Mais, je reste fidèle à mes principes : quand une personne – de quelque bord qu’elle fût – est injustement attaquée, je me sens moralement obligée de monter au créneau pour prendre sa défense.
J’avais lu dans quelques articles déjà anciens que Nadine Morano était – contrairement à Christine Boutin - «homo friend» selon le vocabulaire consacré ce me semble, dans les milieux gays et lesbiens. Ce dont je ne peux que lui savoir gré.
Je ne connais pas les raisons de cet engagement mais il l’honore. Parce qu’il va à l’encontre des préjugés les plus tenaces - malheureusement pas uniquement dans les partis de droite…
Et que l’on cesse surtout de mêler Dieu à cela !
D’abord parce que tout le monde n’est pas croyant ou croit à autre chose et qu’ensuite, cette image de «Père Fouettard» ne sert nullement sa cause, bien au contraire !
Elle heurte de plus mes convictions philosophiques les plus profondes – lesquelles me sont «nécessaires» en tant qu’elles me guident pour essayer de vivre le plus droitement possible – et qui sont nourries notamment de Spinoza et Kant.
Cette vision simpliste – anthropomorphiste et anthropo-centriste - de Dieu qui se préoccuperait d’étroitement surveiller chaque être humain est proprement ridicule, uniquement fondée sur la crainte qui naît de l’ignorance. «Plus l’esprit connaît de choses, mieux il connaît ses forces et l’ordre de la nature» (Spinoza, «Traité de la réforme de l’entendement» § 40).
En outre, elle bat en brèche la notion fondamentale de «libre arbitre»… Pour moi, c’est comme la question de la «grâce» chère à Saint-Augustin et aux jansénistes – dont j’apprécie toutefois la rigueur morale et pratique. Si tout est joué par avance, à quoi bon essayer de vivre le plus vertueusement possible ? C’est une notion aussi désespérante que l’est – en sens inverse – la doctrine de Schopenhauer.
D’ailleurs, bien avant d’avoir appris quoique ce soit en philo – je fis des études très tardives ! – j’ai toujours été allergique à la notion de «plan de Dieu sur les hommes» dont on nous rebattit les oreilles ad nauseam pendant mon enfance et ma jeunesse.
Il m’étonnerait donc que Dieu se souciât le moins du monde de condamner les homosexuels.
Et s’il devait - en dépit de ce que j’ai énoncé sur son indifférence quant aux actes et à la liberté des humains – avoir néanmoins son «grain de sel» à y mettre, je suis persuadée qu’il s’intéresserait nettement plus à la qualité de l’amour qu’à savoir si les sentiments passent entre individus de sexe opposé ou de même sexe.
N’est-ce pas là – n’en déplaise aux cul-bénis et autres rétrogrades – le plus important dans la vie et dans les relations amoureuses ?
Il y a plus de 40 ans que je suis persuadée que les sentiments devant les situations – heureuses ou malheureuses – sont exactement les mêmes dans n’importe quel couple, qu’il fût hétéro ou homosexuel… et qu’ils relèvent de la même nature et psychologie humaines.
Je doute néanmoins que les réactionnaires parta-geassent un jour ce point de vue ! Tout ce qui ne va pas dans le sens de leurs opinions est forcément critiquable (au mieux) et condamnable sans autre forme de procès… Voilà pourquoi ils déchaînent leur abjecte haine contre Nadine Morano. Victime emblématique.
Sans que j’ai connaissance de la teneur des commen-taires incriminés, je subodore leur essence – qui doit être particulièrement nauséabonde ! – et «d’où ils parlent» : incontestablement de son propre camp, dans la frange la plus ultra-réactionnaire de la droite… - ainsi que le «pourquoi» : son projet de loi sur le statut des beaux-parents et le fait qu’il vise à accorder les mêmes droits aux foyers où les deux parents sont du même sexe…
«Inventum horribillis et diabolicum» s’il en est ! chacun en conviendra… J’imagine sans peine la cohorte des cul-bénis armés de la Bible (pour laquelle j’ai au demeurant le plus grand respect mais une toute autre lecture) inspirés par les croisades de Christine Boutin, l’Opus Dei et le Saint-Siège.
J’y vois par ailleurs une resucée des pires injures qui furent déversées en 1975 sur Simone Veil lors de l’adoption de la loi sur l’IVG. Par les mêmes – ou «si ce ne sont pas eux, ce sont donc leurs frères et sœurs» dirais-je en parodiant La Fontaine.
Ou quand l’homophobie se déchaîne…
Ces gens-là ne peuvent admettre que l’on ne vive pas comme eux et selon leurs canons. Qu’ils les suivent autant que cela leur chante tant qu’ils n’empiètent pas sur la liberté des autres. Je suis, à cet égard très voltairienne. Tout autant qu’indécrottablement laïque.
Précisément, sur le plan des libertés, je ne saurais dire si Nadine Morano a raison ou non de porter plainte et la justice d’exiger que les «adresses I.P» des internautes auteurs des messages injurieux lui soient transmises… C’est un débat qui dépasse largement mon propos d’aujourd’hui et qui touche à nos libertés, tant privées que publiques.
S’il est un domaine du droit qui m’a toujours passionnée c’est bien celui – très vaste - des libertés publiques. Et j’y suis sensible non seulement en tant que juriste mais, dans ce cas, en tant que citoyenne et internaute.
Je ne suis pas la seule à redouter que le pouvoir ne cherche avant tout n’importe quel prétexte pour bâillonner la liberté d’expression des citoyens dans le monde a priori insaisissable de l’internet.
Mais dans le même temps j’éprouve le plus grand mépris pour tous ceux qui se servent de l’anonymat d’internet pour déverser des tombereaux d’injures dans des commentaires sur tel ou tel site.
Croyez bien qu’en matière d’injures mon répertoire est pourtant particulièrement fourni… aussi bien en français qu’en argot et en solognot et même en anglais. Mes plus grandes douleurs comme mes grandes colères se sont accompagnées d’un beau chapelet dont les grains n’ont sûrement rien à envier au rosaire de Christine Boutin.
Mais je me contente de les débiter – ça soulage vachement ! – dans mon «particulier». Jamais, au grand jamais il ne me prendrait envie d’en user dans un commentaire ou sur un quelconque forum et encore moins dans mes articles. Même s’il m’arrive certes d’euphémiser.
D’abord, parce qu’en règle générale je ne m’exprime que sur les blogs amis ou dont le contenu me plaît – même si parfois nous ne partageons pas exactement les mêmes points de vue et c’est heureux car je dirais une fois de plus que la communication au vrai sens du terme se nourrit de ces différences… la «pensée unique» ne passera pas par moi ! - et, qu’en conséquence, je ne voudrais surtout pas qu’ils risquent d’être censurés par ma faute.
Ensuite, quand je tombe au hasard de mes recherches sur un site qui me déplait, je me contente de passer mon chemin.. Je n’ai pas de temps à perdre dans d’inutiles et vaines confrontations.
La liberté bien comprise suppose d’accepter un minimum de règles fondées avant tout sur le respect d’autrui. Et j’ose dire, sur l’amour des autres. Et cela vaut autant sur internet que dans la vie courante.
Je suis persuadée de longtemps que ceux qui font mauvais usage des libertés ou commettent des abus de n’importe quelle manière, ruinent précisément les institutions qui sont censées nous garder libres ou nous procurer quelques avantages.
Nous parlions beaucoup «d’autodiscipline» en Mai 68… Mais pour savoir s’autodiscipliner, encore faut-il avoir eu une certaine éducation, appris que notre liberté s’arrête où commence celle des autres et à distinguer le bien du mal.
Même s’il n’est guère de mode aujourd’hui de parler de «morale», la mienne se fonde sur «l’impératif catégo-rique» kantien : «Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature».
Associée au précepte de l’Evangile «aimer son prochain comme soi-même» je suis munie d’un viatique qui me permet - sinon de toujours faire le bien : mission impossible ! - d’essayer tout du moins de faire le moins de mal possible…