L’eau Amère est un Manga, one shot de son espèce, réalisé par Kan Takahama, une jeune trentenaire japonaise qui rencontre un certain succès de l’autre côté du globe. Plus qu’un one shot (les mangas ne sont pas tous d’interminables séries pour les réfractaires du genre. “Ne fuyez pas, ne fuyez pas!”), il s’agit d’un recueil de nouvelles que l’auteur a publié dans divers magazines de renom japonais durant les cinq dernières années pendant lesquelles aucune de ses oeuvres n’ont été publiées en France. Il fallait donc bien une sortie pour corriger l’écueil.
Loin d’être friand des recueils d’histoires courtes, je me suis laissé tenter par les dessins très personnels de l’auteur et une expérience antérieure que j’avais pu faire. Une classe de découverte passée avec Inio Asano (Le Champ de l’arc en ciel, Solanin) et ses deux recueils qui ont fait de lui le spécialiste des histoires courtes (cultissimes au possible): Un Monde Formidable et Le Quartier de la Lumière. A l’heure où j’ai ouvert L’eau Amère, ce type d’ouvrage ne me faisait donc plus peur, sachant bien ce que cela pouvait donner.
Les huit histoires ne sont pas toutes petites. Elles ont chacune leur identité forte. Mais l’ensemble est très cohérent pour n’aborder qu’un sujet : le couple et l’infidélité. Une thématique qui reçoit des traitements bien différents dans les scénarios utilisés. Un renouvellement constant offre une surprise à chaque début et à chaque fin d’histoire. Chose rare lorsque la thématique, assez fermée, reste unique.
L’auteur recherche une certaine finesse et on sent le long des récits que nous lisons une jeune femme affirmée. Une Kan Takahama de caractère! Une force tranquille qui s’anime véritablement sous des traits simples et des effets plus techniques. Des dessins assez sombres et authentiques (on reconnaitrait ce style entre mille). Le noir est très présent au propre comme au figuré et on aime. L’utilisation d’un léger floutage des images est aussi ingénieux qu’on ne l’aurait pas fait soi-même. Cela renforce astucieusement l’ambiguité des personnages et des situations…
Une oeuvre qui dégage beaucoup de tendresse et de sensibilité. De l’humour. De la mélancolie. Un érotisme discret mais omniprésent. Une sensibilité franche qui désarme le plus réfractaire des lecteurs (il en était question plus haut). Léger et profond à la fois, comme notre rapport à l’autre au quotidien. A noter que l’édition Sakka a une fois encore fait les choses dans le bon sens (Frédérique Boilet en est le responsable): une impression parfaite (j’aime beaucoup l’encadré noir des planches) et une couverture impeccable. Mais il vous faudra abandonner 12 euros et quelques… Il y a toujours une contrepartie!
E.