Sorti il y a déjà presque un an, le premier LP des Syclops n’aurait pas dû échapper à ma surveillance. La faute à Maurice Fulton, qui s’était planqué derrière ce nouvel avatar. C’est à se demander comment ce producteur et DJ, aussi discret qu’atypique, auteur d’une quantité de remix (de Château Flight à Hot Chip), investi dans des projets parallèles (Eddie & The Eggs, Ladyvipb), groupes (Hot Sauce, Monnwalkers) et productions diverses (il avait transformée Kathy Diamond en Cendrillon de dancefloor) puisse garder le profil bas. Aux commandes de ce nouveau projet expérimental electro jazz publié sur DFA, le label d’Hercules & The Love Affair, il a conservé son cap sans succomber aux sirènes de la disco.
Composée d’un trio de figures inconnues, la formation, qui s’est dispensée d’interview et de tournée, s’entoure d’un tout relatif anonymat. Le manque d’informations à leur sujet ne fait que renforcer la présence du producteur dont la seule évocation du patronyme réduit presque mécaniquement au rang d’exécutants les membres de l’équipe. Difficile de ne pas considérer l’album comme une pièce solo. Fulton s’efface aussi bien qu’il en impose et son appétence pour les rythmes syncopés n’a d’égal que sa manie à déconstruire les codes des genres musicaux. Des compositions electro funk, disco et encore jazz, sujets à des revirements et modulations inattendues, qui ne semblent obéir qu’à la fantaisie soudaine du producteur.
Les combinaisons sont multiples. Du jam session de percussion sur "RN17", au vol irritant de l'acide "The Fly", en passant par l’instrumental Noaka’s F, l’enchaînement des trois premiers titres laisse un aperçu de l’inconstance de ce producteur qui ne connaît plus de frontières. Machines et instruments s’entrecroisent comme pour exploiter les textures sonores offertes par l’un et l’autre. Ce mouvement naturel fait naître "5 Out" qui, à la manière d’un végétal après une lente maturation, fait jaillir une fleur printanière dans la brève explosion d’une ligne de basse slapée et d’un piano.
Le funk robotique de "Where’s Jason K" fait place à un "Nelson’s Back" tourbillonnant, véritable petite épiphanie musicale. Les modulations du beat crasseux et saturé, utilisé à plusieurs reprises et que l’on retrouve sur The "E Ticket" constituent une sorte de fil rouge, qui resurgit dans le miroir déformant acid techno de "Mom, The Video Broke". Quant aux deux derniers morceaux, le titre éponyme et "A Lovely Sunday", s’échappent, délestés, sur quelques accords de piano. Fulton est un éternel fugueur.
En bref : Dans la diversité de ses approches, entre instrumentation et machines, I’ve Got My Eyes On You est une succession de tiroirs dont le contenu se révèle parfois surprenant.
Le MySpace des Syclops et de Maurice Fulton