M. Pérol s'interroge

Publié le 13 mars 2009 par Malesherbes

Je pensais en avoir terminé de vous infliger mes billets sur M. Pérol mais le commentaire saisissant mais judicieux de j.michel, que vous pouvez consulter à la suite de mon texte d'hier, m'a conduit à me reporter aux lois, décrets et articles cités plus tôt pour développer son argumentation.
La loi 93-122, modifiée par la loi 2007-148, définit très précisément dans quel cas la saisine est obligatoire ou facultative. Elle est obligatoire dans le cas de ce que l'on peut qualifier un conflit d'intérêt, c'est-à-dire lorsque les activités antérieures de l'agent lui auraient permis d'interférer avec la vie de l'entreprise qu'il rejoint. J'ai déjà plusieurs fois cité le texte correspondant, le II de l'article 87, qui reprend presque à l'identique l'article 423-13 du code pénal. Ce qui est en cause, c'est ce que l'agent a fait avant, alors qu'il exerçait dans le public.
Selon le III de ce même article 87, la saisine est facultative si " cette activité porte atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées ou risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service ". Il s'agit là de ce que l'agent est susceptible de faire après, une fois qu'il est dans le privé. Donc, sauf erreur de ma part, la saisine dans le cas de M. Pérol est bien obligatoire.
La mise en route de la saisine est prescrite par le chapitre II du décret 2007-611 : " Les agents [...] cessant temporairement ou définitivement leurs fonctions qui se proposent d'exercer une activité privée sont tenus d'en informer par écrit l'autorité dont ils relèvent un mois au plus tard avant la cessation temporaire ou définitive de leurs fonctions dans l'administration ".
Le Conseil de Surveillance de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne ayant nommé Monsieur François Pérol à la présidence du Directoire de la CNCE, avec effet au 2 mars 2009, le futur président devait informer son supérieur, M. Guéant, avant le 2 février. S'est-il acquitté de cette obligation ? On peut en douter, au vu de deux éléments : la lettre de M. Fouquet à M. Guéant, en date du 24 février, et sa déclaration devant l'Assemblée Nationale, le 11 mars : " Si j'avais été intelligent, j'aurais fait traîner ma lettre ". Sans nous attarder sur cet aveu, le rapprochement de ces deux points permet de penser que la réponse du Conseiller d'Etat à M. Guéant a été plutôt rapide. Le fait que sa lecture des textes de loi semble avoir été plutôt cursive vient corroborer cette hypothèse.
Etant donné les hautes responsabilités de M. Guéant, on est admis à supposer qu'il ne peut avoir retardé la transmission à M. Fouquet de la lettre de M. Pérol, surtout sur une affaire qui, de toute évidence, intéressait fortement Nicolas Sarkozy. Il est donc plus que vraisemblable que M. Pérol n'a pas informé M. Guéant dans les délais requis.
Mais il y pis. Ce courrier de M. Fouquet à M. Guéant traite de " la lettre par laquelle M. François Pérol [...] s'interroge sur la compatibilité de ses nouvelles fonctions avec ses actuelles fonctions au regard des dispositions du II ". M.Fouquet partage donc mon analyse selon laquelle le cas de M. Pérol relève bien de la saisine obligatoire. Mais ce haut fonctionnaire me paraît tout à fait incohérent, ce qui permet de douter de son aptitude à traiter des dossiers aussi délicats. Puisqu'il s'interroge, comment peut-il par ailleurs estimer qu'il n'est pas concerné par ces dispositions ?
C'est précisément pour délivrer un fonctionnaire des doutes insupportables qui peuvent l'effleurer dans ce genre de situation que le législateur a prescrit que :
- son supérieur, informé par ses soins en temps utile, a la saisine, dans un délai de quinze jours de la commission de déontologie, et le prévient
- l'agent a la saisine, au plus tard un mois avant sa prise de fonctions, et en informe son supérieur. Cette deuxième possibilité est peut-être destinée à permettre à l'intéressé d'agir lorsqu'il craint que son supérieur ne tente d'empêcher son départ.
L'avis de cette commission est-il destiné à protéger le fonctionnaire des foudres de l'article 432-13 du code pénal ? Ou bien M. Pérol compterait-il dans le même but sur quelque haute protection ?