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Protectionnisme : un jeu dangereux

Publié le 12 mars 2009 par Unmondelibre

Daniel Ikenson – Le 12 mars 2009. Le ralentissement économique mondial a fait rejaillir la menace du protectionnisme et quelques Etats ont déjà élevé leurs droits de douanes et érigé d’autres barrières commerciales. Mais en dépit d’alliances occasionnelles avec le protectionnisme, il semblerait pour l’instant que les traités commerciaux ainsi que le bon sens empêchent un raz de marée de nationalisme économique

Au milieu des promesses de modération de la part des grandes économies, l’Inde se distingue en ayant récemment augmenté ses droits de douane et mis en place d’autres restrictions sur des importations de produits sidérurgiques. L’Equateur a augmenté ses droits de douanes de 5 à 20 % sur 940 produits. Les restrictions commerciales de l’Argentine comprennent les pièces détachées automobiles, les textiles, les télévisions et les chaussures. Le gouvernement indonésien de son côté a demandé aux fonctionnaires de n’acheter que des produits nationaux.

Des actions similaires se sont déroulées dans d’autres pays et il ne fait nul doute qu’il y en aura davantage dans les mois à venir. Mais le risque d’une escalade dans le protectionnisme, jusqu’au point où il réduise davantage le commerce global, paraît relativement faible.

Avec la dissémination internationale de la production, des investissements et des projets, la compétition mondiale ne se voit plus à travers le prisme « nous contre eux ». C’est désormais une compétition entre des chaines logistiques mondiales qui produisent et distribuent des produits fabriqués avec des composants et du travail dans de nombreux pays différents. Les chaines logistiques qui réussissent sont celles avec les moindres contraintes, physiques et administratives, ce qui inclut les barrières commerciales.

Selon de récentes estimations de l’International Food Policy Research Institute (Institut International pour la Recherche sur les Politiques Alimentaires) aux USA, si tous les membres de l’Organisation Mondiale du Commerce augmentaient leurs droits de douane à leur taux maximal permis, le taux moyen mondial de droit de douane doublerait et le commerce international chuterait de 7,7 % sur cinq ans, après une croissance de 5,5% la dernière décennie. Pour remettre ces 7,7 % dans une perspective historique, le commerce mondial s’écroula de 66% entre 1929 et 1934, dans le sillage de la montée folle des protectionnismes lancée par la loi Smoot-Hawley aux USA en 1930.

Dans les années 30 il n’y avait pas de règles mondiales, pas de mécanismes de règlement de litiges, et pas de limites communément acceptées aux actions unilatérales des Etats. Par ailleurs il y avait à l’époque aussi bien moins d’électeurs organisés, avec une assise politique solide, contre le protectionnisme.

Aujourd’hui nous disposons de règles commerciales qui fonctionnent raisonnablement bien et une économie mondiale très différente qui rend les restrictions aux importations beaucoup plus coûteuses au pays qui les impose. La plupart des membres de l’OMC appliquent des taux tarifaires bien en dessous des taux requis ou limites, ce qui constitue une bonne indication que les Etats ne s’intéressent que peu au passé protectionniste.

On découvre aujourd’hui une éclosion de coalitions d’électeurs, dans de nombreux pays, qui sont favorables à des droits de douanes plus bas parce que leur mode de vie dépend de l’accès à des matières premières, des composants , ou des équipements en capital qui sont tous importés. Lorsque les Etats élèvent les barrières tarifaires, ils DETER l’investissement étranger et réduisent l’attractivité de leur pays en tant que localisation pour la recherche, la production, ou pour des opérations d’assemblage dans le processus de la chaine logistique.

Cette dynamique est encore pus facile à apprécier lorsque l’on considère que 55 % de la valeur totale des importations américaines en 2007 consistait en des matières premières, des biens intermédiaires et des équipement en capital – c’est à dire le genre de produits achetés par les secteurs de la construction et de l’industrie. De ce point de vue, il est d’autant plus évident que les droits de douanes augmentent les coûts de production, ce qui sape la croissance économique – ou, actuellement, la reprise économique.

Le Mexique par exemple a très bien compris cela. En janvier il a commencé à baisser ses taux de droits de douane sur à peu près 70 % de ses listes douanières planifiées. Ces 8000 articles couvrant vingt secteurs industriels différents pesaient pour près de la moitié de la valeur des importations mexicaines en 2007. Les objectifs sont de réduire les coûts opérationnels des entreprises, d’attirer et maintenir l’investissement étranger, d’augmenter la productivité et de fournir aux consommateurs des biens et services plus nombreux, de meilleure qualité et meilleur marché.

Le Mexique n’est pas le seul dans ce cas. En février, le Brésil a suspendu des droits de douane entièrement sur certains biens en capital et réduit les droits à 2% sur une large gamme d’équipement en capital, y compris les TIC.

Certains analystes sont moins préoccupés par les barrières douanières que par un protectionnisme camouflé qui favorise les « champions nationaux », décourage la concurrence et encourage les slogans du genre « Achetez local ». Ils ne craignent donc pas un protectionnisme du type de celui des années 30, entrainant des guerres commerciales de représailles, mais plutôt un protectionnisme du type de celui des années 70, avec une intervention publique qui limitera les choix, étouffera la concurrence et étranglera la croissance.

Ce type de protectionnisme s’observe déjà, et parce qu’il est plus opaque, il est plus susceptible de donner lieu à des excès. Mais, comme les droits de douane, ces types de politique ne sont pas soutenables parce qu’elles vont saper le commerce international, l’investissement et la croissance économique.

Les Etats qui stimulent l’innovation et la concurrence offrent à leur peuple la meilleure occasion de reprise dans notre économie mondialisée.

Daniel Ikenson est analyste au Cato Institute. à Washington DC.


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