Où est passée la droite décomplexée ? Celle qui nous martelait, sourire aux lèvres, qu'il fallait rompre avec nos pratiques étatistes, étriquées et paresseuses ? Celle qui nous assénait qu'il fallait travailler plus, s'enrichir plus, expulser plus, punir plus ?
Où est passée cette droite qui assumait le franc-parler de son "jeune" président, son dynamisme à dynamiter tous les tabous, sa propension à dénoncer la repentance inutile du passé ?
Cette droite a disparu. Chaque nouveau plan social l'embourbe dans un discours contre-nature, qu'elle appelle "pragmatisme", prônant la protection de l'Etat. Sarkozy cache ses invitations luxueuses en vacances. Eric Besson cache ses expulsions de clandestins. Xavier Darcos se terre. Fillon recadre Wauquiez à propos de Total. Martin Hirsch embauche sur ebay. Rachida Dati est "loanisé".
Idéologiquement, la droite semble morte, finie, disparue, cassée, cachée. En un mot, recomplexée ! Et politiquement, elle n'existe encore que parce que la gauche est absente.
Sarkozy n'assume plus son "Bling Bling"
En déplacement officiel au Mexique, Nicolas Sarkozy a sauvé les apparences dans l'affaire "Florence Cassez". Cette jeune Française, condamnée à 96 années de réclusion dans une sombre manipulation, avait fait appel au président français. Sarkozy a trouvé une issue à cette situation inextricable : la rapatrier en France, et confier à un groupe d'experts franco-mexicains le soin de réfléchir à un compromis. Mais on ne passera pas sous silence les tristes tractations commercialo-militaires (des hélicoptères, un peu de videosurveillance), ni les 3 jours de vacances du couple présidentiel qui ont précédé ce voyage protocolaire. Se reposer aux frais de l'Etat aux quatre coins du globe est devenu habituel en Sarkofrance. Comme le notait l'humoriste Stéphane Guillon sur France inter lundi 9 mars, Nicolas Sarkozy préfère Petra, New York ou Mexico à Gandrange, Saint-Lô ou Nîmes. Cette fois-ci, l'Elysée est bien embarrassé. Le "Bling Bling" colle aux fesses du président. On s'est demandé comment Nicolas Sarkozy pouvait s'offrir un séjour à 49 000 euros dans un luxueux hôtel mexicain. On nous fit comprendre qu'il était invité, non pas par l'Etat mexicain, mais par un milliardaire, membre du Conseil d'administration de Citigroup, soupçonné de narco-trafic dans les années 1990.
Il fallait écouter Frédéric Lefebvre, un brin honteux, un brin mal à l'aise, justifier les vacances de son président de patron. Trois jours qui ont coûté une quarantaine de smic mensuels. Bel exemple ! Puis vendredi 13 mars, la Présidence livra sa vérité : le couple présidentiel n'est resté qu'"un jour et demi" dans une "résidence" de la station balnéaire mexicaine de Manzanillo, "à l'invitation" du président Felipe Calderon. Raté, le gouvernement mexicain a démenti un peu plus tard : Nicolas et Carla Sarkozy ont été hébergés par des chefs d’entreprises lors de la partie privée de son séjour.
L'affaire des vacances luxueuses au Mexique est la cerise sur le gâteau d'une semaine bien chargée.
Droite recomplexée.
Pécresse et Darcos ne sauvent plus les meubles
La grogne dans l'Education Nationale ne s'éteint pas. En juin 2007, la secrétaire d'Etat criait victoire. L'autonomie des universités était votée. Vingt établissements peuvent, depuis le 1er janvier 2009, se faire concurrence pour attirer les meilleurs élèves et les meilleurs professeurs. 18 mois plus tard, la photographie a jauni. Valérie Pécresse souffre. Xavier Darcos, son ministre de tutelle, s'est mis à dos la totalité du corps enseignant, les élèves, les étudiants et même des parents d'élèves. En janvier dernier, fidèle à lui-même, Nicolas Sarkozy fait une belle bourde, en critiquant la flemmardise supposée des enseignants-chercheurs. Le projet de décret sur leur statut enflamme un peu plus le milieu. Fillon croit le calmer en gelant les suppressions de postes. Puis, il y a 8 jours, la secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur a encore passé quelques heures avec 4 organisations syndicales à réécrire intégralement son projet de décret. Echec et mat ! Mercredi, une quarantaine des 79 universités françaises étaient encore bloquées. Xavier Darcos, le ministre de tutelle de Pécresse, se terre. A l'université de Provence (Aix-Marseille I), les enseignants-chercheurs ont démissionné de leurs fonctions administratives pour protester contre "l'attitude du gouvernement". Le même mercredi, Sarkozy cache sa misère en invitant à déjeuner une quinzaine de chercheurs, triés sur le volet. Jeudi, Darcos lâche que la réforme de la formation des futurs professeurs du primaire et du secondaire sera étalée jusqu'en 2011. Insuffisant ! rétorquent les syndicats. L'Education nationale est devenu le Stalingrad du Napoléon de l'Elysée.
Droite recomplexée.
Eric Besson, ou les expulsions à visage humain
La sortie du film Welcome approchant, la polémique opposant le ministre de l'identité nationale à l'équipe du film enfla quelque peu. Eric Besson avait d'abord choisi de nier qu'on puisse harceler ceux qui aident les sans-papiers en leur fournissant un hébergement "de détresse." On a cru qu'il était sincère, et cherchait à justifier la lutte légitime contre les passeurs. Manque de chance, les exemples de traques et harcèlements divers contre de simples citoyens, que l'on ne peut soupçonner d'être membres de réseaux mafieux, se multiplient: une militante de France Terre d'Asile, 59 ans, 10 heures de garde à vue; un président d'association humanitaire, 72 ans, 3 procès; un philosophe, accusé d'avoir suscité la rébellion des passagers d'un avion emportant un sans-papier expulsé; une militante calaisie, pour la 4ème fois au tribunal pour avoir photographié des expulsions. Décourager les témoins, traquer les clandestins, la politique d'immigration est inchangée depuis l'arrivée d'Eric Besson.
Le ministre veut cacher la réalité répressive de sa politique. La page de garde de son site Web figure des communiqués de presse officiels sur des passeurs arrêtés, des injonctions aux Préfets de la République pour lutter contre les discriminations dans les entreprises, ou sa rencontre avec un jeune champion de boxe sans-papier qu'il a régularisé. Eric Besson tait les consignes données aux policiers d'Anger d'interpeller les SDF en situation régulière (car "les étrangers en situation régulière sont expulsables à certaines conditions cumulatives, dont la mendicité"). Nulle trace également sur ce site de propagande de la situation de ces parents séparés de leurs enfants car "retenus" dans des centres de détention. Cette semaine, que pouvaient penser de la "justice française" les enfants d'Omer Ahmetovic, père Bosniaque détenu au Centre de Rétention de Geispolsheim (Bas-Rhin), ou ceux de Ramela Hakobyan, mère détenue (puis libérée) au CRA de Rennes ? La Sarkofrance se cache. Elle a honte.
Droite recomplexée.
Pérol, symbole d'une monarchie bananière ?
Mercredi 11 mars, la désormais fameuse "Commission de déontologie de la Fonction Publique" se réunissait. Il y a 15 jours, Nicolas Sarkozy voulait nous faire croire que la nomination de son conseiller économique à la tête des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires avait été avalisée par la dite Commission. Son président n'avait commis qu'un courrier rappelant la jurisprudence en la matière. Il fallait écouter cet Olivier Fouquet, jeudi, lors de son audition devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale. On y apprit que les membres de la Commission ont été "tout près de démissionner collectivement". "Si j'avais été intelligent, je n'aurais pas envoyé ma lettre." a expliqué Fouquet, " Mais nous avons l'habitude, à la commission, lorsque nous sommes saisis, de répondre dans les quarante-huit heures. Honnêtement, je n'avais pas imaginé le scénario. Je ne pouvais imaginer qu'elle serait utilisée pour la polémique extérieure."
François Pérol risque 2 ans de prison. La saisine de la Commission "n'est obligatoire que dans le cas où la personne qui part dans le secteur privé a exercé effectivement des fonctions qui l'ont conduit à contrôler une entreprise", "à passer des marchés avec elle", ou à "participer à des décisions favorables à cette entreprise". N'est-ce pas le cas de Monsieur Pérol ?
Droite recomplexée.
Travailler plus ? Vraiment ?
Evidemment, la crise occulte la vacuité du slogan sarkozyen "Travailler plus pour gagner plus." Les salariés de Continental n'ont cependant pas apprécié d'avoir abandonné il y a 2 ans leurs 35 heures, soit-disant pour travailler plus. Cette semaine, ils ont appris que certains seraient virés. La crise impose à Sarkozy de changer d'idéologie. Tout son système s'est écroulé en quelques mois. Aucun paradigme n'est valable. L'emploi se dégrade, le pôle emploi n'est pas à la hauteur, les précaires et les entreprises réclament la protection de l'Etat. Les 35 heures servent d'amortisseurs pour ajuster la baisse des charges de travail. Un comble !
Le discours sarkozyen officiel reste pourtant inchangé. La défiscalisation des heures supplémentaires a tué l'intérim dès le mois de mars, comme s'en alarme la fédération patronale du secteur. Mercredi 11 mars, l'UNEDIC a aggravé ses prévisions en réévaluant à 454 000 (contre 282.000 il y a quelques semaines) le nombre de demandeurs d'emplois (de catégorie 1) supplémentaires cette année. L'essentiel de cette dégradation concerne les salariés les plus précaires, des fins de CDD ou d'intérim, marginalement concernés par la réforme de l'assurance-chômage qui entrera en vigueur le 1er avril.
Pire, la fusion des Assedics avec l'Unedic, cette nième réforme de la Rupture, plombe la situation ("Il y a aussi sans doute eu des retards liés à la fusion" expliquait le DG du pôle emploi cette semaine), provoquant retards et attentes (pour 50 à 55 000 chômeurs). L'Offre Raisonnable d'Emploi ne sert à rien (si ce n'est à faire peur). Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'emploi, est déboussolé. Il s'accroche à une compassion de circonstance. Quand Total annonce supprimer 550 postes en France, malgré 14 milliards d'euros de bénéfice net en 2008, le voici qui exprime son "indignation", puis il se fait gifler par son premier ministre, qui qualifie la multinationale du pétrole d'"une des plus belles entreprises françaises".
Droite recomplexée.
Droite sécuritaire, toujours
Il n'y a bien qu'un domaine où la droite est restée fidèle à elle-même: la répression. Cette semaine, on a beaucoup débattu de la loi "Création et Internet", jugée liberticide (ou idioticide ?), et très peu de la réforme pénale. Nadine Morano a participé indirectement au débat. Sa plainte pour diffammation sur le Net a conduit la police à demander à DailyMotion les adresses IP des commentateurs insultants à son encontre:"Je ne me suis pas engagée en politique pour me faire traiter de pute." Elle n'a pas tort. La violence de certains commentaires, abrités par leur anonymat, fait débat. La loi Hadopi a été l'occasion d'un concours de démagogie sans limite. Les artistes peuvent se mordre les doigts d'être défendus par un ministère défaillant et des députés UMP provocateurs. Les internautes auraient pu se mobiliser contre la réforme pénale : la commission Léger a remis son rapport, comme prévu, à Mme la Garde des Sceaux lundi dernier. Et comme prévu, ses recommandations verrouillent un peu plus la justice avec la suppression du juge d'instruction, ce trublion incontrôlable, et le renforcement du rôle du procureur, véritable directeur de l'enquête.
Le Parti Socialiste a choisi la bonne semaine pour publier son livre noir des libertés publiques, une description par ordre alphabétique des surveillances imposées à nos libertés publiques et individuelles. Un ouvrage partisan mais terrifiant de réalité.
La droite s'est recomplexée. Les Français ne cherchent plus à travailler plus, mais à travailler tout court; ils sont davantage à comprendre que la répression et la précarisation les concernent. La droite devient hargneuse, provocante, énervée, agaçée.
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