Nouvelle controverse autour de l'Église catholique, avec l'excommunication d'une équipe médicale et d'une femme à Recife, au Brésil, pour avoir fait avorter la fille de cette dernière, âgée de neuf ans et violée à plusieurs reprises par son beau-père.
Bien que n'étant pas catholique, je goûte assez peu, c'est le moins qu'on puisse dire, à l'anticléricalisme fanatique qui sévit en France depuis deux siècles, et qui, sous couvert de laïcité, demande à l'Église de France de cesser d'exister, en la tournant en dérision et en caricaturant toutes ses positions.
Cela a été le cas lors de l'« Affaire Williamson », où des personnes peu scrupuleuses des faits ont essayé de faire passer la levée de l'excommunication du négationniste pour un blanc-seing du Saint-Siège à l'égard de ses déclarations, certes détestables.
Je n'ai donc pas été étonné de voir la blogosphère s'engouffrer comme un seul homme dans la condamnation de l'Église, qu'elle ne semble connaître que pour la pourfendre.
Comme je n'éprouve aucun intérêt pour le conformisme idiot, j'ai préféré m'intéresser à la réaction de la « cathosphère », et notamment de trois de ses membres éminents en France, à savoir Koz, Le Chafouin et Polydamas. Comme l'a rappelé le second, non seulement, la fillette ayant été violée et sa vie même étant menacée par la grossesse, cet avortement n'était pas contraire à la loi brésilienne, très restrictive en matière d'avortement, mais il y avait là un impératif humain. L'Église catholique n'aurait rien renié de sa condamnation de l'avortement en préférant épargner la vie de la mère.
Les causes de cette rigidité ecclésiastique évoquées par les trois blogueurs sont d'ordre théologique. L'avortement, défini comme un meurtre, est considéré comme « plus grave que le viol ». Et c'est pourquoi le beau-père n'a, lui, pas été excommunié, alors qu'il est à l'évidence responsable au premier chef de l'avortement.
Je l'ai dit plus haut, je ne suis pas catholique, même si je visite une cathédrale avec la même ferveur que celle qui me saisit quand je me recueille sur le tombeau de l'Empereur, aux Invalides, ou que je médite sur la gloire déchue de la France, à Versailles. Et si j'admets, comme le législateur brésilien, que l'avortement est légitime quand il y a viol ou risque de décès pour la mère, je suis également d'accord avec l'Église pour dire qu'il y a vie dès la conception. Mais ma position, ici, n'est donc pas religieuse, mais bien politique, et j'en arrive au cœur de mon analyse.
Il ne me semble pas tout à fait anodin que cette affaire ait eu lieu au Brésil, où un assouplissement de la loi sur l'avortement est envisagé. La fermeté de l'évêque de Recife doit être interprétée comme un rappel de la position intransigeante de l'Église en matière d'avortement, mais aussi, dans un second temps, comme une crispation face au succès des églises évangéliques au Brésil et dans toute l'Amérique latine, qui se fait à ses dépens. Car si le Brésil du président Lula envisage d'assouplir la loi sur l'avortement, c'est aussi parce que l'influence de l'Église catholique dans la société brésilienne s'est amoindrie. Cette menace sous-tendait d'ailleurs la visite de Benoît XVI au Brésil, en mai 2007. Si le centre de gravité de la catholicité est passé de l'Europe à l'Amérique latine, c'est sur le sous-continent, et en particulier dans son pays le plus peuplé, le Brésil, que la concurrence des églises évangéliques fait rage.
Reste à savoir si l'Église catholique pourra conserver son influence dans la société brésilienne en interprétant littéralement le dogme, plutôt qu'en faisant preuve de compréhension à l'égard de ceux pour qui l'avortement a été un « moindre meurtre ».
Roman Bernard
Criticus est membre du Réseau LHC.