Encore quatre morts la semaine dernière à Madagascar, pays que se disputent deux petits dictateurs en puissance. Deux petites bombes à retardement, partiellement manipulées si ce n'est par des forces étrangères au moins par l'appât du gain. Deux apprentis sorciers qui expérimentent des amalgames dangereux de démocratie et de populisme dans leurs chaudrons. Deux clones engendrés par le libéralisme sauvage, interchangeables, confondables, l'un dans l'ombre de l'autre. Le premier craignant le deuxième, bien trop au faîte de sa propre histoire pour ne pas se reconnaître et sentir le vent du boulet. Ivresse du pouvoir, ambition personnelle auxquelles semble se mêler un conflit intime datant d’avant l’accession en politique des deux hommes.
Cela fait plusieurs mois que le jeune et déjà ancien maire de la capitale malgache, Andry Rajoelina, interpelle, provoque le pouvoir et fait descendre la population dans les rues afin de déstabiliser le gouvernement de Marc Ravalomanana. Celui que l’on surnomme TGV en référence au nom de son parti politique Tanora malaGasy Vonona (les jeunes malgaches décidés) remet en cause la politique du président et revendique le pouvoir pour lui-même. Après une brève tentative de pourparlers sous l'égide du Conseil chrétien des églises à Madagascar (FFKM) qui s'étaient soldés par quelques avancées dont l'une était la promesse de ne plus provoquer de manifestations contre le gouvernement contre celle de ne plus arrêter les partisans de l'opposition, le dialogue a à nouveau été rompu il y a deux semaines.
La semaine dernière, de nouveau l'escalade. Des rassemblements ont fait deux tués par balles mercredi dans le centre de Madagascar lors de la dispersion par les forces de l'ordre d'une manifestation de l'opposition. Mercredi et jeudi, le centre-ville d'Antananarivo était le théâtre de jets de pierres contre grenades lacrymogènes. Là aussi, deux morts par balle, dont une jeune fille vraisemblablement victime d'une balle perdue dans le quartier de l'université.*
Enfin, dans la nuit de jeudi, rebondissement : la tentative avortée d'arrestation d'Andry Rajoelina à son domicile. Ses partisans auraient alors dressé des barrages autour de son quartier. Une fois encore, le jeune Andy TGV ne faillit pas à la ligne qui l’a bien servi jusqu’ici : rameuter une population exsangue, affamée et fatiguée, envoyer ces gens manifester, et occasionnellement se faire tuer, pendant qu’il reste derrière. Après son arrestation manquée, le maire destitué aurait lancé un appel via sa chaîne de télévision pour appeler ses partisans à venir le défendre.* Toujours sans égard pour les conséquences que cela pourrait engendrer.
Aujourd’hui, l’expectative. Après des mutineries de soldats dans des casernes, la résolution de neutralité observée jusqu’ici par l’armée pourrait être remise en cause de la base comme du sommet. Autant dire que Marc Ravalomanana marche désormais sur des œufs.
Aujourd’hui caché, entré en clandestinité, l’apprenti sorcier Rajoelina remet sa marmite sur le feu. Attention à la prochaine ébullition.
* selon dépêche AFPMes Petites Fables