Laura me donna rendez-vous à l’hôtel Amour dans le 9ème arrdt.
J’étais pas contre mais pas d’accord du tout.
Si par malheur, un paparazzi mal rasé me prenait en photo en pleine après-midi là-bas, j’étais un homme mort.
Mon chien, ma femme, mes deux enfants et mon hamster me quitteraient illico sans prendre les formes mais en emportant tous les meubles et sans coup férir.
Ce qui dans l’absolu n’était pas drôle.
L’idée de perdre mon hamster donna à mes yeux un petit côté piscine olympique à forte concentration en muscles, moule trucs, bonnets siliconés et lunettes ventousées pour globes oculaires.
Laura compréhensive changea le lieu de rendez-vous.
Elle était chouette Laura.
On décida d’un commun accord de se retrouver à 15h00 au Rose Bakery, rue des martyrs.
José et Romuald m’attendaient de pied ferme et en escalier dans cette rue toute en pente qui ressemblait à une piste de ski labellisée ESF qui sentait bon la raclette.
Je remontais la rue en remuant du bidon comme une danseuse du ventre qui opinait du bourrelet de façon pathétique.
José était capuché comme un Stuck in the Sound et Romuald comme un YOU ! tout court mais capuché quand même.
José et Romuald me regardaient en se demandant si c’était bien moi qui remontait la rue des martyrs, la goutte au nez en leur tendant le bras comme un imbécile heureux.
Je me présentais à eux sans chichis en leur serrant la main l’air de rien.
« Hello ! », dis-je en ne disant rien de vraiment intéressant.
« Salut, mec ! », répondirent Romuald et José comme un seul homme.
Le Rose Bakery était décidemment un peu trop rose pour nous.
José était d’accord. Romuald aussi, je crois bien.
Laura m’avait posé un joli lapin. Elle n’était pas venue.
Mon hamster pouvait dormir tranquille sur ses deux oreilles et en équilibre.
J’écrasais ma clope en la jetant au loin sous mes pieds.
D’un commun accord, nous traversons la rue timidement en ordre dispersé.
Le café en face était situé juste en face.
On y alla tout de go mais à la queue leu- leu.
Le bar nous accueilla les bras ballants mais de façon sympathique.
Il était vide et le brouhaha de la machine à cafés était silencieux.
Chacun s’installa à qui mieux, mieux.
Moi, en face. Romuald et José de l’autre côté.
« 3 cafés dont un serré, svp… » , dis je en interpellant la jeune serveuse qui passait par là, un peu surprise par cette commande qui allait booster son chiffre d’affaire.
INTERV YOU !
LA RENCONTRE
José et Romuald s’étaient rencontrés un soir dans un bar grâce à une amie qu’ils avaient en commun, puis un autre soir dans un autre bar tout seul comme des grands.
Les soirées s’enchaînèrent comme des petits pains et tous les deux commencèrent gentiment à s’habituer l’un à l’autre en se marrant comme deux larrons en foire.
On était en juillet 2005 et Romuald connaissait vaguement les STUCK.
José ne savait pas encore à qui il avait vraiment à faire.
Un soir, José décida de dormir chez Romuald pour une raison assez obscure de carte orange 2 zones déguisée en passe navigo. Ou en Vélib. Je ne sais plus vraiment.
José habitait Montreuil et après une soirée du genre arrosé, il était plus sage pour José de squatter chez Romuald.
Romuald en profita pour lui faire écouter ses « trucs » comme il dit.
José resta scotché comme une mouche sur un papier tue qui portait le même nom en écoutant les « trucs » de Romuald.
« Mais putain, c’est mortel ce truc ! », dit José en regardant Romuald comme une salade grecque vachement bien assaisonnée.
José posa illico et de façon instantanée sa voix sur les 4 premiers « trucs » de Romuald (Ouohoho, Shot, Fight et Jenny Go)
Romuald et José kiffèrent grave.
Le groupe YOU ! était né.
Les cartons de naissance furent envoyés à la va-vite ni une ni deux sur une page Myspace improvisée.
LA SPONTANEITE DES MORCEAUX
Entre les STUCK et YOU !, la voix de José se ballade gentiment dans les aigus comme un Robert Smith au meilleur de sa forme.
Les STUCK ont signé avec un label et commence à enchaîner les tournées sérieusement.
Les labels commencent à s’intéresser rapidement à YOU !
La signature arrive vite, très vite, trop vite ?
L’histoire nous le dira plus tard mais c’est assez rare pour le souligner.
Romuald et José travaillent par sessions de 3, 4 morceaux de façon sporadique mais très régulièrement.
José sonne à l’improviste chez Romuald et pose sa voix instantanément en une seule prise devant un micro tout pourri branché sur un ampli tout pourri aussi.
Romuald ensuite mix à sa sauce en cassant les medium.
Romuald aime bien déconner avec les medium.
La voix de José est utilisée comme un instrument de musique par Romuald.
Et il n’est pas rare d’entendre la voix de José sur des morceaux qu’il n’a pas encore chanté.
Le résultat est hope to YOU !
YOU ! A T-IL UN AVENIR EN FRANCE?
José pose la question à Romuald.
Romuald n’est pas sûr que son projet ait de l’avenir en France mais en même temps il s’en fout un peu, voir carrément.
Ce qui l’intéresse vraiment, c’est de faire des trucs qui lui plaisent.
Après, bien sûr l’Angleterre, why not ?
Et tourner un peu plus, ça c’est sûr…
Rattraper le temps perdu, peut- être aussi.
C’est ce que pense José en tout cas.
« Mais pourquoi personne n’en a parlé avant de ce truc, putain de bordel de …», dit José en serrant son petit poing rageur comme un calamar géant un peu timide de la ventouse.
Pour José, la musique de Romuald, c’est du pain béni et du vin aussi. Mais pas encore béni.
«J’arrive, je chante, c’est bon, quoi ! ...»
Il avale son café d’une traite pour étoffer sa pensée.
Je suis d’accord avec José mais j’ai déjà fini mon serré.
Je ne m’étale pas pour ne pas gêner Romuald.
Romuald est graphiste dans la vie mais avant tout un très très grand compositeur.
Voilà, c’est dit.
Romuald doit se faire à cette idée et à son nouveau statut.
LA FAMILLE
David des I AM UN CHIEN, accessoirement frère de José, et Doug, comparse de David ont rejoint le groupe YOU ! pour jouer sur scène.
De vraies bêtes de scène les I AM UN CHIEN.
José et Romuald me disent qu’il ne serait pas étonnant qu’à terme on retrouve les STUCK, YOU ! et I AM UN CHIEN sur le même plateau, la même scène, le même soir.
Le projet pourrait voir le jour prochainement en Angleterre.
A suivre donc, mais pas comme un jeune chien fou.
LE CLIP DE « I HATE YOU »
En 4 jours, le clip a été visionné par 28000 personnes sur Dailymotion.
Trois cents commentaires pas forcément pertinent mais néanmoins rigolos ont parsemé le net de débilités en trois W.
Les gens trouvent la voix de José horrible.
La crédibilité du commentaire est évidente.
José chante vraiment très très mal.
La tête du clip est morte de rire.
MONEY, MONEY, MONEY
On évoque rapidement le sujet avec José. La crise du disque et tout le tralalla.
José me dit toucher 0, 17 cts par album vendu avec les STUCK.
No comment.
Je sens que je vais payer les cafés.
Objectif live !
A défaut de penser à la lune.
LES STUCK VS YOU !
« José, si tu devais choisir entre les STUCK et YOU ! ? », dis-je.
Ma question est débile, je le sais.
La réponse de José fuse sans hésitation.
« Je reste avec les STUCK et mes angoisses, bien sûr...
YOU ! est un exutoire pour moi, je chante grave, aigu… »
José n’a pas le temps de finir sa phrase que Romuald est déjà sorti fumer une cigarette cul sec, légèrement énervé mais reste malgré tout fair-play.
UN ALBUM BIENTOT ?
Romuald est revenu en souriant avec de la fumée plein les cheveux.
« On attend de voir ce qui se passe un peu », me dit-il.
Quelques EP sont prévus mais rien n’est vraiment définie.
L’avenir des STUCK est forcément lié à celui de YOU !
Ou inversement.
VOUS ECOUTEZ QUOI LES GARS EN CE MOMENT?
« Crystal Castles », me répond Romuald sans hésiter en rajoutant « Et pas mal de trucs pas connus… »
« Romuald est très fort en truc pas connu du tout ! », renchérit José l’air moqueur.
Romuald me regarde bizarrement et est incapable de me citer un de ces groupes pas connu du tout.
A part un truc italien dont j’ai oublié le nom.
Mais qui à priori n’est pas connu du tout.
Romuald n’avait pas menti.
Moi, j’écoute « YOU !, SONIC YOUTH, METRONOMY, les DODOZ, NELSON, SYD MATTERS, I AM UN CHIEN… », me dit José mais « Je suis réellement un grand fan de YOU !, en fait… ».
Romuald le regarde et une petite l’arme coule sous sa capuche.
On décide de finir l’interv YOU ! en fumant une clope sur le trottoir.
On se regarde sans se parler.
Chacun écrase sa clope avec son propre style.
On se serre la main en se disant à bientôt.
Je pars l’air satisfait
Je remonte la rue des martyrs en appuyant sur la touche play de mon magnéto.
Cet imbécile à piles n’a rien enregistré.
Je viens de passer plus d’une heure avec le plus grand groupe de rock de la rue des martyrs et je suis le seul à le savoir.
I Hate ce putain de magnéto !
Je remonte la rue à contre sens en écoutant « Sisters » à fond dans les oreilles avec mon casque à musique légèrement désorienté par le talent de Romuald et José.