Deuxième incursion dans le monde du polar australien et j'en sors ravie! Je découvre l'écriture de Upfield et ses descriptions saisissantes de la brousse australienne, toile de fond tremblant de chaleur d'une succession de disparitions dans un élevage extensif de moutons.
L'inspecteur Bonarparte, dit Bony, est diligenté dans le bush australien pour enquêter sur la disparition d'un homme, Ray Gillen, au cours d'une baignade nocturne dans le lac Otway. Ce lac est particulier: il se forme tous les vingt ans et a une durée de vie de trois, quatre ans...un phénomène étrange et presque sacré. Bony a une couverture: il est dresseur de chevaux, recruté par le grand propriétaire de l'élevage. Bony a une particularité: il est métis, ses ancêtres maternels sont aborigènes et il a reçu en héritage la patience, l'envie de courir la brousse et un regard empreint d'une rare humanité sur les êtres et les choses.
D'emblée, Bony saisit l'intensité du malaise qui règne sur le domaine: tout le monde se guette, tout le monde est sur le qui-vive, tout le monde attend avec impatience et angoisse la disparition inexorable du lac. L'attente, à la limite du supportable, de voir s'évaporer les ultimes gouttes d'eau pour enfin retrouver les restes de Gillen et faire main basse sur son magot.
Une partie incroyable de pocker-menteur se construit autour des protagonistes: les deux femmes, la mère et sa fille adolescente, éléments déstabilisateurs de l'harmonie d'avant leur arrivée, avides de pouvoir et d'argent, rivalisant de séduction jusqu'à se détester; les "cow-boys" des moutons, l'homme à tout faire, le régisseur et le trappeur anglais, note étonnante et amusante du tableau. Qui a profité de la mort, accidentelle?, de Gillen pour embarquer et cacher le magot de ce dernier? Qu'attendent-ils, tels des charognards, autour de ce lac en partance?
Bony, observe, note, sourit, discret mais incisif, sous le soleil insoutenable des grandes chaleurs australiennes. La fournaise devient chaque jour plus torride, l'eau du lac s'évapore inexorablement, les oiseaux migrateurs préparent leur dernier vol dans une cacophonie nocturne des plus criardes et la nature est en attente d'un long sommeil.
Le huit-clos à ciel ouvert, sous la chaleur meurtrière, se déroule entre évaporation du lac, piégeage des lapins, effrayants par leur multitude, et tâches quotidiennes auprès des chevaux et des moutons. Upfield baigne son lecteur dans le voile opaque et irritant de la poussière des chemins et des routes, l'entraîne dans l'immensité du bush qui isole l'humanité parmi les moutons, les lapins, les kangourous et les oiseaux. On vit la sécheresse, on transpire et on halète à l'ombre des poivriers, on se rue dans le réservoir pour trouver une once d'eau fraîche, on est collé aux éléments et à l'atmopshère extrêmement bien rendue de cette brousse sèche et tentaculaire, dans une Australie des années vingt.
Un roman policier comme je les aime: fouillé, bien construit avec le deus ex machina final qui éclaire les souspçons que le lecteur a pu avoir en cours de lecture!
Roman traduit de l'anglais (Australie) par Michèle Valencia
Roman policier lu dans le cadre du défi Littérature policière sur les 5 continents
Les avis de Allie petitepom sophie