Total Recall et Continent s’affale
Coup sur coup, les scandales de Total et de Continental viennent relancer le débat sur le comportement de certains chefs d’entreprise dans la crise. Quelle que soient les excellentes raisons stratégiques qui ont pu présider au démantèlement de l’usine de Clairoix ou à l’annonce d’un programme de restructurations, les conditions de mise en oeuvre sont inacceptables.
On ne saurait tolérer que 1 100 ouvriers venus travailler à l’usine apprennent leur licenciement le jour même, c’est à dire exactement 45 minutes avant son entrée en vigueur effective. On ne peut pas admettre qu’une entreprise comme Total, qui annonce 14 milliards de bénéfices, supprime des emplois dans notre pays.
Ceci étant dit, évidemment, les deux cas sont très dissemblables.
Continental moins Hexagonal égale … ?
Continental est empêtré dans son rachat par son compatriote Schaeffler: le groupe familial croule sous les dettes, désormais incapable de financer seul une acquisition de plusieurs milliards d’euros. Il a demandé l’aide de l’Etat Allemand et prépare un nouveau plan pour la poursuite des activités.
Son choix de fermer 2 usines s’explique par la recherche de la compétitivité, les deux sites ayant des coûts de fonctionnement élevés. Continental pointe, par la voix de M. Nikolin, membre du Directoire, que « les coûts de fabrication à Clairoix sont 20% plus élevés que ceux d’une autre usine française similaire, à Sarreguemines ». On se demande alors pourquoi ils ne relocalisent pas toutes leurs activités là bas !
Enfin, l’émotion est d’autant plus vive qu’il y a 3 ans, les salariés de Clairoix avaient accepté d’augmenter leur temps de travail pour garder leur emploi. Néanmoins, on notera que l’activité pneumatiques de Continental annonce des résultats positifs.
… la tête à Total !
Total, pour sa part, a certes annoncé 550 suppressions d’emploi mais Dirty Denys fait remarquer que la presse n’a pas lu correctement la stratégie annoncée par le groupe. Il s’agirait de moderniser et d’adapter son appareil industriel et de créer sur le long terme deux fois plus d’emplois.
Les 550 postes seront absorbés grâce à des reclassements internes, des départs à la retraite, des préretraites maison et un dispositif de dispense d’activité.
Denys en conclut que la presse se rapproche dangereusement du café du commerce, et que les torquemada de petite semaine devraient se rhabiller.
Il n’a pas entièrement tort, reste que Total compte bel et bien supprimer des postes qui seront « traités socialement » avec des dispositifs comme les préretraites ou les retraites, lesquels ont un coût réel pour la collectivité.
La Charte des entreprises citoyennes
Il ne s’agit pas ici de dire qu’il y a des « méchants » et des « gentils », ce serait trop simpliste. Mais il y a lieu de constater que la décision économique rationnelle aujourd’hui fonctionne en défaveur des salariés, et plus exactement des salariés de l’industrie. Le rôle de l’Etat est de modifier les paramètres contextuels de la prise de décision pour que les entreprises fassent supporter leurs efforts ailleurs que sur les plus faibles. La casse sociale se terminera sinon en casse politique et ce sera la rue qui fera à sa manière l’ajustement…
Voilà pourquoi je serais favorable à ce que l’Etat édicte une Charte indiquant quelle doit être la bonne conduite, selon lui, d’une entreprise. Une Charte promulguée AVANT qu’on s’appuie dessus pour prendre éventuellement des sanctions. Parmi les points à débattre, il y aurait la question de savoir par exemple si une entreprise qui réalise des bénéfices sur le territoire peut impunément dégraisser. Une autre question serait de déterminer au nom de quelle urgence une entreprise ayant pris des engagements pour sauvegarder l’emploi peut revenir dessus ensuite sans risque, et ce dans quel laps de temps. Bref déterminer la ligne de partage entre l’entreprise-voyou et l’entreprise prise à la gorge.
Cette Charte aurait vocation à devenir européenne, afin de limiter les arbitrages tactiques sur le continent. Et une fois avalisée, chaque pays garderait sa liberté pour sanctionner telle ou telle ne respectant pas cette Charte.
Quand le social prend le Deuil, l’Economie embauche des pleureuses
Pour ma part, je serai d’avis de mettre ces entreprises sur une liste noire publique. Non seulement ces entreprises n’auraient droit à aucune aide d’Etat, mais en plus, la sanction associée à cette liste serait que leur logo ne pourrait pour l’avenir être utilisé, sur le territoire français, qu’obligatoirement en noir. Plus de belles couleurs pour égayer le printemps !
Il faut toucher le porte-monnaie des Entreprises mais de manière ciblée. Non pas par je-ne-sais quelle taxe mais bien via un poste de dépenses qui n’est pas négligeable pour une entreprise : la communication et son image.
Sous l’Ancien Régime, on flétrissait la peau des condamnés d’une fleur de Lys. Cette infamie là valait son poids d’années de galère. Dans le cas des entreprises sur liste noire, il s’agirait seulement d’une sanction temporaire, les obligeant à engager des frais énormes pour renouveler tout leur matériel de communication, et les pointant comme des entreprises non-citoyennes.
Histoire de faire réfléchir des entreprises un peu promptes à jouer avec une allumette dangereusement proche des stocks de mazout...
Alors OUI, NON ou BOF ? A vous de réagir !
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