L'Antiquité savait s'amuser, si l'on en croit le théâtre de Plaute ou encore les satires d'Harace, ou du moins, aimait à plaisanter. Mais si dans le domaine de l'humour, la Grèce conservait une sorte de leadership, tout cela pourrait bien changer avec la découverte de Mary Beard, professeure à Cambridge, qui a découvert un livre daté de 1600 ans, montrant que le peuple romain n'était pas cette austère armée de paysans porteurs de toges ou constructeurs de ponts.
Écrit toutefois en grec, l'anglais de l'époque, l'ouvrage intitulé Philolegos, ou celui qui aime le rire, serait donc apparu au IIIe ou IVe siècle de notre ère. Il s'agit tout simplement... d'un recueil de bonnes blagues, dont les principes humoristiques n'ont rien à envier à ceux d'aujourd'hui. On y parle de mauvaise haleine, de professeurs sans consistance ou d'intellectuels pénibles. Les stéréotypes y sont aussi bien affirmés, notamment dans les relations avec les étrangers. Les Romains avaient aussi leurs Belges...
L'une des plaisanteries préférées de notre chercheuse est la suivante : un coiffeur, un chauve et un professeur idiot voyagent ensemble. Alors qu'ils s'installent et prennent chacun leur tour de garde pour la nuit, le coiffeur qui s'ennuie décide de raser la tête de notre professeur. Celui-ci se réveille, et tâte son crâne soudain glabre : « Quel idiot ce coiffeur, s'écrit-il, il a réveillé le chauve au lieu de m'éveiller moi. »
Hilarant, n'est-ce pas ? Évidemment, on retrouvera les principes aujourd'hui encore appliqués, preuve peut-être que l'humour à quelque chose d'universel. Une autre fait se rencontrer deux hommes. Le premier dit : « Tiens, on m'avait annoncé que vous étiez mort. » L'autre, piqué, rétorque : « Bien vous voyez que je ne le suis pas et bien vivant. » Mais le premier n'en démord pas : « Oui, mais l'homme qui me l'a annoncé est plus fiable que vous. »
Il est intéressant également de se rendre compte que ces traits d'esprit nous parlent sans peine et que l'on saisit aisément toute la portée de cet humour. Cependant, on ne trouve pas forcément les similitudes auxquelles on s'attendrait. Ainsi, Mme Bear analyse de la façon suivante cette histoire : l'ami d'un professeur écervelé lui demande de ramener deux esclaves de 15 ans, de son prochain voyage. Le professeur est d'accord, mais répond : « Si je n'en trouve pas deux jeunes de 15 ans, je vous en ramènerai un de 30 ans. »
Est-ce la fameuse boutade sexiste échange vieille de 50 contre deux jeunettes de 25 ? Pas forcément... Pour la chercheuse, il faudrait plutôt interpréter cela comme une plaisanterie sur la réalité des nombres et leur nature, et l'étrange nature du système numéraire, dans lequel on pourrait presque additionner deux torchons pour faire une serviette en somme.