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Autorité parentale : Le diable de madame Boutin se cache dans les détails

Publié le 11 mars 2009 par Nicolas007bis

Barnabé

Quel tintamarre autour de ce qui n’est pour l’instant qu’un avant projet de loi "relatif à l'autorité parentale et aux droits des tiers" - dit "le statut du beau-parent".

Impossible de trouver ce texte dans sa dernière version, ni dans sa première d’ailleurs, donc obligé de croire ce qui en est dit dans la Presse ou sur les blogs. Heureusement, il y a une certaine concordance entre tous les articles que j’ai pu parcourir…euh …concordance sur les termes du projet mais évidemment pas sur son interprétation et sur les jugements qui sont portés !

La guéguerre Boutin/Morano n’est que la partie immergée de l’iceberg chaud bouillant qui agite la blogoboulle.

Pourtant, qu’est ce qu’il dit cet avant projet pour soulever tant de passions ?

Prive t’il un des parents de ses droits parentaux au profit d’un tiers ?
Met-il sur le même plan le « beau-parent» et les parents, ou dit autrement est-ce l’émergence d’une nouvelle «filiation sociale» comme le craignent les associations de familles catholiques ?
Pire encore, autorise-t-il l’adoption par un couple homosexuel ou autorise-t-il l’adoption de l’enfant d’un des 2 par son compagnon ou sa compagne ?

Eh bien, non ! rien de tout cela !

Si on en résume la teneur, ce texte donne la possibilité de partager l'autorité parentale avec un tiers par le biais d'une convention homologuée chez le juge aux affaires familiales et uniquement s'il y a un accord entre les parents biologiques.

Ces droits concernent les actes usuels du quotidien. Les actes dits importants, c'est-à-dire ceux qui engagent l'avenir de l'enfant (orientation scolaire, religion, santé, délivrance de titre d'identité) requerraient de toute façon l'accord des deux parents.

Ce texte s’adresse indifféremment à toutes les familles dites recomposées et son objectif est de leur faciliter la vie de tous les jours en rafraichissant la nature des liens juridiques entre l'enfant, ses parents et le tiers qui partage sa vie, tels qu’ils ont été définis dans la loi de 2002.

La définition du tiers en question a même été précisée : c’est celui «qui réside avec l'enfant et l'un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec lui». Jusqu’ici, rien de vraiment révolutionnaire et rien de choquant !

D’autant, qu’il faut rappeler que la loi sur l'autorité parentale de 2002 avait déjà pris ce genre de dispositions à travers l'article 377 du Code civil.

« Art. 377. - Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance »

« Art. 377-1. - La délégation, totale ou partielle, de l'autorité parentale résultera du jugement rendu par le juge aux affaires familiales.
« …Toutefois, le jugement de délégation peut prévoir, pour les besoins d'éducation de l'enfant, que les père et mère, ou l'un d'eux, partageront tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale avec le tiers délégataire. Le partage nécessite l'accord du ou des parents en tant qu'ils exercent l'autorité parentale »

Tout cela est donc déjà en vigueur depuis 2002. Alors certes, la procédure est simplifiée puisqu’il « suffira » de demander au juge d'homologuer une convention de partage de l'autorité parentale sur laquelle toutes les parties se seront entendues, mais fondamentalement rien de nouveau. Il y aura toujours nécessité d’un accord entre les 2 parents biologiques, le juge sera toujours là pour s’assurer que la convention se fait bien dans l’intérêt de l’enfant et celle-ci ne remettra pas en cause la responsabilité des 2 parents !

En fait, la controverse porte essentiellement sur 2 points différents mais néanmoins très liés.

Le premier dénoncé par les associations familiales consiste à dire qu’avec ce texte, c’est la notion même de famille qui est remise en cause. En diffusant l’autorité parentale à un tiers, on dénature la notion de famille en y introduisant un élément étranger et on risque de créer de la confusion dans l’esprit de l’enfant. De plus, cette attribution de l’autorité à une troisième voire même quatrième personne contribue à diluer l’autorité parentale et en conséquence à déresponsabiliser les parents biologiques.

A cela je répondrais quand même 3 choses :

Primo c’est que, sur ces points, ce texte n’est pas vraiment novateur par rapport à la loi sur l'autorité parentale du 4 mars 2002. Déjà les parents pouvaient faire le choix de déléguer une partie de l’autorité parentale à un tiers.
Secundo c’est que ce texte ne fait qu’essayer d’adapter la loi à une situation qui existe déjà dans les faits et depuis plusieurs années. Des enfants qui vivent avec un « beau-père » ou une « belle-mère », il y en a une palanquée !...en quoi le fait de donner à celui-ci ou celle-ci les moyens de mieux vivre cette situation, change t’il fondamentalement les choses vis-à-vis de la notion de famille ou vis-à-vis de l’enfant ?
Tertio, ce n’est pas d’une réelle autorité parentale dont pourrait bénéficier le « tiers » puisqu’elle ne concernerait que les actes « usuels du quotidien », les actes dits importants restant du ressort exclusif des 2 parents !

Le deuxième point, qui explique l’essentiel des véhémentes réactions, tient dans la phrase suivante située dans l’exposé des motifs du texte: sont concernés les « 2 millions de familles recomposées, les 3 millions de foyers monoparentaux » et les 30 000 enfants qui « vivraient, selon les estimations de l'Institut national d'études démographiques (Ined), dans un foyer composé de deux adultes de même sexe » !!!

« … deux adultes de même sexe" !!!!...vade retro satanas !!!!

Tout est là ! …contrairement à la Loi de 2002, les couples homosexuels sont expressément cités comme potentiellement bénéficiaires de la loi. D’autant plus que, volontairement, les termes de « père » et « mère » initialement évoqués dans le texte et présents dans la loi de 2002 ont été remplacés par le terme asexué de « parent » !

Cette phrase a été interprétée comme une reconnaissance des couples homoparentaux, un premier pas vers une équivalence des droits avec les couples hétérosexuels et donc un doigt dans l’engrenage rosé qui mène au mariage et à l’adoption par des couples homosexuels.

Je ne disserterai sur l’adoption des enfants par des couples homosexuels, je n’y suis pas vraiment favorable comme d’ailleurs je ne suis pas favorable à l’adoption par une personne seule, non je n’insisterai pas là-dessus parce que ce n’est pas vraiment le sujet !

Le texte n’évoque en aucun cas l’adoption, il ne fait que constater un état de fait. Il y a un certain nombre de couples homosexuels qui vivent avec l’enfant de l’un ou de l’autre.

La loi, comme souvent, ne fait que s’adapter à une réalité, à un phénomène, qu’elle ne va ni renforcer ni contrecarrer mais accompagner…de loin !

Permettre, dans l’intérêt de l’enfant (n’oublions pas que le juge est censé décider sur cette base), au couple qui de fait, élève l’enfant, de s’organiser pour simplifier sa vie de tous les jours, me parait une bonne initiative et que le couple en question soit hétéro ou homosexuel n’est pas la question.

De toute façon, la possibilité de déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, introduite par la loi de 2002, a déjà été reconnue par la jurisprudence (Cass. 1ère ch. civ, 24 février 2006) pour les couples homosexuels lorsque les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'intérêt de l'enfant.

Donc vraiment rien de nouveau à attendre sur ce point !

Alors pourquoi tant d’émoi face à un texte que le gouvernement voulait pourtant extrêmement consensuel ?

Il avait été pensé pour satisfaire les associations homosexuelles en évoquant expressément leur cas mais sans toucher au sujet qui fâcherait une grande partie de la droite qui est l’adoption.
Manifestement cette manière de ménager la chèvre rose et le chou traditionnel ne satisfait personne.

Avec d’un coté les associations homosexuelles qui considère le texte insuffisant car ne traitant pas de l’adoption et de l’autre les associations familiales, traditionalistes, religieuses qui crient à la disparition d’un des piliers de notre société qu’est la cellule familiale !

En fait, dans ce texte le diable de madame Boutin se cache dans les détails !

Il me semble en effet que la raison tient essentiellement aux termes utilisés.
Le texte, en évoquant le « partage de tout ou partie de l'exercice de cette autorité (parentale) avec un tiers » crée un amalgame, fâcheux à mon sens, entre autorité parentale et droits du tiers. On peut comprendre l’objectif de ce texte de permettre au tiers en question d’assumer quelques responsabilités vis-à-vis de l’enfant dans divers actes de la vie quotidienne mais devait-on pour autant parler « d’autorité parentale » ?

Ce terme crée une ambigüité, en laissant croire que le tiers obtient de facto le statut de parent, ce qui n’est pas le cas !...il eut mieux fallut utiliser un autre terme pour définir les droits accordés au tiers : autorité d’éducateur, de protecteur de je ne sais pas quoi mais pas autorité parentale !

Si on ajoute à cela, cette évocation, à mon sens inutile, de « foyer composé de deux adultes de même sexe » qui accolée à la notion de parent allait nécessairement en faire bondir plus d’un, on obtient tous les ingrédients nécessaires à l’éclosion d’un bon gros, stérile mais enflammé débat dont la France a le secret !!!...et tout ça pour un texte qui n’est qu’un pâle remake de celui de 2002 !!....alors là je dis quelle maladresse !.... bravo madame Morano !!!


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