L’idéologie dominante nous enjoint de tolérer l’Autre. Les textes de Christine Delphy nous montrent que celui qui n’est pas un Autre, c’est l’homme, et l’homme blanc. C’est sur la base du sexe, de la religion, de la couleur de peau et de la classe que se fait la construction sociale de l’altérité.
L’Autre c’est la femme, le pédé, l’Arabe, l’indigène, le pauvre. La république libérale tolère, c’est-à-dire qu’elle tend la main, prenant bien garde à laisser le toléré-dominé suspendu au vide. L’homo est toléré s’il sait rester discret, le musulman est toléré s’il se cache pour prier, la femme est tolérée si ses revendications égalitaires n’empiètent pas sur le salaire et le pouvoir de l’homme, l’oriental est toléré s’il laisse les armées américaines tuer sa famille pour le libérer de la dictature – et libérer sa femme de lui-même par la même occasion. L’injonction à s’intégrer est surtout une sommation à être semblable, à suivre les règles officieuses mais bien réelles de l’Occident libéral. Parité, combats féministes et homosexuels, Afghanistan, Guantanamo, indigènes et société postcoloniale, loi sur le voile : autant de prismes pour aborder la domination capitaliste-masculine sur le monde. Ceux qui refusent ces règles, ceux qui se montrent pour ce qu’ils sont, le paient le prix fort, combattants d’une guerre qui sera longue. Écrits dans un style offensif, incisif et souvent drôle, ces textes nous forcent à déplacer notre regard, à mettre en lien des événements toujours cloisonnés, et nous apportent ce supplément d’intelligence qui seul permet de comprendre le monde tel qu’il va.
ISBN 978-2-91-337282-5, 232 pages, parution octobre 2008.
Tout est résumé et fort bien dans ce quatrième de couverture. Christine Delphy à un sacré avantage : l'art des mots, des idées claires et une façon bien à elle d'affirmer les choses. Ce recueil de textes va en dérouter plus d'un-e-s.
Remettant les choses à plat, l'auteure enfonce le clou de nos préjugés en retournant clairement les choses. Elle pourfend le patriarcat, la haine des autres, et surtout la définition donnée au terme autres. Quand classer devient le premier pas de la mise en place d'un système de dominance. Maintenant soyons clair: je n'en partage pas non plus tout "l'angélisme", ni toutes les thèses soulevées, qui d'ailleurs ont trouvées pour certaines des points de contradiction forts dans l'actualité. Mais il est agréable de lire des choses qui changent...
Je dois bien le dire, ce livre m'a "récconcilié" avec le féminisme matérialiste en me démontrant la cohérence du propos (pas toujours évident dans d'autres publications). Et décidément, les éditions "La fabrique" savent choisir leurs auteurs, toujours polémiques !
(Billet publié en mode automatique)