Cessez le feu !!

Par Dindiu @Din_Diu

Cela devait finir par arriver. Ce n'est plus toléré, c'est interdit !  Désormais, sur ma commune, le brûlage de (tous) déchets verts à l'air libre est interdit.

Talis lex est
L'arrêté qui fixe cela fait référence entre autres au décret n°2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets assimilables aux déchets ménagers parmi lesquels on retrouve les :
"
20 02 Déchets de jardins et de parcs (y compris les déchets de cimetière) :
20 02 01 - déchets biodégradables ;
20 02 02 - terres et pierres ;
"
Mais c'est quoi un déchet ? Selon l'article 1 de la loi du 15 juillet 1975  relative à l’élimination des déchets et la récupération des matériaux , c'est "tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon".
On n'est d'ailleurs pas loin du glanage où il s'agit de récupérer quelque chose censé être abandonné (dans un champ comme sur la voie publique) donc un déchet.
Il est aussi fait référence au plan de protection de l'atmosphère (PPA) de l'agglomération lyonnaise, arrêté inter-préfectoral n°2008-2834 du 30/06/08 et notamment l'action RTA 4.
Donc pourquoi s'abstenir de brûler ses déchets verts  ?
Cette action RTA 4 (Résidentiel Tertiaire et Artisanat n°4) est  justement de rappeler l’interdiction de brûlage des déchets en plein air et vise la réduction des émissions de polluants (oxydes d’azote, oxydes de soufre, particules en suspension, composés organiques volatils, hydrocarbures aromatiques polycycliques, dioxines et furanes).
Le feu de jardin n'est pas si anodin qu'il parait l'être. Les déchets verts sont la plupart du temps humides quand ils sont brulés. Cette teneur importante en eau produit beaucoup de vapeur chargée en particules (la fumée) et refroidit le feu. Cette combustion à basse température est de mauvaise qualité et favorable à la production de polluants supplémentaires.
La matière vivante contient des sels minéraux comme … le sel ou chlorure de sodium (NaCl). Et le chlore du sel peut être source de dioxine lors d'une combustion à faible température.
Ainsi, un feu de branchages produit des quantités moindre que la combustion de certaines matières plastiques ou de matériaux traités, mais tout de même non négligeables de cette dioxine.
Nos voisins suisses et belges sont sensibles à la combustion des biodéchets en tant que source de ces polluants. En France, l'ADEME semble se limiter aux inconvénients et impacts suivants : risque de brûlures voire d'incendie, gêne pour le voisinage et réduction de la visibilité par la fumée à proximité des routes.
En dehors de cela, un seul feu de 50 kg de végétaux équivaut en particules à : 8500 km parcourus par une voiture essence récente, au moins 40 trajets pour accéder à la déchèterie la plus proche, 4 mois et demi de chauffage d’un pavillon avec chaudière fuel, une demi-journée de feu de bois d’une cheminée ouverte, ou 16 jours de chauffage d’un pavillon avec une chaudière à bois récente.
Si tous les propriétaires d’un pavillon de l'agglomération grenobloise font un seul feu de ce type par an, ils émettront autant de dioxines et furanes que l’incinérateur d’ordures ménagères pour brûler nos déchets pendant 43 ans à la norme actuelle.
Je vais donc désormais devoir changer mes habitudes. On pourrait dire que je suis un pyrophile (même si le terme a une autre signification). J'avais toujours un tas, souvent de branchages, que je ne pouvais destiner au compostage. Et c'est seulement une fois bien sec que je mettais le feu. Beaucoup de flammes, peu de fumée, m'en occuper et le surveiller était un des petits plaisirs du jardinier.
Bye bye ces feux de joie, j'ai commencé à réfléchir à la manière de gérer la quantité d'herbes, de feuilles, de branches issue de mon jardin. 
Le premier moyen qui me vient à  l'esprit est le compostage. Je ne vais pas trop m'étaler dessus, je l'ai déjà fait et d'autre le font encore mieux, que ce soit par exemple l'AREHN ou l'ADEME.
En cas d'impossibilité de composter, il y a alors la déchetterie.
Mon tas de compost déborde, envahit  le jardin et je n'ai pas de véhicule ou pas suffisamment de place pour évacuer tous mes biodéchets … que faire ?!
Remarquez, certains ne se sont pas posés la question très longtemps. J'en veux pour preuve ces petits tas qui jalonnent les bords de chemin de campagne. Voire ces sacs plastiques,  parce que tant qu'avoir la flemme autant l'avoir jusqu'au bout. C'est vrai que la déchetterie est tout de même à 2 km d'ici. Faut pas déconner, ça fait loin !

Autre exemple de fainéantise, d'insouciance, d'incivisme  ou simplement du mépris de la réglementation et/ou de l'environnement, il y a les déchets de taille laissés sur place au pied de la haie dans le champ voisin. Enfin, il y a ceux qui  brulent tout de même leurs déchets mais de nuit : l'herbe humide fait beaucoup de fumée et peu de flammes. Invisible à l'œil, l'odorat et les poumons le sentent passer.
Mais tous le monde n'est pas comme ça ! Quoique, pour ce que j'en sais, je ne suis pas allé chercher ces exemples bien loin, tout au plus dans un rayon de 300 mètres autour de chez moi.
Bref, contrairement à d'autres, je me suis posé la question du devenir de mes déchets verts en excès.
Tout d'abord,  un rapide inventaire de ces potentiels déchets :  les fruits tombés sains et malades, les feuilles mortes, l'herbe de tonte, l'herbe de fauche,  les branchages, les branches, les troncs et les souches.
Très possible que cette liste ne soient pas exhaustive, mais celle qui suit l'est l'est certainement encore moins.

Du plus petit au plus gros ...

L'herbe de tonte : dans le compost ou pour faire du paillage, pas grand-chose d'autre à rajouter à ce que j'avais déjà dit ...
L'herbe de fauche : Dans l'année, on fauche beaucoup moins souvent qu'on ne tond. Le "peu" obtenu peut aussi être intégré au compost ou servir de paillage.
Cette année, j'ai essayé un truc avec cette herbe. Les bananiers ont poussé et il devient difficile de les protéger en hiver. Pour ne pas trop avoir à les rabattre, j'ai improvisé des cache-nez pour mes bananiers : du bas vers le haut, j'ai enroulé de l'herbe comme une corde, reliant les brins ensemble en les torsadant. Entourés d'un manchon d'herbes bien serrées de 2cm d'épaisseur, et recouvert d'une simple bâche, les bananiers ont, semble-t-il, bien passé cet hiver, lequel était pourtant assez rigoureux.
Sinon on peut laisser cette herbe en un tas. Des petits tas que j'avais laissés au pied des haies avaient fait le bonheur des femelles vers luisant qui trouvaient là la possibilité d'être à la fois cachées et visibles à  travers les brins.

Un tas plus grand (plus d'un mètre),dans un coin du jardin, abrité ou pas, fera office d'abri pour insectes ainsi que pour rongeurs. Au fur et à mesure des sessions de fauche, alors qu'il se décomposera et se tassera par la base, le tas sera alimenté par le haut.
Les feuilles sèches : Pendant l'hiver elles auront servi à la protection des végétaux craignant le gel. Puis au printemps, les incorporer au compost. Elles prennent du temps pour se dégrader, alors un manière de donner un coup de pouce au processus est de les "mixer" avec un rotofil dans une poubelle faisant office de "bol à mixeur".
Les feuilles sont aussi un constituant des buttes (voir plus bas).
Les fruits tombés : Ceux apparemment sains ont été laissé pendant l'hiver pour nourrir merles, hérissons ou tout autre affamé. Au printemps, ils iront rejoindre les fruits malades qui, pour éviter la propagation de maladies, ont été enterrés à 1m de profondeur.
Les branchages : Ça se complique. Les branchages sont plutôt encombrants. J'en ai disposés au pied de l'emplacement de la haie actuelle et à l'emplacement de la future haie. C'est un moyen comme un autre pour les arbustes de la haie de ne pas avoir la concurrence de mauvaises herbes et d'avoir les  pieds au frais. Idem pour les futurs arbres de la haie.

Tous ces branchages sont également des abris pour les insectes et les petits rongeurs.
Des petits fagots, d'inclinaisons et d'orientations variées, constitués d'une vingtaine de tiges de différentes grosseurs, de 20-30 cm de long, creuses ou pleine de moëlle (buddleia, sureau) feront des nichoirs et abris à insectes.
Un grand tas de branchages, aussi organisé en fagot, peut être le refuge de nombreux oiseaux. Certains comme le rouge-gorge, le troglodyte mignon et l'accenteur mouchet y nicheront.
Et pour le jardinier patient (très très patient), ces oiseaux viendront même semer (par l'entremise des voies naturelles) les futurs sureaux, aubépines ou encore prunellier, d'une non moins future haie vive.
Les branchages sont l'élément de base de la culture sur butte à la façon allemande. Dans une tranchée de 25 cm de profondeur, de 1m80 de large, et orientée nord-sud se succèdent des couches concentrique  :
- la première de branchages est bombée, haute de 50 cm tout en laissant une marge sur les côtés,
- la deuxième couche faite avec les mottes de gazon précédemment enlevées au moment de creuser la tranchée, racines vers le haut. Sinon de la paille ou des déchets verts variés sur 15 cm recouvert de 10 cm de terre bien tassée,
- la troisième faite de 25 cm de feuilles, humides et mélangées à un peu de terre,
- la quatrième couche, éventuellement de fumier sinon obligatoirement de compost bien mûr,
- La cinquième et dernière couche de 15 cm d'épaisseur de terre.

Sur la butte, seront d'abord plantées les premières années des plantes exigeantes comme les pommes de terres, des tomates ou des choux. Les moins gourmandes seront au pied de la butte.
Bien que tentant, je n'ai pas encore eu l'occasion de me lancer dans cette façon de faire. Pour les audacieux, il sera bon de connaitre les avantages (dont l'augmentation de la surface cultivable, le sol réchauffé du fait de la fermentation et l'exposition, la facilité de drainage et du travail, et un rendement élevé) et les inconvénients (dont la possibilité des racines de griller au contact avec la matière organique en décomposition,  le dessèchement de la butte, le milieu accueillant pour les souris et les taupes, et l'effort demandé à la mise en place de la butte).
La culture sur butte a fait aussi l'objet d'un sujet sur le forum de OnPeutLeFaire.com.
Autre usage des branchages et des branches de moins de 7 cm de diamètre : le bois raméal fragmenté ou BRF (voir les Jardins de BRF). On l'appelle aussi aggradation (par opposition à dégradation). C'est une technique qui améliore le sol.
Les végétaux (y compris ronces, lierres, … !) sont broyés en octobre juste après la chute des feuilles. Le broyat est disposé en couche de 8 cm d'épaisseur et permet de cultiver directement sans avoir à (trop) travailler le sol. Les (bons) champignons microscopiques, dont le développement est favorisé par la sève encore présente dans les végétaux, permettent également de protéger les plantes du potager. C'est à renouveler tout les quatre ans.
Le broyat obtenu en mars-avril doit être, quant à lui, mélangé au sol en surface et arrosé si le temps est trop sec.
Les conifères peuvent même être utilisés en BRF à condition de représenter moins de 20 % du broyat utilisé.
Le hic, c'est que même si il est possible de le faire à la main (avec hache et marteau), le broyeur peut se révéler indispensable pour ceux ayant de grande quantité de déchets de taille.
Enfin, les branchages peuvent faire de quoi pailler des massifs ou garnir un chemin. En l'absence de broyeur, j'ai utilisé ce que j'avais sous la main : un taille-haie électrique. Tout comme le rotofil (que je citais plus haut) je l'utilise comme un mixeur. J'ai utilisé là aussi une poubelle pour mixer de l'aubépine. Mais pour les végétaux encombrants j'ai utilisé une corde pour faire un énorme fagot, lequel a été débité en "tranches". Dans ce cas là, les morceaux de buddleia ont servi comme paillage pour des boutures de sureau.

Ailleurs, j'étais envahi de vigne vierge. Avec le taille-haie j'ai "émincé" le tas de vigne vierge arrachée en croisant la coupe de façon a avoir des bouts de 10 cm au plus. Cela m'a servi pour les passages du potagers.
Certains végétaux comme les conifères ou les laurier-cerise et laurier-rose ( parce que soit ils sont acidifiants, soit ils sont toxiques), sont difficile à utiliser : éventuellement pour pailler le pied des arbres dont ils sont issus (en l'absence de maladies), sinon direction la déchetterie.
Un cas particulier, le bambou ne fait pas du bon BRF. Par contre, il est très utilisé pour faire des tuteurs , des treilles, des nichoirs à abeilles, etc …  Pour toute ces utilisations, le bambou doit avoir plus de 4 ans et avoir été séché.
Entre branchages et branches, certaines parties faisant 1,5 à 4 cm de diamètre ont des utilités plus précises : rames pour pois ou haricots grimpant ; panneau tressé en noisetier, châtaignier ou saule, pour des bordures, clôtures ou même pour un silo à compost … sans oublier le frêne qui, flexible, est un bois dont on faisait les arcs.


Piquets et tresses sont en noisetier. Sauf que les piquets viennent de branches mises à sécher il y a quelques années de cela, et les tresses sont des chutes de recépage de cette année. Pour couvrir le passage central du potager, j'ai étalé de la vigne vierge coupée en morceau.

Pour un diamètre encore plus large, ces branches font de bons poteaux imputrescibles en robinier (faux acacias) après séchage, des piquets en châtaignier pour les plants de tomate, des portillons, des palissades, des meubles de jardins, …

Des rondins : De 15 à 20 cm de diamètre, ces rondins quand ils sont en charme, frêne ou chêne, seront mis à sécher pendant 3 à 4 ans pour faire du bois de chauffage.
Dans un coin du jardin, et pas forcément le même que celui où se trouve celui d'herbe, un tas de bois sert d'abri pour le hérisson, la belette, le crapaud, la musaraigne, les carabes, de nichoir pour les abeilles et de source d'alimentation pour les insectes saproxylophages (mangeurs de bois mort).
Il peut même y avoir deux tas : l'un au soleil pour les insectes xylicoles (qui nichent dans le bois) et l'autre à l'ombre pour les insectes saproxyliques (qui  mangent de la matière morte).
Seuls les rondins frais, non séchés, feront ici l'affaire. Au fil des années, on en ajoute tandis qu'avec la décomposition le tas s'affaissent.
Dans un rondin sec de bois dur (hêtre, chêne,…), des trous de 2 à 12 mm de diamètre, environ 10 fois plus profonds que larges, orientés au sud ou à l'est, et à l'abri des intempéries, seront les futurs nichoirs à abeilles solitaires.

Petits ou grands déchets verts, tous peuvent être réunis dans un immeuble à insectes comme sur cette photo de gauche.

Les billes de bois : Les usages de morceaux de troncs diffèrent peu de ceux des rondins : bois de chauffage, mobilier de jardin (bancs et tabourets), bordure et séparation, ...

Sous le chêne, des rondins provenant d'un vieux saule qu'il a fallu abattre, bordent des fougères, et sont en train de se décomposer au profit des plantes. Les branches mortes tombées du chêne sont cassées facilement et au fur et à mesure pour couvrir le passage boueux que ma chienne aime emprunter.

A l'instar d'une souche, une bille de bois de bouleau ou de saule, debout dans une haie, se décompose assez rapidement au fil du temps. Couverte de mousse ou de lierre, elle devient idéale pour certains petits animaux qui y trouvent nourriture, lieu de ponte ou nichoir, comme la cétoine par exemple .
Et puisque les moisissures des bois morts et vivants diffèrent, il n'y a pas de risques à ce que du bois mort se décompose à côté d'arbres bien en vie.
Réduire les déchets à la source
On trouve dans beaucoup de tondeuses le moyen de faire du mulch. L'herbe tondue est hachée et redéposée dans le gazon. Aucun bac d'herbes à vider. Intéressant pour des pelouses entretenues, cela devient un inconvénient ailleurs. 
Le mulch enrichit le gazon en matière organique, ce que les mauvaises herbes aiment beaucoup, et les prairies apprécient moins. Les plus belles prairies fleuries sont d'ailleurs sur des terrains pauvres.
Avec cela, plus on coupe l'herbe, plus elle aura tendance à pousser. On produit plus de matière en tondant qu'en fauchant, ce qui augmente d'autant plus la fréquence de la corvée...
Sinon, avoir un minimum de déchets se pense à l'avance. Par exemple, au moment de planter une haie. Il s'agit de choisir des arbustes et arbres soit à croissance lente (buis, if), soit facilement valorisables.
Autant préférer les haies vives (prunier, prunellier, sureau, noisetier, aubépine,  houx, cotonéaster, fusain, …) ou fleuries (buddleia, forsythia, wegelia, cornouiller, hibiscus, seringat, lilas,…) au lieu des haies persistantes (thuya, cyprès, troëne, laurier-cerise,…).
Et pourquoi ne pas tailler les saules et robinier en têtard ? Cette façon de faire offre le gîte à une faune variée et ses déchets de tailles font souvent bon usage.
Et pourquoi ne pas mettre en commun un broyeur pour les habitants d'un quartier ou d'un village ? Ou alors un broyeur itinérant où les gens apportent leurs déchets verts et repartent avec leur broyat ? Ce sont des moyens de mettre à disposition à moindre coût un matériel qui sert peu au cours de l'année.
Et pourquoi ne pas organiser une "Bourse aux Déchets Verts" ? Parce que les déchets des uns sont les matières premières des autres.

Et c'est maintenant que se pose le réel problème qui me préoccupe vraiment : si tous ces résidus du jardinage ne sont plus abandonnés mais me servent et qu'ils viennent même parfois à manquer, sont ils encore des déchets ? Et s'ils n'en sont plus, j'ai alors le droit de brûler mes non-déchets verts. Non ?