Décidément, il ne se passe pas une semaine sans qu'un nouveau sujet de discussion ne vienne agiter le vitisphère, pour reprendre les termes utilisés par Chrisophe hier. Cette fois, un projet de directive européenne viserait à autoriser le production de vin rosé en mélangeant simplement du vin rouge et du vin blanc. Bref en ne se basant que sur la couleur et en oubliant ce qui fait la particularité de ces vins: la vinification et les cépages utilisés.
(Les rosés sont) "des vins fruités, de structure légère et qui se boivent frais [...] il n'en reste pas moins vrai qu'ils ne sont pas de grande classe [...] on ne leur apporte pas toujours les soins nécessaires [...] surtout on leur réserve rarement les meilleures vendanges [...] ce type de vinification peut être recommandé pour éviter certains défauts des raisins noirs manquant de maturité, atteints de pourriture [...] ou pour obtenir un vin rouge plus concentré. "
Cette citation (" Traité d'oenologie" de Dunod) résume le statut dans lequel le vin rosé a longtemps (et est parfois encore) été enfermé: un vin secondaire, élaboré par défaut, sans grande technicité et indigen de l'intérêt de l'oenologue!
Et il semblerait, au vu de ce projet de directive européenne autorisant la production de vin rosé en mélangeant vin rouge et vin blanc, que l'Union Européenne ne le tienne pas non plus en haute estime.
Et ce, bien que sur les 15 dernières années, sa consommation soit passée de 8% à 15% de la consommation totale de vins en France, qu'il soit probablement l'un des plus vieux vins de l'histoire, et que la France en soit le premier producteur mondial.
Ce projet a provoqué une levée de boucliers chez les producteurs de rosé, notamment dans le Sud-Est. Selon Jean-Claude Pellegrin, représentant de l'associaton "Vignerons 13", "toutes les autres régions de France sont pour ce texte. C'est un marché qui peut devenir porteur et des producteurs veulent profiter de cette autorisation pour trouver de nouveaux marchés".
Pire, ce mélange, qui selon M. Pellegrin "ne peut pas s'appeler rosé, celui-ci étant l'aboutissement d'une vinification particulière, d'un certain cépage", pourrait aussi être classé en AOC.
Selon la Commission Européenne, cette mesure serait un moyen de libérer l'Europe des "entraves œnologiques" et d'ouvrir de nouveaux marchés, comme la Chine. Mais aussi un moyen de rivaliser avec l'Afrique du Sud et l'Australie qui pratiquent déjà le coupage du vin blanc et du vin rouge.
Un vote définitif doit intervenir le 27 avril prochain. Si le texte devait être adopté, les vignerons de Provence envisagent déja des dispositions, comme celle d'introduire un étiquetage différent pour différencier les "vrais" rosés de ceux issus de ce mélange.