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Interview d’Arnaud Poissonnier

Publié le 12 mars 2009 par Sia Conseil

Après avoir passé la majeure partie de sa carrière dans l’univers bancaire traditionnel, Arnaud Poissonnier a créé en 2008 le site internet Français BABYLOAN.org, afin de promouvoir le micro crédit solidaire à destination des pays du sud.

Pouvez nous nous présenter le concept de Babyloan ?

Babyloan est le premier site Internet français de peer to peer de micro crédit dans les pays du Sud.

Le principe est simple : vous choisissez parmi les projets en ligne le bénéficiaire de microcrédit auquel vous prêtez la somme de votre choix, comprise entre 20 et 2000 euros.

La somme versée est transférée par Babyloan à l’IMF (Institut de Micro Finance) locale via les circuits de la Bred.

Babyloan travaille pour l’essentiel avec des IMF référencées par les ONG (Organisation Non Gouvernementale), ayant obtenu un rating externe positif. Celles-ci sélectionnent les projets, en respectant le taux de 80% de femmes bénéficiaires et le caractère moral des projets (pas de ventes d’armes, de produits illicites…).

Les projets sont très variés, il s’agit par exemple d’achat de bétail, de semences ou le financement de l’ouverture d’une boutique ou d’un stand sur un marché pour les petits commerçants.

Pendant toute la durée du crédit chaque parrain reçoit des nouvelles du projet financé et de son bénéficiaire. Il s’agit d’un prêt gratuit, à l’échéance du crédit le prêteur est re-crédité de la totalité de la somme et peux alors choisir de financer un nouveau projet ou de récupérer la somme.

Nous constatons que le prêt moyen est de 41 € et chaque prêteur investit en moyenne 53 €.

Babyloan a également une vocation pédagogique, il s’agit d’un site communautaire où les membres peuvent échanger, s’informer, il s’agit d’un outil de sensibilisation aux problématiques de développement des pays du Sud et aux enjeux de la micro finance.

Pourquoi avoir choisi un modèle avec des emprunts destiné exclusivement aux pays du Sud et sans intérêts (au contraire de sites comme MyC4 par exemple) ?

En effet la demande de micros prêts en France est très importante mais le blocage vient essentiellement de la règlementation. Les associations de micro finance en France sont habilitées à exercer une activité bancaire (bien que n’étant pas des banques) car elles bénéficient d’une loi dérogatoire qui lui permet d’aller chercher des ressources auprès de fonds ou des banques. Par contre l’ADIE ne peut se financer auprès de particuliers.

De plus nous avons choisi un business model « prêt sans intérêts » puisqu’en France seules les banques sont habilitées à prêter avec intérêt.

Le peer to peer lending rémunéré n’est donc pas envisageable sans évolution de la règlementation actuelle, il s’agirait alors de s’attaquer au monopole bancaire…

De plus notre démarche est avant tout solidaire, il nous est donc apparu naturel de ne nous orienter vers les prêts non rémunérés.

D’autres services sont-ils à l’étude, tels que la micro-assurance, la donation?

Nous n’avons pas de produits de micro-assurance en vue, il s’agit d’un tout autre métier, bien que souvent complémentaire au micro crédit. La donation n’est pas non plus à l’étude, nous avons choisi un système de prêt car il s’agit d’un modèle vertueux, plus respectueux de la dignité des personnes et qui responsabilise davantage.

Quels sont les avantages du peer to peer par rapport à d’autres canaux ?

La transparence est l’atout majeur : le prêteur choisit le bénéficiaire, suit l’évolution du projet et mesure directement l’impact de son aide.

Nous avons par ailleurs un positionnement tout à fait différent et complémentaire de celui des ONG. En effet, un grand nombre de prêteurs babyloniens sont des internautes trentenaires, n’ayant jamais effectué de donation auparavant. Il faut également noter qu’un mécanisme sans intermédiation bancaire est moins couteux.

La crise économique constitue t-elle un risque majeur pour les acteurs de la micro finance et le peer to peer?

En effet le taux de défaut est en nette augmentation. De plus les IMF sont victimes, dans certaines zones, de la concurrence : il est en effet parfois difficile de savoir si un bénéficiaire rembourse son prêt grâce aux fruits de ses activités ou s’il a souscrit un autre micro crédit pour rembourser ses autres prêts …

Nous devons donc être d’autant plus vigilants sur le choix des IMF partenaires car dans notre modèle c’est l’IMF qui supporte le risque de crédit, elle octroie le crédit à un faible taux au bénéficiaire et s’engage à rembourser au prêteur en cas de défaut.

Votre ambition est de réunir, à l’horizon de 3 ans, 100 000 membres prêteurs et de financer des encours de microcrédit de l’ordre de 10 000 000 d’euros. Quels sont vos leviers pour y arriver ?

Tout d’abord il s’agit d’étendre le scope des « prêteurs », à l’ensemble des pays du Nord, en commençant par l’Italie où les discussions sont bien avancées, et aux entreprises et institutions. Pour ces derniers la règlementation est à adapter.

Nous souhaitons en parallèle élargir le scope des pays destinataires, parmi les pays à l’étude nous pouvons citer le Maroc, la Tunisie, l’Equateur, les Philippines…

Cette démarche s’accompagne d’une accentuation des efforts de communication et du développement de notre stratégie marketing afin d’accroître au maximum la visibilité du site.

PARCOURS

Arnaud passe entre 1993 et 2005, douze ans dans le monde de la banque privée à Paris successivement à la banque de Baecque Beau, Merrill Lynch et OBC (groupe ABN Amro) en tant que directeur du développement.

Associé en 2004 par un partenariat de compétence au développement des activités d’OXUS, la branche micro crédit de l’ONG française ACTED, il quitte la banque fin 2005 pour structurer une année durant le réseau d’Institutions de micro finance OXUS.

En 2006, il crée, le cabinet CEOFFICE, un family Office spécialisé dans l’accompagnement de quelques « serial entrepreneurs » fortunés tout en continuant à consacrer une grande partie de ses activités au groupe OXUS.

En Février 2008, et en partenariat avec la BRED, ACTED et le Crédit Coopératif, il crée la société ABC Micro Finance, fer de lance de ce qui sera le premier site Internet français de micro crédit solidaire à destination des pays du sud : le site BABYLOAN.org. (http://www.babyloan.org/theteam.aspx)


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