Avec ses 20 millions de comptes créés, Steam est désormais la plus grosse plateforme de jeu multijoueurs en ligne, portant avec honneur le PC devant les consoles de salon. Mais si le service a un énorme succès de nos jours, cela n'a pas toujours été le cas. Zone Jeu vous a donc concocté un petit dossier sur Steam, passé, présent et futur.
Des débuts difficiles
Steam est une plateforme de jeu multijoueurs et de téléchargement de jeux sur PC développée et opérée par Valve Corporation, un développeur de jeux vidéo connu pour avoir engendré la série Half Life, et plus tard les jeux Team Fortress 2 et Left 4 Dead. Lancé en 2002 avec l'arrivée d'Half Life 2, Steam n'était au départ qu'un petit programme destiné à mettre à jour automatiquement le jeu afin que tous les utilisateurs puissent jouer en multijoueurs avec la même version du jeu. Du moins, c'est la version officielle, et la seconde raison est que Half Life 2 demandait à être activé en ligne via le plugin Steam, limitant ainsi, dans l'esprit des développeurs, le piratage du jeu.
Malheureusement pour de nombreux joueurs fans de Half Life, les débuts de Steam sur le second opus furent difficiles. De très nombreux bugs on fait que beaucoup de joueurs tout à fait honnête ne purent jouer au jeu qu'ils avaient pourtant payé, de même que l'activation obligatoire sur Internet qui a posé problème aux très nombreux foyers qui n'étaient pas équipés à l'époque. Les quelques uns qui échappèrent aux bugs et bénéficiaient d'une connexion se retrouvèrent rapidement devant des serveurs surchargés, incapables de supporter le très grand nombre de joueurs connectés en même temps.
De ce lancement chaotique, Steam a très longtemps conservé une mauvaise réputation. Heureusement, Valve n'a pas baissé les bras pour autant, et la plateforme compte maintenant plus de 20 millions de comptes, est diffusée en 21 langages et distribue plus de 600 titres PC provenant de divers éditeurs. Comment un tel revirement a-t-il été possible ?
Le modèle Valve
D'un simple service de mise à jour automatique, Steam s'est rapidement transformé en plateforme de vente de jeux PC en téléchargement. Tout naturellement, les premiers jeux à avoir été vendus sur Steam étaient les jeux développés par Valve, permettant ainsi au développeur de s'affranchir des contraintes d'un éditeur (Sierra pour Half Life, puis Vivendi Games et enfin Electronic Arts jusqu'à ce jour, ne s'occupent plus que de la distribution physique). Rapidement, de nombreux développeurs indépendants ont également rejoint la plateforme pour les mêmes raisons, suivis plus récemment par de gros éditeurs tels qu'Ubisoft ou encore Electronic Arts.
Le succès de la plateforme s'explique par différents facteurs importants combinés au sein d'un modèle prôné par Valve pour tous ses jeux. L'un des principes des développeurs, qui est repris par d'autres, est que les pirates ne sont rien d'autres que des consommateurs mécontents. Ainsi, Valve essaie de fournir un service de meilleure qualité afin d'attirer de plus en plus de joueurs et de leur faire quitter l'illégalité. Les mises à jour automatiques via Steam permettent également de changer les jeux en permanence en écoutant les commentaires des joueurs. Ainsi, les mises à jour fréquentes de Team Fortress 2 et plus récemment Left 4 Dead ont contribué à garder ces deux titres dans le coeur des joueurs et leur assurer des ventes constantes au cours du temps.
Valve déclare vouloir changer le modèle de vente des jeux, selon lequel les nouveaux titres se vendent beaucoup pendant les deux premiers mois de leur commercialisation, et plus du tout ensuite. A ce modèle, les développeurs de Half Life souhaitent opposer un second : si les développeurs mettent régulièrement à jour leur jeu, alors ce dernier agrandira sa durée de vie et bénéficiera d'un bouche à oreilles positif qui lui assurera des ventes constantes au cours du temps.
Communauté, commerce et surveillance
Aux mises à jour automatiques des jeux vendus sur Steam, Valve a rapidement ajouté d'autres fonctionnalités. De nombreuses fonctions communautaires ont récemment fait leur apparition, allant de la liste d'amis aux succès en passant par les groupes et serveurs privés, ces fonctions sont faites pour permettre aux joueurs de jouer entre amis, et ainsi leur éviter de quitter la plateforme pour une autre.
Afin d'accroître sa popularité, Steam effectue également chaque week-end des promotions spéciales et très intéressantes. Allant de -15% à -90% sur certains jeux, ces promotions donnent de la visibilité aux jeux et augmentent énormément leurs ventes. Dans une récente déclaration, les responsables de Valve ont déclaré que la promotion de -50% sur Left 4 Dead en février avait augmenté de 5000% les ventes du jeu, un chiffre énorme qui fait rêver, d'autant plus qu'il semblerait qu'après cette augmentation initiale, les ventes du jeu au tarif normal restent plus élevées. Valve va même jusqu'à déclarer que les promotions Steam contribuent à augmenter les ventes de jeu en version boîte, toujours sur le principe du bouche à oreilles : un grand nombre de joueurs achètent le jeu à prix réduit, et si celui-ci leur plaît, en parlent à leurs amis qui, eux, l'achètent au plein tarif. Une logique commerciale intelligente s'il en est.
Dernier ajout à la plateforme Steam, Valve a l'année dernière diffusé une suite d'outils pour développeurs baptisée Steamworks. Sans entrer dans les détails, ces outils permettent d'intégrer plus facilement toutes les fonctions Steam aux jeux en développement, de gérer directement les mises à jour, mais également de collecter énormément d'informations sur ce que font les joueurs. Rapports de bugs automatiques, statistiques, tout y est, et permet théoriquement au développeur d'analyser l'usage qui est fait de son jeu afin de pouvoir l'améliorer via des mises à jour régulières comme stipulé dans le "modèle Valve" décrit plus haut.
Steamworks n'est toutefois pas exempt de défauts, et s'il avait été réalisé par d'autres développeurs, on aurait rapidement crié au scandale. Ainsi, tout jeu élaboré avec Steamworks installe automatiquement Steam sur l'ordinateur des joueurs, et ce sans leur demander leur avis. D'ailleurs, même s'il leur demandait, le jeu ne marcherait pas sans. De nombreuses informations sont envoyées aux développeurs via ce biais sans l'accord des joueurs, ce qui pourrait passer pour une surveillance et un contrôle malvenus aux yeux de beaucoup. Liberté ou service de qualité ? On aimerait parfois ne pas avoir à choisir entre les deux.
Un modèle pas si équilibré
Si Steam se targue de ne faire aucune différence entre développeurs indépendants et gros éditeurs, la vérité n'est pas si simple. Ainsi, les développeurs indépendants, bien que généralement contents de leur coopération avec Valve, expliquent que le gros des ventes se fait surtout lorsque le pop-up "mise à jour Steam" présentant les dernières nouveautés de la plateforme, est affiché devant le joueur, mettant ainsi en avant les nouvelles sorties. Si un jeu arrive à se frayer un chemin jusqu'au menu des meilleures ventes, alors il se vend pendant quelques temps encore, mais une fois ces mises en avant terminées, les ventes s'effondrent drastiquement.
Les gros éditeurs tels qu'Electronic Arts, Ubisoft ou Eidos n'ont pas ce problème car Steam propose à ses partenaires des mises en avant payantes, qui se traduisent par l'apparition du jeu dans des petits carrés en page principale de la plateforme, garantissant des ventes constantes et hautes durant toute la durée de l'opération. Les éditeurs importants ont donc plus de chances de vendre leurs jeux que les petits développeurs, et l'égalité prônée par Valve n'est donc qu'un détournement de la réalité. On ne peut toutefois par leur reprocher de vouloir gagner de l'argent...
Concurrence
Difficile de ne pas admettre que Steam a été un important moteur de la vente de jeux en téléchargement, mais si la plateforme a clairement une longueur d'avance sur ses concurrents, ceux-ci se font de plus en plus nombreux. On peut ainsi citer Impulse, la plateforme des développeurs de Stardock (Sins of a Solar Empire), qui gagne de plus en plus d'adhérents mais souffre d'un manque cruel de jeux dans son catalogue. De son côté, le français GamesPlanet, géré par Metaboli, propose un catalogue très étendu mais aucune fonction communautaire. Enfin, les éditeurs sont de plus en plus nombreux à vendre leurs jeux directement sur leur propre site web, à l'image de Dawn of War 2 par THQ, et des boutiques Ubisoft, Electronic Arts et Eidos.
Conclusion
Steam est sans aucun doute un précurseur poussé par une idéologie louable et une communauté de fans extrêmement importante. Pour l'instant leader sur le marché du téléchargement de jeux en ligne, il ne faut pas en oublier qu'il s'agit d'une entreprise dont le but final est de faire de plus en plus d'argent, et n'est donc pas exempte de pratiques que les joueurs pourraient ne pas apprécier.
Néanmoins, avec la multiplication des concurrents, Valve va devoir travailler dure pour garder sa communauté au bercail, et ce travail passera nécessairement par un service de meilleure qualité, une baisse des prix, et un accroissement des fonctions communautaires de la plateforme. Souhaitons donc bonne chance aux développeurs : la bataille des jeux en téléchargement ne fait que commencer.
Pour plus d'informations sur la plateforme Steam, nous vous recommandons le dossier "Steam : Grandeur et décadence" dans le magazine Canard PC numéro 187, ainsi que le dossier "The Age of Steam" dans Edge numéro 199.