La crise économique va demander un gros effort de la part de tout le monde. Le gouvernement, on s’en doute, aura besoin de tout l’argent qu’il peut aller chercher. Ce qui risque d’augmenter la pression sur ses vaches à lait que sont la SAQ, Hydro-Québec et Loto-Québec. Qui va payer? Beaucoup trop de gens qui n’ont pas les moyens.
Je questionne régulièrement Loto-Québec et son impact sur la population. Ce n’est pas d’hier que le sort des joueurs pathologiques me tient à cœur. Celui de leurs proches également. Mais j’ai l’étrange impression que Loto-Québec, malgré ses belles publicités, ne s’en préoccupe pas tellement.
Dans ce numéro, notre journaliste Dominic Desmarais fait un bref récapitulatif du recours collectif de joueurs pathologiques contre notre vénérable institution du jeu. Je dis bref, car comment transposer en quelques pages 6 ans et demi de procédures judiciaires? Et nous n’en sommes qu’au début!
Recours collectif contre Loto-Québec
Le recours, qui a débuté en 2001, est devenu un procès depuis octobre dernier seulement. Il s’agit d’une première mondiale. C’est la toute première fois qu’un tribunal est appelé à se prononcer quant à la responsabilité d’une institution du jeu sur la maladie de jeu pathologique. Une première mondiale qui, si elle fait jurisprudence, aura un impact… mondial! Malgré l’ampleur des enjeux en cours, êtes-vous au courant? Très peu de médias en parlent. Après tout, cette maladie, qui touche directement plus de 100 000 personnes, qui à leur tour touchent directement leur entourage, n’est pas aussi croustillante que le gangstérisme et les procès reliés aux Hells Angels. Alors on en parle peu. D’autant plus que le procès se déroule à Québec, un village pour le nombril montréalais des médias.
Loto-Québec en profite…
On en parle peu, de ce premier recours mondial mais, étrangement, on voit beaucoup, depuis l’automne, les publicités de Loto-Québec qui vante son jeu responsable. La télé et les journaux en sont bien nourris. Loto-Québec, si elle ne peut acheter un jugement, a tout de même les moyens de s’acheter une belle personnalité.
On en parle peu, aussi, en raison du droit. C’est que le juge qui entend la cause, Gratien Duchesne, ne veut pas qu’on en parle. Cette cause lui appartient, il peut décider de tout. Les procès sont ouverts au public? Pas de problème. Mais ce public n’aura pas le droit d’ouvrir la bouche pour en parler au dehors. Car le juge Gratien Duchesne a émis une ordonnance de non publication pour les citoyens qui ne sont pas des journalistes reconnus. Le citoyen serait-il trop con pour rendre compte de ce qu’il pourrait entendre et voir lors de ce procès? Je n’ai pas de réponse. Le juge ne s’est jamais expliqué. Il est seul à le savoir.
Loto-Québec n’aurait pu demander mieux. Quelle image aurait-on d’elle, après avoir entendu les témoignages de détresse de ces gens malades de jeu pathologique? Je me questionne sérieusement. Peut-on débattre, en société, de ce problème qui nous interpelle tous? Ne sommes-nous pas tous concernés par ce problème de société qui met en cause non pas seulement Loto-Québec, mais surtout celui qui tire les ficelles, le grand boss, c’est-à-dire le gouvernement? Ils veulent des joueurs responsables? Je leur propose à la place des citoyens responsables! On réglerait bien d’autres problèmes ainsi.
Joueurs pathologiques mis en sourdine
En matière de jeu pathologique, la première action à prendre est d’informer. Les gens doivent savoir qu’il est possible de développer une dépendance au jeu. Et qui de mieux pour nous informer que ceux-là même qui vivent cette détresse? Le juge Duchesne réalise-t-il l’ampleur de la maladie de jeu pathologique, l’ampleur de la détresse des gens qui témoignent devant lui?
Même la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), qui délivre les permis pour les appareils de loterie vidéo, reconnaît le problème relié au jeu. Même la Régie reconnaît l’importance d’informer et de sensibiliser les gens. La Régie s’inquiète d’ailleurs de l’impact de ces joueurs sur leurs enfants. En 2004, son président, dans une allocution, reconnaissait que «ce sont les comportements de jeu des parents qui influencent le plus les comportements de jeu des jeunes.» C’était il y a 4 ans!
Et aujourd’hui, alors qu’il se présente une occasion en or de sensibiliser TOUT le monde, particulièrement nos enfants, on préfère balayer le problème sous le tapis. Faudra-t-il attendre que 500 000 de nos jeunes développent la maladie de jeu pathologique, pour agir? Pourquoi attendre? Pour de l’argent? Nous n’en avons pas les moyens. Mais pour le savoir, il faudrait entendre parler de ce recours…
Reflet de Société, Vol.17, No 2, Février/Mars 2009, p.4