En 1974, Jean Eustache tournait Mes petites amoureuses, en grande partie à Narbonne, et avec une majorité d'acteurs amateurs engagés sur le tas dans cette ville de l'Aude. Trente ans après, le réalisateur Henri-François Imbert boit un pot à Narbonne, croise un type qui ressemble à Eustache, et fait connaissance avec l'homme qui l'accompagne, un nommé Hilaire Arasa. Coïncidence, Hilaire était l'un des ados de Mes petites amoureuses. Un type attachant, qui donne à Imbert l'envie de faire un documentaire sur lui, sur Narbonne en 74, sur Eustache et son film. Une genèse particulière pour un film qui ne l'est pas moins : si Le temps des amoureuses est une oeuvre agréable, tour à tour poétique, drôle et rafraichissante, on peine à saisir les intentions réelles du réalisateur.
Outre quelques moments assez touchants (la séquence d'ouverture, filmée dans une voiture, est vraiment très belle), le principal intérêt du Temps des amoureuses est son évocation de Jean Eustache, cinéaste dont on sait finalement assez peu de choses. Au détour de quelques photographies ou anecdotes extrêmement courtes, Imbert recueille quelques informations, qui concernent notamment le tempérament de l'artiste (patient et paisible avec ses acteurs, parfois abominable avec le reste de l'équipe). Le portrait n'ira jamais bien loin : curieusement, comme obsédé par l'idée de faire un film "différent", Imbert préfère aller filmer Hilaire au café, Hilaire qui répète avec son groupe, Hilaire qui chante sur scène... Un type sympathique mais somme toute assez ordinaire, qui écrit des chansons affreuses et démago en caressant (bien qu'il affirme le contraire) le rêve d'être un jour reconnu pour sa musique.
Il y a dans Le temps des amoureuses un travail intéressant sur le vieillissement et la perte des illusions. Mais pourquoi avoir choisi Hilaire et ses copains plutôt que n'importe quel autre échantillon de la population ? Bonne question. La fascination d'Imbert pour ce personnage restera un mystère, et son amour d'Eustache et de ses films n'est pas plus communicatif. Les déclarations de Jim Jarmusch, fan ultime du cinéaste, sont bien plus engageantes que ce film semblant passer volontairement à côté de son sujet.
5/10
(également publié sur Écran Large)