Depuis plusieurs années, Alain Dubois s’investit dans la cause du jeu compulsif. Au Québec, il a été un des premiers à développer des outils d’information sur le jeu, accessibles à tous, et à dénoncer publiquement les agissements de Loto-Québec dans les différents médias de la province. Alors qu’un important recours collectif contre la société d’État s’est amorcé en septembre, il se questionne plus que jamais sur l’honnêteté de Loto-Québec et sur la promotion de la culture du jeu.
Alain Dubois s’intéresse à la cause des joueurs pathologiques
À la fin des années 1990, il y avait peu de recherches sur le jeu compulsif. Aucun site Internet québécois n’en discutait ouvertement.
Intéressé par le sujet, Alain Dubois s’implique. D’abord sur le site web du syndicat d’un centre public de réadaptation pour alcooliques, toxicomanes et joueurs compulsifs.
Loto-Québec met des bâtons dans les roue
M. Dubois voulait concevoir un outil qui rassemblerait l’ensemble des acteurs impliqués dans le domaine (joueurs, chercheurs, spécialistes, etc.). Jugeant que plusieurs des éléments contenus dans le site (critique de chercheurs subventionnés par Loto-Québec, aide bénévole en ligne…) étaient incompatibles avec des activités syndicales, le centre est rapidement intervenu pour mettre fin à cette initiative novatrice.
Alain Dubois répond par les armes… du web!
Il en faudra plus pour freiner l’élan de M. Dubois. En 2002, il fonde jeu-compulsif.info. Vient ensuite la création de la coalition de citoyens préoccupés par le manque d’éthique de Loto-Québec, EmJEU.com. «Je restais très critique face à Loto-Québec et j’ai ressenti le besoin de prendre la parole publiquement. EmJEU m’a permis de le faire.»
Aujourd’hui, Alain Dubois est devenu un «expert» sur le jeu compulsif. Il a fait des centaines d’interventions médiatiques depuis le début de son implication.
Loto-Québec et la promotion du jeu
La promotion du jeu de hasard et des appareils de loterie vidéo (ALV) par l’État n’est un secret pour personne. Mais sait-on à quel point ces machines sont dangereuses pour les gens et comment Loto-Québec a de l’emprise sur le jeu? Selon Alain Dubois, le problème est présent à plusieurs niveaux.
Depuis la légalisation des jeux de hasard, le gouvernement du Québec a pris le contrôle de tout ce qui entoure l’industrie, y compris les appareils de loterie vidéo et autres machines à sous.
Loto-Québec, une société d’État honnête?
Sur 1 milliard 300 millions de profil annuel que génère le jeu au Québec, 800 millions proviennent des ALV. «La majorité des revenus de Loto-Québec viennent de citoyens qui éprouvent un problème de dépendance», affirme M. Dubois. Selon lui, Loto-Québec a même développé un moyen d’augmenter les profits des ALV. «Ils ont augmenté le taux de retour des machines qui est maintenant de 92%. Plus le taux de retour est élevé, plus Loto-Québec fait de l’argent, tout en augmentant, du même coup, le danger des appareils.» Les gens ont donc l’impression de gagner plus puisque la machine leur redonne de l’argent plus souvent mais en bout de ligne, cela les fait dépenser davantage.
Après toutes ces années d’implication, Alain Dubois ne croit plus à l’honnêteté de la société d’État. Surtout lorsqu’il est question d’études sur le «gambling» puisqu’elles sont souvent financées par Loto-Québec. La prévention, faite par l’industrie, comporte d’énormes lacunes. «Les campagnes de prévention faites par Loto-Québec ne sont pas efficaces», estime l’intervenant qui ajoute que la société d’État a les compétences pour créer de bonnes campagnes mais ne le fait tout simplement pas.
Brochu contre Loto-Québec: une cause à impact mondial
Le recours collectif contre Loto-Québec est une première. Selon M. Dubois, si Me Jean Brochu et son recours obtenaient gain de cause, l’industrie du jeu serait ébranlée partout dans le monde. «C’est un recours qui est surveillé internationalement. Advenant qu’il gagne, cela aurait des impacts importants, c’est une cause sans précédent.»
Le procès est loin d’être gagné. «Il s’agit ici d’un combat comme celui de David contre Goliath. Nous avons, d’un côté, Loto-Québec avec tout son argent et, de l’autre, une équipe qui a des moyens plus limités. De plus, même si le recours gagne, Loto-Québec ira certainement en appel.»
S’informer sur le recours collectif: ordonnance de non-publication
Le débat public sur le jeu, amorcé par des gens comme Alain Dubois depuis maintenant plusieurs années, s’accentue depuis le début du recours collectif. Même si M. Dubois ne prend pas part au recours, il a tenté de s’impliquer en offrant à la population un site Internet complet sur ce procès historique. L’information que l’on pouvait y trouver était beaucoup plus complète que ce qui est publié dans le peu de médias qui couvre le sujet. Malheureusement, à la fin octobre, le juge Gratien Duchesne a émis une ordonnance forçant l’auteur du http://recourscollectifbrochu.info à retirer les comptes rendus de son site. Désormais, seuls les médias parlés et écrits peuvent couvrir les audiences.
Reflet de Société, Vol.17, No 2, Février/Mars 2009, p.30-31