Depuis la fin janvier, et notamment depuis le discours dévastateur et insultant du 22 janvier, on assiste à des manifestations à répétition, une grève continue et parfois des bloquages dans l'ensemble des universités françaises, qui ont pour but de protester contre une réforme qui ne fait que donner de nouvelles charges et surtout de nouveaux tracas à des enseignants-chercheurs qui sont déjà en sous-effectifs et surchargés de travail. Les doléances sont évidemment tout autre que corporatistes: il s'agit de critiquer une réforme qui n'a absolument ni queue ni tête, qui a été "pensée" par le ministère à la va-vite et sans aucune concertation avec les acteurs concernés, et qui risque tout simplement de mettre en péril l'université française. D'autres spectres plus sérieux se profilent à l'horizon, comme le facteur H qui commence à pointer le bout de son nez en France, et auprès duquel le classement inepte de l'AERES fait figure de douce tranche d'humour gaulois. Si le facteur H s'installe dans les pratiques académiques, ce ne sera pas l'université française qui en pâtira, mais la science en général, et au niveau mondial.
A un niveau plus national et de manière plus concrète, pour suivre l'actualité du mouvement et essayer de le comprendre en profondeur, rien de mieux que les sites de SLU ou de SLR, certes partisans, mais qui ont au moins le mérite de donner le maximum d'informations et de ne pas donner dans le genre ô combien désormais habituel de la "communication" et de la xyloglossie. Et pour ceux qui croiraient encore qu'être enseignant-chercheur à l'université, en France, c'est se la couler douce avec six mois de vacances, trois témoignages pour faire réfléchir: un billet de Pierre Jourde, une tentative intéressante de Yoric d'exploiter la forme de journal du blog pour rendre compte presque heure par heure de son emploi du temps de fainéant de chercheur, et enfin, de manière plus... humoristique, le blog de la grosse feignasse, création littéraire d'une (ou de plusieurs?) enseignante(s)-chercheuse(s) en littérature.
Il est parfois désespérant de constater la lente dégradation de la société française, qui est laissée aux mains de gens qui font de la communication au lieu de faire de la politique, qui ne laissent pas une année sans tenter de réformer, sans suite ni raison, et sans autre motif que de paraître politiquement actif, un système d'enseignement qui n'est certes pas exempt de défauts mais qui reste l'un des meilleurs du monde. Le but étant bien évidemment d'agiter les bras en tout sens pour faire croire qu'on fait quelque chose, et de rivaliser de langue de bois, voire (et de plus en plus souvent) de désinformation, pour faire croire que ce qu'on fait est utile et de bon sens. L'équivalent du facteur H, en somme: je parais donc je suis. J'ai parfois l'impression que lutter contre la mainmise de la communication sur la politique revient à lutter contre un moulin à vent. Sur ce, je pars m'exiler avec Cervantès et Walt Whitman dans le Lot et la Corrèze pendant 15 jours, à l'abri de ma webomanie galopante, et dans l'espoir d'oublier pendant un temps cette sinistre farce.