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Le calvaire (1)

Publié le 11 mars 2009 par Didier54 @Partages
Je n'avais encore jamais vu de corps en décomposition. Autant dire que je n'ai pas traîné. Comme en apesanteur. J'étais pourtant passé par là des dizaines et des dizaines de fois, avec ou sans appareil photo, avec ou sans vélo. Je ne sais pas ce qui, cette fois, m'avait plus attiré l'oeil. Derrière dfougères, je me rapprochai et sursautai, fit quelques pas arrière, désertai ensuite l'endroit comme on se casse vite fait d'un endroit où on ne devrait pas se trouver. Je n'avais évidemment pas l'intention de m'éterniser-là. Alors quand le flic m'a dit de revenir avec lui, j'ai regretté mon coup de fil. C'était logique qu'il me demande ça, l'adjudant. Comme c'était logique que j'ai appelé la police pour signaler la découverte d'un corps.
Pas tous les jours que dans cette campagne, et cette forêt, on faisait ce genre de découverte.
- Monsieur, vous ne bougez pas, nous arrivons ! Je n'avais pas eu le temps de raccrocher que quelques mots seulement m'avaient comme menotté. Je patientai donc, fébrilement, prêt au moindre sursaut dés que mes yeux osaient se poser quelque part. N'osaient pas, ceci dit. Le corps était derrière moi, je l'avais laissé au plus loin possible, et j'avais aussi l'impression que le mien également était derrière moi.
Je trouvai évidemment le temps long, surtout que les gendarmes m'appelèrent deux fois entre temps pour essayer de cerner au juste où j'étais.
J'en en entendais un gromeller, un truc du genre : Fallait que ça tombe sur nous ! Quelque chose de ce goût-là.
Finalement, ils finirent par arriver.
Je reçus l'information avec soulagement. Par réflexe, j'avais même fait quelques mouvements de main en apercevant leur voiture, un peu comme on salue la bateau qui arrive au port. Sauf que là, j'étais dégoulinant de peur, en lisière de forêt, effrayé par un corps qui devait séjourner ici depuis un bail à en juger par l'odeur et qui soudainement se mettait presque à me parler bien qu'il ne fut visiblement pas en état de le faire. Je ne savais même pas si c'était un homme ou une femme. Ce qu'il en restait. Je pensais à la vie qui habitait là-dedans, naguère.
- Il est où ? Me demanda sans plus de salutations que ça un des deux représentants de l'ordre, un petit nerveux, à moustache. Je me souviens de la moustache parce que plus grand monde n'en porte, des moustaches.
- Euh... Qui ? Je demandai, m'excusant de mon absence totale de cerveau mais c'était ainsi depuis une bonne heure maintenant. J'avais même trouvé moyen de faire un saut de six mètres au moins parce qu'une mouche s'était posée sur mon bras.
- Le corps, voyons ! C'est bien pour ça que vous avez appelé ! - Là-bas...
J'ai dit ça avec le son de la voix qui s'éteint à chaque voyelle, sans me retourner, index pointé derrière la nuque, yeux fermés ou presque, vocabulaire toujours aussi pauvre mais promis juré craché, j'étais à fond.
- Pouvez pas être plus précis ?
- ....
- (soupir) (regard échangé avec l'autre) (haussement d'épaules, peut-être bien) Bon, venez avec nous, montrez-nous ça, ça sera plus simple ! - Euh... Non... Peux pas.... articulai-je, même pas agacé par leurs sourires à la con. J'ajoutai, comme on se lance dans un sprint effréné : là-bas, près des fougères, derrière le rocher. - On va voir ça. Vous ne bougez pas ! Il n'y a avait aucun risque pour que je bouge. C'est l'autre gendarme, cheveux noir, plus grand que son collègue, qui avait maintenant pris les choses en main. Pendant que je me disais qu'ils pouvaient fouiller toute la forêt pendant six mois s'ils le désiraient, je broncherais pas, je l'entendis dire à son collègue :
C'est là ! Putain, c'est crade !
Et c'est comme ça que mon vélo fit sa première randonnée à l'intérieur d'un véhicule de police. Avec la sonnette qui tintinabulait à chaque bosse, et c'est fou comme il y en a des bosses entre une forêt et la gendarmerie la plus proche, il était presque plus causant que moi.
Je me remettais doucement du choc. Et je n'étais plus seul, maintenant. La découverte avait cloué le bec aux deux agents, visiblement. Ils avaient passé quelques coups de fils, une autre voiture était arrivée, puis une autre, j'avais entendu des surtout pas un mot à la presse, des c'est là et des et lui c'est qui, quelques ô merde et des mots comme médecin légiste, fichier, famille, et puis nous avions fini par arriver.
- Votre nom, c'est quoi ? Le petit avait pris place dans un bureau qu'il partageait avec des collègues. C'était méticuleusement rangé. Presque maniaque. J'aurais dû m'en douter. Faut toujours se fier à sa première impression.

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