Nous sommes arrivés un peu trop en avance. La salle est vide.
Quelques couples à l'orchestre lisent le programme.
Je rêvasse en regardant le plafond, en imaginant ce bâtiment rempli de son époque, d'une France avant l'affaire Dreyfus et ce plafond peint par ce "petit juif de Russie". Ce plafond rempli du Shtetl ...
Cet Opéra rempli de l'empire, de cette bonne société en crinolines.
Dans la fosse, deux, trois musiciens répètent encore. Le contrebassiste tape la causette avec qui veut bien parler avec lui.
Ils s'arrêtent, vérifient un point de l'interprétation.
La salle est bien vide.
Une critique de cinéma connue s'est installée au premier rang, habituée des bonnes places au spectacle.
L'écran bleu de son téléphone fait contraste dans la salle rouge.
La salle se remplit, le brouhaha monte, le velours rouge des fauteuils disparaît sous le noir des costumes des spectateurs.
Les musiciens accordent leurs instruments de plus en plus bruyamment.
Les deux jeunes femmes dans la loge à côté font concours d'élégance.
Le velours est rêche, mais j'y pose ma tête. Le rideau se lève ...
Il ne se baissera qu'après un pas de deux juste ... magique.