Magazine Humeur

Leila @ Café de la danse

Publié le 10 mars 2009 par Jekyllethyde

Le Café de la Danse ? Pourquoi pas… Après tout n’est-ce pas un nom approprié pour recevoir, par un lundi grisâtre, une des plus grandes figures et techniciennes de l’electronica, Princesse du déstructuré et Reine de l’envoûtement, l’iranienne Leila... Issue de l’union entre un Aphex Twin sous montée d’acide et d’une Björk en chute libre dans le terrier du lapin blanc, Leila développe depuis maintenant plus d’une quinzaine d’années son univers fantasmagorique. Déjà présente lors de l’épopée des DJ Kicks sous le nom de Grammatix, son style particulier flirtant entre du piano d’orfèvre ou de la techno de ravers va m’amener loin ce soir… Très loin.

Entrant sur scène après une performance brutale du barcelonais Filastine, qui en avait marre de seulement utiliser son Caddie pour faire ses courses, Madame Leila traverse l’épais nuage de fumée et  se place derrière son mur de machine, l’air de rien. Inutile de tergiverser, la première basse réveille instantanément mes tympans branchés sur le mode survie depuis cette soirée ignoble au Social Club… Mettle, c’est le nom du titre phare de son dernier album, mais c’est aussi le premier son qu’elle joue. Et là, je me dis ;  « Putain il faut en avoir de grosses pour balancer d’entrée de set ce que ¾ des gens sont venus écouter »…
Moite, dense, humide, suintant et puissant , le titre nous est joué, en live, de mains de maître. Pas étonnant, ici on n’assiste pas à un classique du genre italo disco ou french touch 3.0, non, ici nous avons droit à non pas deux platines cd mal raccordées mais bel et bien à un véritable studio d’enregistrement, raccordé à trois caméras nous retransmettant sur écran géant des petits doigts s’affairant derrière un mur de boutons.

Voilà vingt minutes que je plane dans cet univers fantasmagorique rythmé par une basse en adéquation totale avec le mouvement de va-et-vient de l’horloge retransmit en arrière plan. Quand la voix roque et furieuse de l’Iranienne me sort de ma méditation, «  What the fuck with all this fuckin’ smoke, TURN that shit of !! ». Et Roya Arab de reprendre gentiment «  Please can you turn off the smoke a little bit, it’s hard to play… ». Contraste énigmatique que ces deux sœurs présentent ensemble sur la même scène, dégageant une énergie à mi-chemin entre les combes de l’enfer et les cieux d’un paradis sans nom.

Sans nom, mais aussi sans concession , voilà comment je décrirais donc ce set épaulé par trois vocaux, dont celle de Roya, hypnotique, douce, folle. À noter aussi l’interpellante et courte intervention de cette humanoïde en tenue cybertronique, troublant…
Pas mal de morceaux issus de ses anciens albums viendront rythmer ce live aux allures de féerie mystérieuse et effrayante au pays de l’Iranienne, où notre présence ne se résume pas à celle de simples spectateurs. Certes nous sommes bien passifs, mais l’énergie se dégageant des bribes de basse déstructurées nous rappellent que nous sommes passés au cap de l’intimité entre une artiste de génie et son public, l’opportunité d’assister à un véritable bidouillage en direct d’un studio d’enregistrement paumer, glauque, merveilleux au fin fond de la Russie en pleine guerre froide.

Mes tripes s’envolent pour atteindre l’état de grâce, où ce passage exigu entre l’electronica planant et la techno la plus sèche, percutante, vous emportent dans un flow de pensées incohérentes. Le visage de Leila se fige dans une mimique quasi gorgonesque et l’instant d’une seconde je me demande si je ne suis pas en train d’assister à une cérémonie païenne en l’honneur d’une quelconque divinité mystique.

Tout d’un coup tout s’arrête, est-ce la fin ? Sommes-nous arrivé au bout du chemin ? Je reste sur ma faim, mais quelle est la suite ?… Et puis s’adressant au travers de l’homme vocal à la voix cristalline retentit LA question, “Do you want more ? ” Mais bien sûr ,BIEN SÛR, “So do you want techno or piano ?
Technooooo, le mot m’est sorti tellement naturellement que je ne me suis pas rendu compte que ¾ de l’assemblée exigeait du piano… Non ce n’est pas possible, c’est l’heure du combat me dis-je, impossible de finir un set aussi furieux sur du piano, il faut enfin que nous mettons un terme à ce combat épique…

Heureusement les connections diaboliques me reliant à l’enfer glacé de Leila guide la diablesse sur la route d’une techno deep et transcendantale. Et voilà qu’elle nous dégaine une impro digne des plus grands, la paternité d’AFX ne fait aucun doute, un breakbeat fou s’enchaîne dans mes tympans éveillant en moi l’envie de slamer sur tous ces gens assis ayant exigés du piano et leur manger la cervelle avec un petit peu de sel…

Je sors de là, l’esprit envoûté, au coeur de ma tête un petit labyrinthe et cette déesse s’y promenant sur son vélo depuis de nombreuses années et pour encore longtemps.. Merci Warp, merci Marine, merci à ceux qui permettent à ce genre de virtuose des machines d’exister. Warp s’est une fois de plus affirmé à contre-courant d’une musique électronique jetée sur les trottoirs d’une prostitution massive, facile, et j’ai hâte, hâte d’être au Primavera Festival pour voir AFX, GangGang Dance, Squarepusher, hâte d’écouter le dernier album de Prefuse 73, hâte d’être aux vingt ans de Warp pour leur date exceptionnelle à la Cité de la Musique…

2Sheep4Coke


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