Laurent Quignon : Alors si une nationalisation temporaire peut avoir du sens pour les banques les plus exposées, le plan Geithner a pris une orientation différente en privilégiant, une solution privée, le Trésor n'intervenant qu'en dernier ressort, pour pallier la carence des investisseurs. Si le renforcement de la part du Trésor au capital des grandes banques est vraisemblable avec la détérioration de la conjoncture et des conditions de marché, en revanche une nationalisation totale sur le modèle suédois du début des années 1990, ne constitue pas le scénario le plus probable.
Sibylle Dehesdin : En France Nicolas Sarkozy, le président, a écarté l'idée d'une « bad bank », est-ce que vous partagez cette analyse ?
Laurent Quignon : Alors cette solution a prouvé son efficacité dans la résolution des crises bancaires du début des années 90, notamment dans les pays nordiques. C'est une solution qui est relativement aisée à appliquer lorsque les actifs en question sont relativement simples, comme des créances par exemple. Or la crise que nous traversons aujourd'hui est essentiellement une crise de la valorisation.
La souscription de titres convertibles ou le renforcement de la participation au capital des banques de l'Etat constituent une solution qui permet de contourner cette difficulté, et c'est d'ailleurs le choix qui a été fait, en France ou aux Etats-Unis.
Enfin, l'exposition des banques françaises aux actifs à risque est limitée. Les pertes sur leurs portefeuilles d'actifs à risque s'élèvent à 25 mds de dollars : c'est environ la moitié des pertes enregistrées par le système bancaire allemand et le tiers des pertes enregistrées par les banques britanniques. Les trois principales banques françaises ont d'ailleurs conservé des résultats annuels positifs en 2008 malgré des conditions de marché extrêmement difficiles au quatrième trimestre.
Sibylle Dehesdin : Dans ce contexte les conditions de financement des banques s'améliorent-elles ?
Laurent Quignon : En dépit des injections massives de de la BCE et des garanties gouvernementales de la dette bancaire, le coût de la liquidité demeure très élevé. Le marché interbancaire est encore sous tension et rien ne dit que les choses vont s'améliorer rapidement.
Par ailleurs, la difficulté pour les grandes banques d'émettre des obligations au deuxième semestre 2008 a provoqué une diminution de la part des ressources à long terme dans les passifs bancaires. Les grandes banques européennes en mesure de procéder à des émissions obligataires non garanties sont encore peu nombreuses. Les banques cherchent donc à réduire leur dépendance aux ressources de marché et mettent l'accent sur le développement des dépôts clientèle. Ces stratégies sont opportunes dans une logique de long terme mais comportent, à court terme, le risque de renchérir les ressources bancaires, en particulier dans un contexte de taux de marché faibles.
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