Pendant ce temps, on m'avait confié à Mohammed, un jeune algérien de 15 ou 17 ans.
Quand mes parents quittèrent l'Algérie quelques mois ou années plus tard, j'y laissai tous sans doute aussi tous mes souvenirs. Plus rien n'affleurait de ce qui touchait à ces jeunes années. Ma soeur m'agaçait profondément en exhumant avec exactitude jusqu'aux mots d'arabe qu'elle avait appris à l'école.
A ma mémoire défaillante s'incorpora petit à petit, les bribes du récit familial. C'est comme ça que je sais que Mohammed ne me quittait pas et que je l'adorai. Mon père s'affairait à l'hôpital où il y avait déjà fort à faire d'habitude. Ma mère ainsi que mon père faisaient face aux inquiétudes les plus grandes. Je ne sais combien de temps durèrent ces moments mais la tension devait sans doute être perceptible.
Dans la maison aux chats, il paraît qu'il y en avait des dizaines, certains tellement sauvages qu'il était impossible de les approcher, je pense que ma soeur et moi n'avions pas le sentiment d'être arrachés à nos parents. Mon père devait sans doute se montrer de temps en temps, c'était ainsi qu'il ne cesserait de nous apparaître tout au long de son existence, en courant, au galop, ponctuant d'un "et merde !" la nécessité de procéder à un départ immédiat ou bien lançant ses fameux "formidable !" devant la fugitive beauté des êtres vivants, humains, arbres, fleurs. Je devais être tout à fait couvé par Mohammed, grand frère attentionné, je l'imagine en voyant son sourire et le mien, sur cette photographie. Je ne sais rien de la vie qu'il a pu avoir. Je ne suis jamais retourné en Algérie.