Cette nuit, Frankie a rêvé qu'elle était le petit chaperon rouge et qu'elle rencontrait le grand méchant loup au coin du bois... (aucune histoire coquine à l'horizon pour ceux qui frétillent à l'avance.) Elle s'est réveillée en riant : elle avait mis K.O. le vilain qui voulait la manger.
Frankie a ouvert sa fenêtre pour découvrir qu'il faisait "grand beau", puis a ouvert la fenêtre du web et là, les amis, c'était la tempête ! C'est à ce moment-là qu'elle a saisi les effets à retardement de son rêve.
Et elle voit rouge, la muchacha. Informations tronquées, juste ce qu'il faut pour nous faire croire qu'on est intelligent et qu'on a tout compris. Des couleuvres tellement grosses qu'on se demande encore comment on peut les avaler.
On voit défiler le nom de ces pays lointains qui n'évoque que guerres ethniques, violence et barbarie, pot-pourri de misère que l'on entretient à coup de contrats juteux, en félicitant secrètement les bourreaux tant que cela peut servir les intérêts de nos sociétés évoluées. On nous désigne les méchants, en vantant les louanges des guerres d'intérêt général qui ne servent qu'à cautionner les trafics en tout genre.
Ici, à Paris, on voit le nombre de tentes des sans-abri augmenter, le nombre de repas gratuits augmenter, le nombre d'appels au Samu Social augmenter, le nombre de gens qui travaillent et n'ont pas de logement augmenter, l'indifférence et l'intolérance augmenter... On ne veut pas des vieux parce qu'ils sont encombrants, et on ne veut pas non plus des jeunes parce qu'ils sont embarrassants. La misère, ça la fout mal, alors on la repousse le plus loin possible pour qu'elle ne soit plus le rappel flagrant de nos incompétences.
A tel point que l'on est en droit de se demander si les minorités d'ici ou de là-bas intéressent encore quelqu'un ? N'est-il plus possible d'aimer les êtres qu'ils soient chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes, ou n'importe quoi d'autre, sans être taxée dans le meilleur des cas de "naïve un peu sotte", et dans le pire des cas de mots se terminant en "phobe". Ne peut-on se sentir proche d'un peuple qui souffre qu'il soit arabe, juif, tibétain, etc. (la liste est si longue que cela en devient vertigineux), sans subir le rappels sentencieux des enjeux économiques planétaires, avec obligation de "choisir son camp". Ne peut-on s'insurger sur le temps qu'il a fallu pour reconnaître l'esclavagisme sans être apparenté à quelques excités. Ne peut-on évoquer tous les génocides sans qu'il nous soit rappelé que l'Holocauste est la seule référence de l'Histoire en la matière. Parce que bien évidemment les génocides antérieurs et postérieurs ne sauraient lui être comparés. Cent, dix mille, un million, cinq millions.... Doit-on chiffrer la douleur ? Ne peut-on se révolter pour les uns, reconnaître l'infamie subie par les autres, sans se sentir coupable d'éprouver de la compassion pour tout le monde... Ne peux-t-on tout simplement pas s'exprimer sur un sujet de l'ordre de l'humain sans être taxé de "démago" ou bien que nos propos soient évalués en termes politiques... Compassion, altruisme, respect des autres en particulier et respect de la vie en général, ne seraient-ce pas là les qualités premières de tout être humain, quelque soit sa confession, son origine ethnique ou sa culture ?
Or, à chaque scandale, nous baissons la tête un peu plus. Nous la fermons parce que c'est l'époque du "politiquement correct" laissant ainsi une poignée d'imbéciles ouvrir leur gueule pour ne rien dire. C'est ça le bien fondé de nos super démocraties : des tas d'interdits mineurs qui finissent par nous museler pour de bon. Y a-t-il encore des insensés pour penser que la politique ou la religion va changer ce monde ? Asséchées, taries, nos deux institutions, vidées par trop de mensonges, trop de bla bla... perverties par de faux-prophètes bardés de faux diplômes. Notre incapacité à nous remettre en question sur le plan individuel va nous laminer et nous ne pourrons accuser personne : ni la droite, ni la gauche, ni les extrêmes de tous bords, ni les boucs émissaires en tout genre.
La vie doit-elle se résumer à cette éternelle transgression de notre humanité et masquer la pire des vérités : celle d'une espèce à qui l'on a accordé la raison et qui, jour après jour, nous démontre à quel point elle en est dépourvue. Nos minables carcasses nous semblent si précieuses alors que notre vision même du monde est erronée. Au final, nous sommes devenus ignorants à force d'apprendre. Rien ne semble changer dans la destinée des hommes : nous continuons envers et contre tout à lutter pour survivre sans prendre garde à qui nous blessons ; nous continuons à nous entretuer pour des motifs qui n'ont rien de nobles, et quand bien même les guerres cesseraient, nous trouverions encore le moyen de nous anéantir.
Serons-nous un jour capable de descendre dans la rue, non pas pour défendre nos petits intérêts personnels, non pas pour fêter les héros du stade, mais pour dire : STOP ! Stop à ce monde qui ne prend même plus le temps de s'arrêter pour tendre la main aux laissés-pour-compte.
Si nous n'y arrivons pas, alors oui, le grand méchant loup à visage humain, après avoir joué l'aubade sous nous fenêtres, finira par tous nous dévorer au coin du bois, le soir venu... et ce sera tant pis pour nous !