L'UFC Que Choisir dénonce la pratique des distributeurs de crédits, qui vendent presque automatiquement des crédits révolving au détriment d'autres formules, moins onéreuses (comme les crédits affectés ou les crédits personnels), et souvent mieux adaptées aux besoins des clients. L'association formule cinq propositions pour mettre fin à ces abus.
A la veille des annonces gouvernementales sur la réforme du crédit à la consommation, l'UFC-Que Choisir rend publique une enquête nationale "accablante" qui souligne que les distributeurs de crédit vendent presque automatiquement des crédits révolving (aussi appelé renouvelables ou réserve d'argent permanente) au détriment d'autres formules, moins chères, comme les crédits affectés ou les crédits personnels (voir encadré), et souvent mieux adaptées aux besoins des clients.
Des crédits inadaptés aux besoins des clients
Les 73 associations locales de l'UFC-Que Choisir ont sollicité les distributeurs de crédit dans leur département pour examiner vers quelle forme de crédit à la consommation ils orientent les consommateurs désirant emprunter 2.500 euros pour remplacer leur électroménager (lave-vaisselle, lave-linge, etc.). Compte tenu de ce projet, un crédit affecté ou personnel est le plus approprié, selon l'association. Pourtant, sur les 1.118 propositions de crédit obtenues, les résultats de l'enquête sont sans appel : "72% des distributeurs sollicités ont orienté le consommateur vers un crédit revolving, 82% des établissements n'ont donné aucune information claire et lisible sur les caractéristiques du prêt (coût total, taux d'intérêt, mensualité, montant de la réserve, etc.), et 87% n'ont pas vérifié la solvabilité de l'emprunteur, ni prêté attention au projet du consommateur".
Les trois grands types de crédits à la consommation et leur coût
Le prêt personnel. Il est proposé pour financer tout type de projets. Amortissable, le capital emprunté est remboursé progressivement sur la durée totale du crédit. Le montant emprunté, la durée et le taux (TEG) sont fixes. Les taux pratiqués se situent entre 4,5% et 9,5% selon le montant et la durée choisis.
Le crédit permanent, aussi appelé crédit renouvelable, revolving ou réserve d'argent. Il répond au besoin de gestion active de trésorerie. Il est le deuxième crédit en termes d'encours, avec 33 milliards d'euros. Ce type de crédit correspond à une somme mise à la disposition du client, qui peut être utilisée, moyennant des intérêts, en totalité ou en partie, aux dates et au choix du client et réutilisable au fur et à mesure des remboursements en capital. Les taux pratiqués pour ce type de crédit varient entre 13% et 20% (hors offre promotionnelle). Ils sont révisables en cours de contrat.
Le crédit affecté. C'est un crédit adapté à l'achat d'un bien déterminé, auquel il est définitivement lié, et pour lequel le montant emprunté et toutes les caractéristiques sont déterminés à la souscription. A ces opérations de crédit classique, viennent s'ajouter les opérations de location avec option d'achat, généralement utilisées pour l'automobile.
Des résultats accablants pour les établissements de crédit
Pour réaliser cette enquête, l'UFC a interrogé trois types de distributeurs : des banques (Banque populaire, BNP Paribas, Crédit Agricole, etc.), des lieux de vente (Auchan, Carrefour, Casino et Leclerc) et des établissements de crédit (Cofidis, Cetelem, Cofinoga, Finaref, Médiatis, Banque Accord, Franfinance, Disponis et Complicio). "Les résultats sont accablants pour les établissements de crédits, qui mettent les crédits revolving sur la tempe des consommateurs", dénonce Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir (voir tableau ci-dessous). Ils vendent en effet des crédits revolving de manière systématique et en dépit du bon sens.
Les principaux pourvoyeurs de revolving sont en effet les établissements de crédit spécialisés. Sur les 9 sollicités sur Internet, tous ont proposé un crédit revolving. Les lieux de vente (grandes surfaces, grands magasins, etc.) ne sont pas en reste dès lors que 63% ont fait de même et que 94% ont fourni de fait une réserve d'argent (donc un crédit revolving) via la carte magasin qui conditionne l'obtention du "3 fois sans frais".
Seules les agences bancaires semblent plus vertueuses, puisque 14% " seulement " ont proposé du revolving. Mais il ne s'agit peut-être que d'un rideau de fumée. "Je crains qu'une certaine volonté commerciale s'impose de plus en plus dans les banques pour imposer du crédit revolving. Nous avons notamment eu accès à une note interne de BNP Paribas qui recommandait de placer du crédit revolving plutôt que du crédit affecté. Nous sommes à l'aube d'une politique d'orientation systématique vers le crédit revolving", fait valoir Alain Bazot.
BanquesLieux de venteÉtablissements de crédit
Orientation vers le crédit revolving14%63%100%
Absence d'information claire25%77%100%
Absence de vérification de solvabilité35%93%100%
Source : UFC-Que Choisir.
Les joies du crédits revolving ? Cher, non amortissable, sans échéancier...
"Le montant du crédit accordé sous forme de réserve ne correspond pas, dans 40% des cas, à celui dont a besoin le consommateur pour financer son bien", explique l'UFC-Que Choisir. Le consommateur se retrouve donc le plus souvent avec à sa disposition une somme supplémentaire par rapport à l'opération de financement qu'il souhaite réaliser. Étant donné l'absence d'étude approfondie sur la situation budgétaire réelle du consommateur, le montant de la réserve accordé peut être disproportionné par rapport à la capacité de remboursement de l'emprunteur et l'entraîner tout droit dans la spirale du surendettement.
Contrairement au crédit affecté, le crédit revolving est totalement déconnecté du bien acheté, le consommateur est donc moins bien protégé en cas de problème lié au bien ou service acquis. "Par exemple, dans le cas où le bien n'est pas livré, le crédit affecté ne court pas, contrairement au revolving pour lequel le consommateur devra honorer ses mensualités même si le bien ou la prestation de service n'existe plus", explique l'association.
Surtout, le crédit revolving est souvent deux fois plus cher que les autres crédits, "avec des taux proches de l'usure, à 20% ou 21%, dénonce Alain Bazot. Sans compter la publicité mensongère qui vente un taux de 4% ou 5% , mais qui oublie de dire que c'est pour quelques mois seulement et qu'ensuite le taux remonte à 20%".
Pire. Si le crédit renouvelable ou revolving coûte cher c'est non seulement à cause du taux d'intérêt très élevé, mais aussi et surtout parce que les mensualités fixées par les établissements prêteurs sont souvent d'un montant trop faible pour rembourser rapidement le capital. L'échéance inclut alors largement plus d'intérêts que de remboursement de capital. "Le capital emprunté continue donc de produire des intérêts, ce qui tend à rendre ce crédit sans fin (la simulation réalisée par Athling montre que la durée d'amortissement d'un crédit de 3.000 euros peut atteindre 15 ans !)", explique Alain Bazot. Bien sur, il est possible de faire des remboursements anticipés, mais comme ce type de crédit est surtout vendu à des ménages modestes, ces derniers n'ont pas les moyens de le faire.
Enfin, le consommateur ne connaît pas à l'avance le coût total de son crédit en raison de la modification de l'encours restant dû (difficile à déterminer compte tenu des remboursements et des nouveaux tirages qui ont pu être opérés dans le mois), du taux d'intérêt qui s'applique (il s'agit d'un taux révisable, il peut donc varier pendant la durée du contrat, notamment lorsque le consommateur a bénéficié d'un taux promotionnel sur son premier tirage), et de la durée de remboursement. Il ne connaît pas son plan d'amortissement et ne peut clairement connaître l'état de son remboursement en capital et intérêts.
L'UFC-Que Choisir veut que le gouvernement agisse
"Je vais appeler le gouvernement à tirer les conséquences des résultats de notre enquête, dit Alain Bazot, les problèmes sont à venir si nous ne jugulons pas ce problème du crédit revolving. Dans le contexte actuel de crise du pouvoir d'achat, le risque est grand de voir le crédit revolving provoquer assez rapidement une crise de solvabilité".
Dénonçant la "distribution effrénée de prêts toxiques perdure", l'UFC-Que Choisir propose cinq mesures simples et concrètes, qu'elle souhaite que le gouvernement intègre dans la loi en préparation sur les crédits à la consommation : interdiction du démarchage, amélioration de la clarté et de la lisibilité des publicités et des contrats de crédit, obligation pour les conseillers de vérifier la solvabilité de l'emprunteur et son projet avant de lui proposer un crédit adapté, interdiction du crédit revolving sur les lieux de vente, interdiction d'associer une réserve d'argent avec une carte de fidélité ou de paiement.
D'ores et déjà, dans le cadre de l'appel des personnalités lancé par l'association, 160 parlementaires se sont prononcés pour ces mesures, à commencer par Didier Migaud, président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale et Philippe Marini, Sénateur, rapporteur général du budget.