Une critique, on l’oublie assez souvent, est par essence subjective. Certaines plumes érudites peuvent donner l’illusion de l’impartialité, mais soyons honnêtes : un avis n’est jamais qu’un jugement personnel établi sur la base d’une expérience qui ne l’est pas moins. Donc je vous le dis d’entrée de jeu, cette critique de Watchmen, le nouveau film de Zack Snyder, le réalisateur du non moins polémique 300, ne sera pas objective.
Watchmen le film est l’adaptation de Watchmen le graphic novel, paru en 1987, écrit par le Britannique Alan Moore et dessiné par Dave Gibbons. Si la passion du comic book était une religion, autant le dire de suite, Watchmen en serait la bible. L’œuvre fondatrice de toute la culture comics moderne. Les dernières grandes sagas des deux grandes maisons d’édition que sont Marvel et DC, notamment « Civil War » ou « Identity Crisis », ne sont qu’une variation de moindre qualité sur des thèmes abordés dans Watchmen.
Bien plus que les ouvrages de Frank Miller, c’est ce roman graphique qui a fait entrer le comic book dans l’âge adulte. En nous présentant une Amérique impérialiste coincée dans une Guerre froide sans lendemain, Moore nous parle de la fin d’une époque, de la fin d’un rêve américain, symbolisé par des héros perdus, névrosés, sociopathes et en quête de sens. Dans un monde où la politique, les idéologies et l’économie prédominent, que peut réellement la figure du vigilante masqué ? Plus simplement, Watchmen nous apporte la réponse à cette question : Que serait le monde si Superman existait ? Le monde ne changerait sûrement pas fondamentalement, mais Superman, si.
Qu’en est-il du film Watchmen ?
Œuvre autrement plus subtile que 300, la précédente adaptation de Zack Snyder, ce dernier était attendu au tournant par des millions de fans de par le monde. Truffé d’intrigues parallèles, de personnages secondaires, de différents niveaux de lecture, ce récit a longtemps été qualifié d’inadaptable, à l’instar du Seigneur des anneaux. Zack Snyder est-il de la trempe de Peter Jackson ? À la vision du film, la réponse est sans appel… Non ! Snyder a fait le choix de la non-adaptation en réalisant un film tout entier dédié aux fans de l’œuvre originelle. Aucune passerelle n’est établie afin que le néophyte puisse s’approprier les règles du genre. Le spectateur doit accepter d’emblée l’existence des supers héros, d’un Docteur Manhattan démiurge bleu complètement nu philosophant sur sa condition à la surface de la planète Mars, mais surtout doit faire face à l’absence d’un personnage candide censé incarner le regard du béotien.
Watchmen déstructure la cosmogonie des super héros, mais pour applaudir à l’exercice, il faut déjà avoir une connaissance aigue de ladite structure. Snyder présuppose que les récents succès de films de super héros ont développé une conscience du genre chez les spectateurs. C’est en partie vrai, mais connaître son alphabet n’a jamais permis à un enfant de lire immédiatement l’Odyssée. C’est cet écueil dans lequel tombe Zack Snyder… Pour mon plus grand plaisir !