En plein débat sur les minarets, Mina Ahadi, une Iranienne d’origine qui a fui le régime islamique, militante
de la séparation Eglises-Etat, menacée de mort, a présidé vendredi à Berne au lancement du premier «Comité central des ex-musulmans de Suisse», une organisation similaire à celle qu’elle a lancée
en Allemagne où elle réside.
Le Temps: «Nous avons abjuré!», dit votre slogan. Comment justifier la campagne que vous venez de lancer? La religion n’est-elle pas une question personnelle?
Mina Ahadi: Nous
constatons depuis quelques années une montée de l’islam politique en Europe. Je viens d’Iran où l’islam politique est apparu après la révolution. Pour moi, la religion est d’abord une affaire
privée. Mais en Allemagne, les organisations musulmanes sont très actives et pas uniquement pour des questions de foi. Toutes ces organisations prétendument religieuses ont des contacts avec
l’Arabie saoudite, le gouvernement turc ou le régime islamiste en Iran. Elles cherchent encore une fois à s’immiscer dans notre mode de vie, notre intégration,
– Mais ne peut-il y avoir un islam moderne et tolérant?
– A mon avis non. On ne peut pas le réformer; je ne sais pas s’il y a vraiment quelqu’un qui veut moderniser
l’islam. On peut lire les «hadiths», qui sont la transmission de la parole du prophète. Ils sont hostiles à la femme, aux droits humains. Je ne vois pas comment on pourrait moderniser l’islam,
car il faudrait abandonner au moins 90% des citations et versets des «hadiths».
– Il y a pourtant des musulmans très tolérants, très ouverts.
Oui, c’est pourquoi on doit faire la différence entre les gens qui professent leur foi et l’islam comme idéologie,
comme religion. Nous venons de pays musulmans, comme la Turquie, le Soudan, le Pakistan, etc. Nous avons tous des familles musulmanes et nous défendons des musulmans. Car en Afghanistan ou
ailleurs, ce sont des musulmans qui sont tués, des femmes musulmanes qui sont lapidées,
Le problème en Europe, ce n’est pas l’intégration d’anciens musulmans, mais de permettre aux gens qui vont à
la mosquée de concilier leur foi et le monde occidental.
Une association comme la nôtre peut expliquer aux musulmans pratiquants que nous sommes dans un autre pays avec
d’autres règles, une autre culture et d’autres traditions. Nous avons fui des pays islamiques car nous avons pensé qu’ici nous pouvions vivre plus librement, que les hommes et les femmes y sont
égaux, qu’on ne peut pas battre les enfants à la maison. Nous devons donc donner les moyens aux musulmans de s’intégrer. Il faut être clair: quand on dit qu’ici homme et femme sont égaux, ce
n’est pas dirigé contre eux. Ce sont des principes qui valent pour tous ici. Ce n’est pas uniquement la culture occidentale, mais ce sont des droits de l’homme universels. Les gouvernements
suisse ou allemand doivent être conséquents avec eux-mêmes. On ne peut pas admettre que sous prétexte que des musulmans viennent d’autres cultures, ils puissent battre leurs femmes ou leurs
enfants, s’exclure des règles communes.
– Vous débouchez dans une campagne contre les minarets menée par l’UDC, ne craignez-vous pas d’être manipulés?
Je connais l’UDC et je connais les propos racistes qui sont tenus. Et à l’époque j’ai aussi été très fâchée des
campagnes xénophobes de ce parti. Je ne crains pas la manipulation. Nous voulons apporter une autre voix contre l’islam que celle des xénophobes. On ne peut pas nous accuser d’être racistes,
puisque nous venons d’autres horizons. Nous ne pouvons pas laisser l’UDC mener seule la campagne en faisant un amalgame entre xénophobie et hostilité aux mosquées. Nous voulons apporter une voix
de la raison. Nous devons dire qu’il y a assez de mosquées et de minarets en Suisse, que nous craignons une radicalisation du climat, que les islamistes viendront un jour exiger des femmes
qu’elles portent le voile ici en Suisse. Ne rien dire c’est laisser le débat sur le terrain de la xénophobie. Car toutes ces fausses politiques qui se taisent sur l’islam politique aident les
racistes et les xénophobes.