62 ministres et délégués de 126 pays, ainsi que quelques représentants d’ONG internationales et de fédérations de syndicats agricoles, ont participé à la réunion de haut niveau « la sécurité alimentaire pour tous », les 26 et 27 janvier dernier à Madrid, sous l’égide de Nations-unies. Une réunion globalement décevante : les participants ont constaté le non-respect des engagements financiers des Etats pris lors du Sommet de la FAO à Rome en juin 2008 et, en l’absence de consensus, le projet de Partenariat mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, visant à une meilleure cohérence des politiques, n’a pas progressé.
Avec 963 millions de personnes affectées, la faim chronique s’est aggravée depuis juin 2008 (862 millions), sur l’ensemble des régions en développement : le
panorama dressé par la FAO lors de l’ouverture est sans appel. Un constat suivi d’un diagnostic du rapporteur spécial des Nations-unies sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter :
« le système actuel nous mène au désastre ! ». Spécialisation des pays en développement sur quelques filières d’exportation au dépend de l’agriculture locale, modèles agricoles
intensifs responsables du tiers des émissions de gaz à effet de serre, populations déplacées ou exploitées au travail, poids grandissant des firmes multinationales, concurrence de l’alimentation
avec les cultures énergétiques,…ont amené le rapporteur spécial à plaider pour une agriculture vivrière prévalant sur le commerce international et un renforcement du rôle des petits producteurs.
Insistant sur les obligations des Etats à qui incombent le respect du droit à l’alimentation, Olivier De Schutter a signalé qu’au-delà des enjeux techniques et financiers, la faim demeure avant
tout une question « politique ».
Décalage entre discours et pratique
De fait, entre les ambitions affichées par les Etats concernant la lutte contre la faim et la mise en œuvre des politiques agricoles, commerciales, financières,
d’aide au développement ou énergétiques, le fossé reste béant. Cette situation est aggravée par les divergences entre les organisations internationales sur les politiques à suivre, et le manque
de coordination de la communauté internationale. Le projet de « Partenariat mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire », leitmotiv de la réunion, revêtait ainsi une
pertinence particulière en se proposant de « stimuler une action cohérente, durable, orientée vers des résultats, et efficace pour la situation actuelle et à venir d’insécurité
alimentaire ». Suggéré en juin dernier à Rome par le Président français, aujourd’hui porté par les pays du G8 et soutenu par le coordinateur de l’Equipe spéciale des Nations-unies David
Nabarro, ce partenariat mondial devrait s’appuyer sur les institutions existantes et tous les acteurs concernés – dont les organisations de producteurs et les ONG – et se décliner autour de trois
« piliers » :
politique : il s’agit de créer
un lieu réunissant l’ensemble des acteurs (Etats, organisations internationales, société civile) afin d’atteindre une meilleure coordination et une plus grande cohérence des stratégies et des
politiques internationales ayant un impact sur la sécurité alimentaire.
4;tre mieux mobilisée, mieux partagée, afin d’éclairer les décideurs sur les choix de long terme.
Zones d’ombre et oppositions
Toutefois, l’absence de document de travail n’a pas permis de dissiper le flou sur ce partenariat, ni sur sa finalité ni sur son processus de construction. Si certains participants du Sud ont exprimé de l’intérêt, beaucoup ont fait part de leurs interrogations, voire de leurs réserves sur cette proposition affaiblie par ses contours incertains. Parmi les opposants, Jacques Diouf s’est exprimé pour un « partenariat » dans le cadre du Comité sécurité alimentaire de la FAO rénové et renforcé. La présidence argentine du G77 a également plaidé pour le respect de la gouvernance des institutions internationales compétentes (un pays, une voix), en réponse à une initiative estampillée G8. Le délégué de Via campesina, rejoint par certaines ONG, a quant à lui contesté l’ouverture aux firmes agro-industrielles. De fait, en l’absence de consensus sur la valeur ajoutée du partenariat mondial, le calendrier de mise en œuvre n’a pas été discuté. Néanmoins, le principe semble acquis. Le secrétaire général des Nations-Unies Ban Ki Moon a finalement, lors du discours de clôture, chargé David Nabarro d’ouvrir un processus de « consultation ». L’adhésion des pays du Sud sera déterminante pour la suite.
Toutefois, au-delà du partenariat, on peut noter le peu d’écho qu’ont trouvés les propos d’Olivier de Schutter. Les débats se sont généralement limités à des
aspects techniques (semences, engrais...) ou financiers, avec très peu de réflexion sur les facteurs structurels de la faim et le besoin de cohérence des politiques. Il appartient aux
organisations de la société civile d’élever le débat…
Ambroise Mazal
Article extrait des "Nouvelles de Sud" - n° 135 janvier-février 2009
source : http://www.coordinationsud.org/spip.php?article13270
walf.sn - Sécurité alimentaire
Les rideaux sont tombés hier sur la rencontre internationale traitant de la sécurité alimentaire depuis avant-hier à Madrid avec la participation des représentants de 95 pays. Selon le directeur général de la Fao, Jacques Diouf, la situation alimentaire mondiale risque de s'aggraver en conséquence de la crise financière et de la baisse des prix agricoles
Jacques Diouf a rappelé que la production de céréales a progressé en 2008, mais cette progression est essentiellement le fait des pays développés et le nombre de personnes souffrant de la faim a progressé l'an passé, totalisant près d'un milliard d'individus. Selon le directeur général de la Fao, les Etats-Unis sont favorables à ‘un nouveau partenariat’ avec les autres pays, l’Onu et les Ong pour combattre la faim dans le monde. ‘L’insécurité alimentaire et les prix alimentaires élevés menacent la prospérité et la sécurité de beaucoup de pays en développement’, a affirmé, selon Jacques Diouf, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton.
Au terme hier de la réunion de deux jours à Madrid, les représentants de 95 pays se sont mis d’accord sur la concrétisation des engagements pris en juin 2008, lors du sommet de la Fao à Rome. A cette occasion, les pays membres de cette agence de l'Organisation des Nations-Unies s'étaient engagés à réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes souffrant de la faim. Seulement, ils n'avaient accompagné leur promesse que d'engagements financiers limités.
http://www.walf.sn/economique/suite.php?rub=3&id_art=52597
, Chargé de plaidoyer « souveraineté alimentaire » au CCFD-Terre solidaire ; a.mazal(AT)cfd.asso.fr Le CCFD est membre de la Commission Agriculture et Alimentation de Coordination SUD et représentait, à ce titre, la coordination nationale des ONG françaises à Madrid, les 26 et 27 janvier.