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Carte postale de banlieue, du Grand-Paris ou d’ailleurs, avec signes avant coureurs du printemps et maladie d’Alzheimer

Publié le 15 mars 2009 par Jean-Paul Chapon

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Cela faisait longtemps que je n’avais rien écrit sur ma mère et sa maladie. A force de prétendre jouer avec les grands ( ou plutôt d’essayer de faire comme, car en France cela reste du domaine de l’illusoire), j’en aurais preque oublié que Paris est sa banlieue est un blogue, et surtout que c’est Mon blogue et que je peux de temps en temps oublier le Grand-Paris, Paris-Métropole et toutes ces querelles un peu vaines de politiciens et d’experts “professionnels”, pour revenir à d’autres réalités qui me touchent autant et comptent tellement plus.

Aujourd’hui comme tous les dimanches, je suis passé chez mes parents pour voir ma mère. Il n’y a pas longtemps, j’ai écrit sur mon profil Facebook, que ces visites, c’est un peu comme se baigner dans l’eau froide. Au début c’est difficile, puis on se sent bien. Et lorque l’on ressort, à nouveau c’est difficile. Déchirant devrais écrire. J’ai toujours l’impression que c’est au moment où je pars que ma mère me reconnaît enfin, ou me reconnaît un peu plus, me regarde et ne détourne pas son regard. Et je dois partir. J’entendais Jacinta, la dame qui s’occupe d’elle,avec autant de dévouement que d’affection et qui s’était couché avec elle cet après-midi lorsque je suis arrivé, pour qu’elle ne soit pas seule dans le lit. Derrière la porte, elle lui disait que j’étais parti, mais que j’allais revenir. Quand ? elle ne savait pas mais bientôt. Des mots que ma mère ne comprend plus depuis longtemps. Et pourtant, que comprend-elle dans cet étrange regard qui me fixe quand je lui parle. Ses yeux vides et angoissés, ses yeux qui semblent demander et dire, mais enfin, tu ne me comprends pas ? toi qui as ta tête, pas comme moi ? aide moi !

Ce soir ma mère a accepté de manger. Deux petits pains au lait, l’un avec confiture, l’autre avec beurre et carrés de chocolat. à plus de 50 ans, j’inverse le rapport. Je fais goûter Maman, comme elle l’a fait si souvent pour moi. Moment de douceur merveilleux, malgré la maladie. Il n’y a plus de parole, même si victoire sur Alzheimer, la semaine dernière elle m’a répondu “rien”, lorsque je lui demandais quels biscuits elle voulait pour son goûter. Rien, un véritable discours aujourd’hui. Alors, faute de paroles, lui tenir la main, lui caresser la joue, et faire des bisous (elle aime bien, et c’est une horrible indice de reconnaissance ou de non reconnaissance, retour des bisous lorsque la connexion est faite, sinon rien), et faire la promenade qui consiste en des tours de l’appartement de mes parents, de la cuisine au salon et du salon à la cuisine, et encore jusqu’à ce que ma mère soit trop essouflée. Alors on s’assied et on continue à se serrer la main…

Voilà, c’était mon dimanche soir. Mon père a tant de mal, s’épuise à essayer de bien faire. Dure vieillesse. J’envie les couples d’anciens au marchés, si heureux dans leur vie à deux sans questions, comme j’enviais les couples il y a près de 20 ans déjà, quand le sida m’a fait connaître ce sentiment d’injustice.

Ce soir je suis rentré en voiture de chez mes parents, du 15ème à Fontenay. Embouteillages sur le périphérique, comme tous les dimanches soir. C’est devenu un rendez-vous. Trop tard pour le Grand-Jury de RTL, mais assez de temps pour réécouter Wagner. Avec cette question, 30 ans après mes émotions post adolescentes, comment réécouter la Tétralogie. Et la même émotion, les poils qui se hérissent et les yeux qui se brouillent. Sieglinde hurle sa réconnaissance à Brunehilde et plus loin Wotan pleure son désespoir de condamner sa fille préférée, si joyeuse et vivante. Toujours le même enregistrement, Böhm au Festival de Bayreuth (sauf erreur 1973), et les sublimes Birgit Nilsson, Theo Adam et Leonie Rysanek. Une bonne chose, je reste le même post adolescent 30 plus tard ;-)

Jean-Paul Chapon


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