Commentaire RELATIO par Daniel RIOT : Décidément, Sarkozy éprouve des difficultés avec les magistrats. Il est vrai que sa conception de la réforme de la Justice ne répond ni aux exigences républicaines ni aux impératifs qui devraient être prioritaires.
Sur les affaires, deux infos et deux dossiers pour Rachida Dati, la ministre la plus sollicitée par Sarkozy…
>>>L’une est plutôt rassurante : la fin de la prise en compte (par le fisc, notamment) des dénonciations anonymes. Cette pratique, qui a fait tant de ravages sous l’Occupation, c'est-à-dire au temps de la Collaboration, reste ancrée dans les mœurs française d’une façon détestable, même si elle peut jouer un rôle positif dans des affaires mafieuses ou dans la lutte contre la criminalité économique, un secteur où Sarkozy a fait peur de promesses, en dépit de l’ampleur du fléau…
>>> L’autre inquiète légitimement les magistrats. Redonner «le goût du risque» ou protéger les malversations? Là est la question…. Nicolas Sarkozy a affirmé devant le Medef vouloir «mettre un terme» à la pénalisation du droit des affaires. Qu’est-ce à dire ?
«La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur», a déclaré le chef de l'Etat, lors de l'université d'été du mouvement patronal à Jouy-en-Josas (Yvelines). Comment «rendre aux Français le goût d'entreprendre» si «au risque financier s'ajoute systématiquement le risque pénal? Si la moindre erreur de gestion peut vous conduire en prison?», s'est demandé le chef de l'Etat.
Déplorant que «tant et tant de contentieux qui pourraient être réglés au civil viennent embarrasser nos juridictions correctionnelles et notre droit pénal», le président a annoncé que la ministre de la Justice Rachida Dati ferait «très rapidement des propositions».
Les principaux syndicats de magistrats n'ont pas caché leur inquiétude. Le Syndicat de la magistrature (gauche) a estimé que le président avait «choisi le camp des patrons indélicats». La pénalisation du droit des affaires ne vise «rien d'autre que des fraudes à la loi, lorsqu'un chef d'entreprise agit contre les intérêts de sa société», a insisté la présidente du syndicat, Emmanuelle Perreux, «atterrée» par les propos présidentiels.
Selon elle, le chef de l'Etat «durcit sans cesse son propos et la législation contre les plus faibles, mais a la plus grande mansuétude envers les patrons qui auraient détourné l'intérêt social de leur entreprise au profit de leur intérêt personnel».
Moins sévère, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a plaidé pour le maintien d'une «régulation pénale» du monde des affaires «afin que ceux qui franchissent la ligne rouge soient sanctionnés». Son président, Bruno Thouzellier, a espéré que cela ne signifie pas «que la justice n'a plus à se mêler du monde des entreprises».
Un constat : si bien des abus de procédures peuvent entraîner bien des injustices et freiner bien des élans « créateurs », bien des « fraudeurs » prospèrent en raison de la faiblesse des moyens d’investigation des juges (rares) spécialisés dans les affaires financières. Or, la délinquance économique coûte plus cher à la collectivité que toutes les autres délinquances (si dénoncées) et la lutte contre l’économie criminelle devrait constituer une priorité nationale et européenne. Ce n’est pas seulement affaire de morale, mais d’efficacité économique et de justice sociale… La première victime des fraudeurs, c’est le consommateur-citoyen.
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