Le processus d'ancrage dans la conception des interfaces

Tristan Blanc-Brude
Concepts et Méthodes
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En psychologie, le processus d'ancrage ("grounding") fait référence à une théorie de la communication humaine (grounding in communication) selon laquelle les participations aux conversations humaines sont des actes collaboratifs.

Selon cette théorie, les individus en conversation coordonnent leurs états de connaissance pas à pas, en cherchant et en fournissant des preuves « positives » sur ce qui a été dit et compris à plusieurs étapes du dialogue ; c’est le processus d’ancrage. De cette manière, les interlocuteurs peuvent avancer dans le dialogue en s’assurant que l’autre est bien « sur la même longueur d’onde », ce qui facilite les ajustements lorsqu’une incompréhension survient.

Le processus d'ancrage en communication homme-homme est également valable en interaction homme-machine. En effet, une interface doit être capable de permettre à la fois au système et à l'utilisateur de coordonner leurs actions pas à pas pour faciliter la prévention et la correction des erreurs. Pour cela, le système doit fournir des feedback « négatifs » (sur ce qui n’a pas été compris) mais aussi des feedback « positifs » (sur ce qui a été compris).

Par exemple, dans le formulaire ci-dessous (fig.1),

- un feedback renseigne l’utilisateur sur l’étape du dialogue dans laquelle il se trouve (la section du formulaire en cours d’édition passe en bleu)

- des preuves « négatives » sur ce qui n’a pas été compris sont fournies à chaque étape du dialogue (le message d’erreur de saisie de l’adresse mail est délivré dès que l’utilisateur quitte le champ)

- des preuves « positives » de ce qui a été compris sont données (le système indique le niveau de sécurité du mot de passe en cours de saisie)

De cette manière, l’utilisateur peut progresser dans la complétion du formulaire en étant sûr à chaque étape que ses entrées ont bien été interprétées.

Fig 1. Formulaire de création d’un compte Hotmail

Le nombre et la fréquence de feedback délivrés au cours de l’interaction dépend du niveau d’ancrage fixé. Le niveau d’ancrage doit par exemple être élevé lorsque la conséquence d’une erreur est importante pour faciliter la détection et la réparation immédiate de celles-ci. Dans l’exemple ci-dessous (fig. 2), le niveau d’ancrage est très élevé : le feedback indique un risque potentiel, avant même que le problème ne se produise.

Fig 2. Exemple de message d’avertissement dans un champ de saisie de mot de passe

Par contre, il n'est pas recommandé de fixer un niveau d’ancrage élevé de manière systématique car l'accumulation de messages en sortie peut entraîner une surcharge cognitive pour l’utilisateur.

Nous avons montré au travers de l’exemple du formulaire comment le principe d’ancrage pouvait guider la conception d’une interface. Il est cependant important de fixer un niveau d’ancrage adapté au contexte pour faciliter la détection et la réparation des erreurs sans augmenter inutilement la charge cognitive de l’utilisateur.