16eme siècle; elle découle d'un nouveau positionnement de l'Europe dans le système mondial. La découverte de l'Afrique
puis de l'Amérique a dans un premier temps débouché sur le sentiment de la supériorité de l'Europe ; mais d'un autre coté, la pénétration des Ottomans venus de « l'orient » était un
élément de pression supplémentaire pour la définition de soi. Les Ottomans étaient considérés comme des païens qui repoussaient les frontières de la chrétienté, et de ce fait
cantonnaient son expansion à l'Europe. C"est donc par rapport à une altérité méprisée d'un coté, menaçante de l'autre que va se forger l'identité européenne, autrement dit, c'est dans
la négation de l'autre qu'elle va s'affirmer. La conception de l'Europe en tant que « République Chrétienne » s'est imposée. Le continent européen était considéré comme le corps
géographique créé par Dieu de cette République chrétienne. Derrière cette conception, se cache une représentation parfaitement essentialiste de l'identité. Les conquérants portugais
et espagnols, aidés en cela par l'église vont exterminer les païens au nom de l'évangile; le pape de l'époque bénissait les carnages, considérant les amérindiens comme des êtres sans
"âmes".. Il y a quelques mois, au Brésil, le pape, Benoît XVI, a réécrit l'Histoire comme aux pires heures de l'Église catholique.
« L'annonce de Jésus et de son évangile, a-t-il déclaré, n'a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes et n'a pas imposé une culture étrangère. » Et
d'ajouter : « Le christ était le sauveur auquel les Amérindiens aspiraient silencieusement. »
Cet aveuglement va se poursuivre et se consolider avec la naissance de l'état-nation , ce lit de Procuste, cette homogénéité trompeuse traduisant des valeurs illusoires d'égalité, de
liberté etc...qui vont encore renforcer le mythe de l'universalité et de la supériorité de la pensée européenne. C'est bien pour civiliser les barbares de l'Afrique , de l'Asie et de
l'Australie que les ethnies européennes vont parachever la conquête de la planète. Si j'insiste sur la notion d'ethnie c'est qu'au sein des états-nations ce sont les ethnies blanches
européennes qui dominent systématiquement. Quels pouvoirs peuvent bien avoir les Martiniquais, ou les Français-Maghrébins en France? les Anglo-saxons règnent en maîtres aux États-Unis
ne laissant que des miettes aux noirs, aux hispaniques et aux autres. Cette fiction de l'état-nation n'a pas seulement fonctionné en Europe, elle a surtout été un désastre lorsqu'elle
s'est exportée comme modèle d'organisation politique et étatique dans la périphérie non européenne. Les guerres civiles africaines à caractère ethnique illustrent quelques-uns des
problèmes causés par le modèle eurocentrique imposés aux anciennes colonies.
La colonisation de la Palestine depuis 1948 s'inscrit dans ce même processus. Des ethnies blanches européennes viennent, au nom d'une religion, terroriser et pousser à l'exode massif
les populations locales. A l'intérieur même de cet état mythique, les juifs Achkénaze d'origine blanche européenne sont les maîtres des lieux et traitent les Séfarade et les Falasha
comme des citoyens de seconde zone.
La mondialisation constitue l'état paroxysmique du phénomène. C'est encore ce fameux lit de Procuste qui tente de niveler les différences, de gommer les identités pour imposer
toujours au nom de l'universalisme la domination occidentale. Au mythe de la mission civilisatrice succèdent de nouveaux mythes, ceux de la démocratie et du droit d'ingérence
humanitaire ouvrant la porte toute grande à l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak.. L'alliance entre sionistes et néo-conservateurs constitue la cerise sur le gâteau de cette
longue marche. Juif et chrétiens se donnant rendez-vous à Jérusalem pour recréer le temple et accélérer le retour du Messie. Le monde arabo-musulman fait figure d'antéchrist. La
chasse aux sorcières bat son plein! On se croirait de retour en plein Moyen-âge!
Ce caméléon idéologique qui depuis cinq siècles ne cesse d'asseoir la domination occidentale n'est pas un instrument au service de l'économique, comme le pense le marxisme. La
relation entre le centre et la périphérie se caractérise plutôt par une domination ethno-économique.
Les ethnies africaines et asiatiques subiront-elles le même sort que celui des ethnies de l'Amérique du nord et de l'Australie ? ou seront-elles épargnées en tant que force de
travail? De toutes les façons Cro-magnon a bien fini par régler son compte à l'homme du Néandertal; maintenant, il s'occupe de laver son linge sale en famille! Peut-être que dans
quelques siècles, des historiens blancs pleureront la si regrettable diversité ethnique et culturelle de la planète... Peut-être aussi qu'il n'y aura ni blancs ni historiens pour
pleurer quoi que ce soit.
FETHI,
le 16 fevrier 2009
Source : Toute la poésie