Magazine Humeur

Spartacus

Publié le 12 mars 2009 par Jlhuss

par Makhno

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Pour demain nos enfants pâles

Un mieux, un rêve, un cheval” (chantait Alain).  Pas  le philosophe. L’autre. L’ami du président (à ce qu’on dit).

Bref (c’est pas pour me vanter), mais si on m’avait dit, du temps que j’entrais dans la “carrière” (alors que mes aînés y étaient encore), qu’un jour je me retrouverais “propriétaire” … et d’un cheval, en plus… Je serais probablement “mort de rire” et dans le fond, avec le recul, je me dis que c’est pas plus mal que je sois resté alors, dans l’ignorance complète d’un avenir aussi stigmatisant aux yeux du “populaire minier”, dont je faisais partie.

Je vous passe les détails et j’en arrive à ce jour du mois de juin 2007.

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Comme chaque matin depuis bientôt deux ans, je retrouve Marcel à la porte de l’écurie, nous venons ensemble nourrir les chevaux d’une petite écurie qui ne doit sa survie qu’au bénévolat. La routine quwo. Sauf que ce jour là, juste avant d’ouvrir les portes, le bruit d’une cavalcade effrénée de “l’autre côté”, nous avertit qu’il se passe visiblement des “choses” à l’intérieur. Marcel résume immédiatement et de manière concise la situation par une de  ces formules percutantes (dont il a le secret) : “Ah! Ben ! Merde alors !”

N’effet ! A peine avons nous pénétré l’endroit, que le “carnaval” nous apparaît dans toute sa splendeur étincelante. Cinq ou six “ongulés frénétiques” parcourent la cour en tous sens sous nos yeux ébahis, distribuant généreusement ruades et coups de pieds alentour. Avis aux amateurs !

“Ah ! Ben ! Merde alors !”

“Comme tu dis Marcel !”

Finalement, les choses se calment, nous reprenons la main (non sans mal) et chacun regagne sagement son boxe. Ouf ! Quand même ! C’est pas croyable ! Qu’un cavalier (une cavalière, plus sûrement), oublie de vérifier la bonne fermeture de sa porte, passe encore, mais cinq ou six d’un coup ??? C’est pu de la négligence, c’est une conspiration, va falloir qu’on remette les i sous les points.

Une semaine se passe. Pu rien à signaler. Malgré tout : “on fait gaffe” en ouvrant le matin. Et on a bien raison !

“Ah ! Ben ! Merde alors ! Re belote et dix de der ! Ça recommence !” Cette fois, le doute n’est plus permis : “ON, nous en veut !” Assemblée générale de tous les proprios. La paranoïa s’en mêle ! Chacun  y va de son hypothèse et le nombre des “malfaisants potentiels évoqués” devient vite impressionnant. Faut faire quelque chose ! Mettre des cadenas à chaque porte, des détecteurs de présence, mais surtout, et pour commencer, établir un “tour de garde” (comme chez les pharmaciens, rien de moins). Et c’est comme ça que je me retrouve avec le “camarade Marcel” à “monter la garde”, une belle nuit de juin, dans le “club house” (ou ce qui en tient lieu), prêt à tout (ou presque).

On n’imagine pas le bruit que ça peut faire une quinzaine de chevaux dans une écurie la nuit. Froissements de paille (forcément), mais aussi, chocs contre les murs, les portes, les mangeoires, les “pierres à sel” qui valsent, les ébrouements, cétéra, cétéra…  A s’demander si ça dort parfois un cheval.

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Et puis : “Glonc !” Ce bruit là, on peut pas le confondre, je l’ai déjà entendu des milliers de fois, c’est le bruit  que fait la barre en frappant sur son “arrêt” et salue toute ouverture réussie d’une porte de boxe. “Marcel !!! Oh ! Marcel !” chuchote-je (un peu fort à cause de la trouille), à l’adresse de mon coéquipier d’un soir. “Y z’ont ouvert une porte !”

“Qui ça Y ?”

“????”

“Allons z’y voir de plus près et oublie pas ton nerf de boeuf ! On sait jamais !” dis je, prudemment (vous me le concéderez  j’espère).

Pas plus rassurés que ça (j’voudrais vous y voir), on s’avance sans faire de bruit (tu m’étonnes), persuadés que nous allons surprendre l’intrus en flagrant délit.

“Tu vois comme moi Marcel ?”

“Ah ! Ben ! Merde, alors !”

Un cheval (pour le moment, on ne l’a pas encore bien identifié), est déjà sorti de sa “taule” et semble fort s’intéresser au système de fermeture du boxe de son voisin.
Re “Glonc !”.
Pas de doute, le “malfaisant”, eh ben ! C’est lui !
Sur le coup, on est tellement étonnés (pour ne pas dire plus), qu’on ne pense même pas à faire cesser immédiatement le manège et ça continue.
“Glonc !”, “Glonc !” Déjà quatre pensionnaires ont recouvré la liberté. Faut arrêter le “truc” tout de suite et  tuer dans l’œuf la révolte qui gronde, avant que la chienlit ne s’empare à nouveau du pavé de la cour. Dieu sait, s’il existe, dans quel but inavouable.

Comme dans toutes les histoire qui finissent bien (selon “l’idéologie dominante“), “force resta donc à la Loi” qui veut qu’un cheval domestiqué digne de ce nom, dorme la nuit dans l’endroit prévu à cet effet (par la société capitaliste, entre autres), sans semer le bordel partout et sans inciter surtout ses congénères à abuser d’une liberté indue et pour tout dire “contre nature”. Ouf  !

De ce jour, bien entendu, le rebelle fut rebaptisé illico “Spartacus” en souvenir du gladiateur thrace qui  mena la “troisième guerre servile” et restera pour toujours l’icône des révoltés.

Il est courant de prétendre, notamment chez les gens qui les fréquentent peu (ou mal), que les chevaux ont un regard inexpressif, soit. Malgré tout, je ne suis pas prêt d’oublier celui de “Spartacus” quand il lui arrivait de croiser le mien. Pas de haine, ni de reproches dans ce regard là, juste un peu d’ironie, style : “et ça se dit libertaire et ça se fait appeler Makhno. Bravo camarade Iscariote !”

“Anthropomorphisme naïf” me direz vous. Sans doute. Quoique.

Makhno

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