ORELSAN : Perdu d'avance

Publié le 15 mars 2009 par Devotionall


Le rap, ce n'est pas la tasse de thé de la maison. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne sait pas saluer l'excellence quand on la rencontre. Et la rencontre, elle a un nom et vient du Calvados, ce qui est bien loin de sonner aussi fort que Sarcelles ou Vaux en Velin. C'est là qu'on peut rencontrer ORELSAN, qui vient de sortir un album remarquable, véritable vademecum de la loose et de la peur de vivre( J'ai peur des épreuves de la vie, belle admission finale sur " La peur de l'échec ", justement ! ). Aurélien, 25 ans, nouvelle coqueluche du rap de par ici, a quand même bien des raisons de savourer le buzz du moment : son disque est poisseux, noir, défaitiste, mais aussi et fort heureusement drôle, ironique, caustique, cinglant. Mis à part le lourd et stéréotypé " Entre bien et mal ", Orelsan réussit la prouesse de ne jamais ennuyer avec sa chronique d'un foirage annoncé, ses galères et ses plantages généralisés. Fils d'un principal de collège, le rapeur a donc eu une enfance loin de celles de nombre de ses collègues, et aux antipodes du titre de ce disque : PERDU D'AVANCE. Mais entre petits boulots infructueux et sentiment de ne pas trouver sa véritable place ici bas, Orelsan a eu l'occasion de laisser parler son inspiration et son expérience, tout en écrivant ses textes la nuit, grâce à un job de veilleur dans un hôtel, notamment.

Le rap d'Aurélien, ce n'est pas bagouzes en or et grosses bagnoles, mais l'antithèse de cette esthétique décadente et absurde. C'est un carnet de bord, celui d'une génération incomprise et qui n'y comprend rien. Insolente et hilarante, écoutez donc " Changement " pour mesurer le pouls (). Le monde de la nuit ( désirée mais jamais embrassée ) et des boîtes qui refoulent à l'entrée, véritable casting social sur fond d'ostracisme, est passé au crible avec entre autres " Soirée ratée " ou encore " No life ". Excellente leçon d'humilité cachée derrière une comptine ravageuse et irrésistible, " Gros poissons dans une petite mare " démonte le théâtre de dupe de la midinette de village qui rêve de strass et paillettes, et de ces pseudos artistes locaux qui prennent le melon à la première démo ( ) et menace ainsi son public d'une carrière à la Disiz la peste, on croise les doigts pour lui et on le remercie au passage pour avoir ajouté un bon bol d'air frais, et une forte dose d'ironie, là où tant de confrères continuent de fantasmer une guerre des gangs ou un suicide collectif par balles, et encaissent les dividendes avec des sourires carnassiers en fin de mois... ( Les vieux comprennent pas c'qu'il s'passe dans la tête des jeunes
/ Ils sont pas élevés par la télé, par la PlayStation 24h sur 24 avec sa suite / la vingtaine de personnes qui achète ses disques et lui suce la bite...). " Jimmy Punchline " ( l'alter ego de notre normand ) est une déclaration d'intention, un de ces titres à la première personne que les cailleras du milieu utilisent pour se forger une (fausse) légende qui sera déclamée sous toutes ses coutures sur Skyrock et dans les clips hideux de la 6, la chaîne qui descend, qui descend... Orelsan règle aussi ses comptes avec la gent féminine, celles qu'il ne peut aborder, celles inabordables, celles continuellement sous abordage. " 50 pour cent " est un texte dur et hilarant sur une possible paternité, après une sordide histoire de coucherie banlieusarde. Misogyne et méchant, c'est drôle et c'est bon, peu importe si ça n'est pas toujours du meilleur esprit. Et si Orelsan annonce la couleur pour la suite ( J'ai tout mis dans le premier album, y'aura pas de deuxième, sur " Logo dans le ciel " 7,5/10)